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« Double V » : premier examen réussi, avec les encouragements

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Le YouTubeur a dévoilé son premier album Double V, un virage casse-gueule qu'il a pourtant maîtrisé avec une étonnante aisance.

Le YouTubeur a dévoilé son premier album Double V, un virage casse-gueule qu’il a pourtant maîtrisé avec une étonnante aisance.

Le 19 mai, un Mister V visiblement aussi ému que stressé dévoilait son premier album Double V. Et pour cause, il s’est lancé l’ambitieux défi de réaliser son rêve de gosse. Pour ses collègues vidéastes, il s’agirait plus logiquement de monter sur scène pour balancer des vannes ou de squatter les salles de cinéma. Mais pour lui, le rêve, c’est plutôt le rap. Et ça se sent. Double V transpire la passion et l’envie de bien faire. Et même si l’opus est loin d’être parfait, il parvient tout de même à se glisser avec de solides arguments dans un milieu ultra-concurrentiel et particulièrement hostile.

On se doutait bien que l’opus n’allait pas révolutionner le paysage du rap français. De toute manière, ce n’est pas vraiment ce qu’on lui demandait. Loin de là : on espérait simplement un opus épuré, sérieux, et capable de jouer des coudes dans les charts. Étonnamment, l’ambition de Double V étant d’autant plus périlleuse qu’à peine lancé, Mister V s’est déjà dévoilé comme un acteur acteur majeur de la scène française. Ironiquement, le succès commercial lui était quasi promis, porté par sa fidèle communauté. Mais le réel enjeu se fondait sur le succès artistique. Et là encore, le projet a la prétention de répondre aux exigences du rap actuel, tout en dessinant un univers intéressant, à coup d’humour finement dosé, d’autotune avec modération et d’une production très cohérente.

Entrée par la grande porte

Jusqu’à la sortie d’une cover, d’une tracklist et du premier extrait, rares étaient ceux qui prenaient au sérieux le projet du podcasteur. D’ailleurs, de nombreux médias ont snobé l’artiste et ce jusqu’à récemment. « Un YouTubeur rappeur ? Sérieusement ? » se disait-on dans les commentaires, conscient du décalage entre les deux environnements. Pourtant, Double V est bon, et sûrement bien meilleur que certains projets issus de carrières professionnelles.

Le premier point positif se trouve dans la qualité des lyrics. Le flow est bon. Très bon. Il varie d’une instrumentale à une autre de manière très lucide et épurée. Rien n’est bâclé, jamais une syllabe de trop : le travail précis du grenoblois se ressent au fil des tracks. En guise de comparaison, les anciens titres où il se risquait à l’exercice sur sa chaîne étaient bien moins réussis : parfois hors tempo, manquant cruellement de rythme.

Second point très réussi, l’humour. Et le bon humour. Pas l’humour potache, vaguement paillarde d’un Sébastien Patoche. Non pas que l’humour de Mister V soit mauvais, mais plutôt que son côté absurde ne collerait pas à l’image qu’il prétend vouloir assumer dans le rap. Ici, tout est très bien dosé, l’humour n’étant présent que sous forme de gimmick ou de punchlines salées. Mention spéciale au délicieux « Petit déjeuner » ou à « Cendrillon » qui maîtrisent parfaitement le sujet. Au final, Double V permet de se rendre compte que l’élément comique n’est que très peu représenté dans le rap français. De l’autre côté de l’Atlantique, il est porté par quelques rappeurs à mi-chemin entre la vanne et la musique, comme Tyler The Creator ou Action Bronson. Mais en France, rien, ou très peu, excepté le très sérieux Lorenzo.

En famille, tout va toujours mieux

Mister V a sculpté son projet à l’image de ses proches et de ceux qui l’entourent depuis le début. La production gérée par Geronimo Beats est exceptionnelle. Le risque à faire couvrir l’intégralité d’une tracklist par un seul producteur, c’est la redondance des instrumentales. C’est un peu ce qui avait été reproché à Booba pour Futur par exemple, malgré quelques fulgurances avec d’autres beatmaker. Ici, rien ne se sent. On passe d’un univers à un autre, avec une cohérence aiguisée et une polyvalence certaine. Là s’inscrit toute la nuance entre « cohérence » et « redondance », et force est de constater que, sur ce point, le dosage est parfait. Double V affiche une atmosphère plutôt électrique, marquée par quelques boom-bap.

Le fait que Geronimo soit un ami de longue date de Mister V influe forcément sur le travail artistique. Pareil pour tout le MQEEBD, les collègues du vidéaste qui l’ont porté tout au long de ses vidéos. Chacun a son featuring, tous avec un univers plutôt varié. Gros big up à Ceezy au passage qui a décidément de gros arguments derrière le mic’. Au final, Hayce Lemsi et Volt Face, présents pour soigner la crédibilité de l’album n’apportent rien de fulgurant et dénote avec l’esprit de l’excellentissime « Space Jam » et du tout aussi bon Double V.

De toute manière, pas besoin des Frères Lumières pour assurer la crédibilité du projet : Mister V se suffit à lui-même. Double V est un très bon album de rap avec une véritable patte et un univers fou. La pointe de stress en moins, le vidéaste pourrait devenir une valeur sûre du paysage hip-hop français.

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