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« Grand Cru » de Deen Burbigo : la fougue du jeune entrepreneur
La dernière étoile de L’Entourage s’est offert un premier album studio explosif mêlant fond, forme et (un peu trop de) polyvalence ?
Qui pourra donc les arrêter ? Depuis l’éclosion du phénomène Nekfeu, une flopée de nébuleuses s’est dispersée dans la toile hip-hop française, motivée à bouleverser la hiérarchie. Et Deen Burbigo en est le dernier exemple en date. Les extraits dévoilés laissaient présager un album hybride. D’un « Me réveiller » aérien, à un « Pas une autre » plus mainstream, en passant par un « On y va » parsemé d’égo-trip : où l’artiste souhaite nous emmener ? La réponse est au final « un peu de partout ». Du haut de ses 15 titres, Grand Cru dessine un univers très vaste, éparpillé, mais sans jamais afficher de réelle baisse de régime. Deen Burbigo entre dans la danse, et par la grande porte papy.
Puissant et sans fioriture
Particulièrement attendu, le rappeur marseillais n’a pas fait dans la demi mesure. Au contraire, il a pris le soin d’exploiter chaque fragment de son immense palette artistique pour accoucher d’un opus complet. D’une part, on retrouve son apparence égocentrique et énergique dans les excellents « Coupe le son » ou « Là gamin ». D’autre part, on lui découvre une silhouette plus légère, presque délicate, comme en témoigne « Me réveiller » ou « Tu rêves ». Au milieu de ça, sont disséminés des morceaux inqualifiables qui enrichissent l’atmosphère déjà bien fourni de l’album. « Pas une autre » pour le mainstream, « Freedom » pour la fraîcheur, « En principe » pour l’old school.
Pour son Grand Cru, Deen Burbigo a souhaité s’accompagner du caviar de la scène hip-hop française, tant dans la production que le casting. Caballero, Némir, Eff Gee, Jok’Air ou même Nekfeu, huit invités embellissent l’opus, tous avec pertinence. Et cela, même si le featuring avec ce dernier, qui sentait bon les retrouvailles et la lourdeur, s’avère être un peu décevant. Pour les instrumentales, l’album fait un quasi sans faute et ce, malgré le jonglage entre différents univers distincts. Mention spéciale, une nouvelle fois pour Richie Beats et « Là gamin », peut-être le meilleur son de l’album.
Le danger de la polyvalence
L’album s’ouvre sur une ambiance planante avec « Retour en arrière » qui peint une atmosphère nostalgique et lumineuse. S’en suit « On y va » dont l’instrumentale puissante brise le climat installé dans l’introduction. Une « fracture » surprenante et régulière, track par track, qui peine à dresser une identité propre à l’album. Comme si quelqu’un venait vous foutre un flash en pleine gueule, alors que vous essayiez de vous endormir. Comme cette dernière phrase particulièrement grossière alors que je m’efforce de soigner mon écriture depuis le début de la chronique. Bref, les morceaux se succèdent mais n’admettent pas véritablement de cohérence. Intrinsèquement, chaque titre est puissant et concret. Mais dans l’enchaînement, la pertinence de certains morceaux se pose : d’un « Là gamin » d’une lourdeur effroyable, on passe à un « Fauché » à mi-chemin entre le chill et l’humour, puis à un « Tu rêves » évasif.
C’est, il semblerait, le reproche qu’on avait pu faire à Nekfeu et son Feu. L’envie de trop bien faire pour un premier opus ? Peut-être. Auquel cas, on lui souhaite le même succès que le Fennec. Toutefois, cette hyperactivité qui transpire la bonne volonté est sûrement le seul point négatif d’un album qui se veut très moderne et très bon. Deen Burbigo est définitivement lancé dans le grand bain et rejoint la longue liste des jeunes entrepreneurs de l’Entourage. Grand Cru est une réussite : puissant et hybride, parfaitement ancré dans une génération qui se veut alternative. Ce sera cette vie est pas une autre.
Vous pouvez retrouver l’album de Deen Burbigo sur Spotify ici.