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Culture

Matignon se fait (enfin) taguer

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La galerie ADDA&TAXIE située 35 Avenue Matignon et ouverte depuis juin 2017 est un haut lieu d’art contemporain spécialisé dans le Street Art et le Graffiti. Elle fait appel à de nombreux artistes et soutient les jeunes créateurs en présentant des oeuvres de la culture urbaine ainsi que des photographies, de la bande-dessinée, du graffiti, du pop-surréalisme etc.

Le Street art, et plus généralement l’art urbain, que l’on avait tendance à catégoriser comme un art populaire et réservé à un certain terrain, s’exporte ainsi dans les rues de ce Paris bourgeois et élitiste. Il y a déjà quelques années, on commençait à prendre les arts urbains au sérieux avec la révélation de Banksy et aujourd’hui le mouvement a gagné de l’ampleur. Cette galerie représente en quelque sorte le résultat d’un parcours, d’un travail exécuté avec labeur par ces artistes vers une reconnaissance, un public aussi large que varié. Car il ne perd pas de son authenticité. Les passionnés de la rue perpétuent leur rituel sur les espaces qu’offre le milieu urbain, accessible aux yeux de tous mais peuvent aussi s’exporter dans les galeries, les fondations, et cibler un autre public. De plus, ADDA&TAXIE offre, peut être au delà d’un accès aux galeries pour les artistes, une chance de visibilité de ces créations qui parfois nécessitent plus un billet d’avion qu’un ticket de métro pour être appréciées car en effet, les deux galeristes soutiennent des d’artistes internationaux.

La «  Ronde de nuit »

L’exposition actuelle, «  Ronde de nuit », nous fait réfléchir sur la place que peut occuper cet art plastique et sa proximité avec l’art classique. « Ronde de nuit » c’est avant tout un célèbre tableau de Rembrandt où la technique du clair obscur se fait bien évidemment ressentir et que l’exposition a choisi pour thématique, mais avec des artistes contemporains. Et plus encore, elle évoque l’origine même des graffeurs, travaillant sur leurs oeuvres dans l’illégalité dès la nuit tombée.

Pour se faire, Valériane Mondot et Anna Dimitrova ont choisi d’exposer plusieurs artistes tel : Spok, Gomèz, Sebas Velasco et Bosoletti. Au programme on retrouve des paysages urbains nocturnes imprégnés de couleurs chaudes où Velasco souligne la luminosité des éclairages de rues. Travail qui contraste parfaitement avec celui de l’Argentin Bosoletti, qui prône des sujets plus figuratifs et classiques, abordés avec légèreté puisqu’il peint sur le principe de photo en négatif. Un choix qui intrigue, refuse l’agression du paysage et de son public et nous laisse une image semblable à celle d’un rêve.

Un rêve qui nous porte mais parfois nous bouscule, nous dérange comme les citations de Rembrandt par Gomez où les portraits sont mutilés, agressés par le peintre et viennent déranger dans une certaine fascination celui qui les regarde. Une sorte de perversion où le clair obscur nous attire, nous force à soutenir le regard de ces hommes abîmés. Mais au fond, les oeuvres ne seraient-elles pas perturbantes car elle réveilleraient notre côté voyeur à l’encontre de nos moeurs où il est immoral de fixer les stigmates de nos semblables ? C’est donc dans une véritable ronde que l’exposition nous entraine et nous questionne. Pour obtenir un avis plus large sur l’espace Avenue Matignon, voici un entretien avec celles qui en sont à l’origine.

Pourquoi cette rencontre et ce partenariat entre vous ?

Nous nous connaissions déjà depuis plusieurs années. En 2015, nous avons collaboré à une exposition de Mark et Vaughn Bodé. L’association s’est tellement bien passée, que nous avons décidé de continuer à travailler ensemble. Quand l’occasion s’est offerte d’ouvrir un espace en fixe, (et puisque nous étions plutôt nomades ou à l’étranger) nous n’avons pas hésité.  Ma rencontre avec Anna Dimitrova fait partie des jolies rencontres de l’existence.

Votre avis sur le Street Art à Matignon ?

Il n’est que peu représenté, mais arrive petit à petit avec le changement du quartier qui se meut de l’art ancien dont il était l’épicentre autrefois (alors que la rue de Seine n’était que contemporain) vers l’art moderne et contemporain. Peu de galeries de street art ont investi la rue Matignon à ce jour. Ce sont plutôt de grandes enseignes qui s’ouvrent aussi, en plus de leurs programmations et lignes directrices, à l’art urbain. Mais pas de galerie (hormis nous) spécialisée dans le périmètre, en arts urbains.

Installer l’art urbain dans ce quartier a été une volonté ferme de notre part. Justement pour « ouvrir » le quartier à cette expression « nouvelle » mais aussi et surtout offrir à nos artistes la reconnaissance qu’ils méritent. Maintenant que le marché du street art s’est constitué et que les artistes ont installé une certaine reconnaissance, il fallait donc les présenter sur le chemin de collectionneurs ou d’amateurs d’art qui sont curieux, toujours en quête de nouveautés mais aussi de qualité et de travaux d’artistes percutants. S’installer dans ce « triangle d’or » de l’avenue Matignon (entre grandes galeries d’art contemporain et les 3 maisons de ventes aux enchères leader Artcurial,  Sotheby’s, Christie’s) c’était tout simplement aussi offrir au street art et au graffiti la place qui est aussi la sienne dans le marché de l’art.

Le choix de vos artistes et les projets que vous envisagez pour la galerie ?

Nos expositions sont montées avec des artistes avec lesquels nous collaborons déjà depuis plusieurs années et que nous avons envie de présenter ici, ou tout simplement aussi, en France. Anna Dimitrova travaille avec la scène espagnole et plus internationale que la plupart des galeries de street art à Paris.

Notre direction artistique est donc construite autant autour de nos collaborations établies (et puisque chacune de nous a un background dans le street art et le graffiti depuis une bonne quinzaine d’année) mais aussi de nos coups de coeurs, ou nos découvertes comme pour la photographie qui est un sujet qui me tient à coeur ou encore Gomez que nous présentons à l’exposition « Ronde de nuit » et dont nous avons découvert le travail il y a peu de temps, mais qui rentrait parfaitement dans le sujet du clair-obscur de l’exposition. Dans ces deux cas là et pour les suivants, ce sont à chaque fois de jolies découvertes qui nous emmènent vers d’autres projets aussi.

Rien n’est fixé vraiment, ou rien plutôt n’est gravé dans le marbre et si nous avons une programmation installée et établie, nous l’enrichissons sans cesse en fonction des rencontres, des opportunités et des coups de coeur.

Fermina Marquez

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