Grands Formats
Le Hip-Hop au cœur d’Hollywood
La musique a toujours été étroitement liée au grand écran, mais cela n’a jamais été aussi vrai que ces dernières années. Même si il est toujours difficile de retransmettre un univers musical au cinéma ou à la télévision, aujourd’hui les producteurs n’hésitent pourtant plus à prendre de risque, témoignant du succès de N.W.A Straight Outta Compton, Empire ou encore Power. Décryptage.
C’est une nouvelle guerre dans le monde de l’audiovisuel. Des séries et des films musicaux à n’en plus compter. Tout le monde veut surfer sur la vague du succès. C’est ainsi que dorénavant, toutes les chaînes de télévisions possèdent leur série musicale. La Fox détient Glee et Empire, VH1 vient de diffuser le téléfim The Breaks, Netflix va lancer The Get Down, HBO vient d’émettre le premier épisode de Vinyl, série produite par Martin Scorsese et Mick Jagger, excusez du peu. Starz diffuse Power produite par 50 Cent, Amazon à travers sa récente filiale Amazon Studios retransmet Mozart in the Jungle, et même Apple vient de décider de se lancer dans ce combat, en produisant une série basée sur la vie de Dr Dre. Difficile de s’y retrouver hein ? Et on pourrait en citer d’autres.
Mais ce n’est pas tout. La musique s’impose aussi au cinéma. Même si les biopics musicaux ont toujours été monnaie courante au grand écran, (on peut citer les réussites que sont Ray qui retrace la légende de Ray Charles, Walk The Line sur la vie de Johnny Cash, ou encore La Môme sur Edith Piaf), il y a aujourd’hui une dynamique assez agressive de la part d’Hollywood. Les légendes que sont Jimi Hendrix, James Brown et Janis Joplin ont ainsi eu droit à leur biopic récemment, avec respectivement All Is by My Side (2014) avec le rappeur André 3000 dans le rôle de la rockstar, Get on Up (2014) et Janis (2015). Mais un genre bien spécifique se démarque.
Le Hip Hop à l’honneur
Marqué par l’immense et plutôt inattendu succès de N.W.A Straight Outta Compton, les têtes pensantes du septième art ont bien compris que des billets étaient à faire. C’est dans la continuité de cette réussite que Dogg Pound 4 Life, film qui retracera l’ascension des artistes de Death Row Records mais aussi et surtout le biopic de Tupac, All Eyez On Me, ont été annoncés. Le tournage a commencé en décembre 2015 concernant ce dernier.
Il est frappant de constater que les plus gros succès sont directement liés au Hip Hop (Empire, Power, N.W.A). Nous verrons si The Breaks et The Get Down confirmeront ce phénomène. Paradoxe total, cette culture est à l’origine le genre musical le plus éloigné des strass et des paillettes du monde du cinéma. Rubble Kings illustre bien cela. Film sorti très récemment, il traite de la violence des gangs à New York juste avant la naissance du Hip Hop. Preuve une nouvelle fois que ce mouvement a fait beaucoup de chemin depuis, et est aujourd’hui un des genres musicaux les plus influençables et les plus bankables, malgré son étiquette de « culture marginale » qui continue de lui coller à la peau.
Mais pourquoi cet engouement ?
Le succès des séries et films musicaux pourrait s’expliquer par le fait qu’ils se retrouvent au centre de l’actualité. Dans Empire, Jamal Lyon, est un chanteur homosexuel au milieu de tous les rappeurs. Son père Lucious Lyon, le anti-héro de la série n’assume pas la différence de son fils. Jamal est tout simplement un personnage inspiré de Lee Daniels, co-réalisateur de la série. L’homophobie de Lucious et le combat identitaire de Jamal sont donc mis en avant. Un sujet piquant donc mais dans l’air du temps puisque le 26 juin 2015, les Etats-Unis ont autorisé le mariage gay dans les 50 états.
N.W.A Straight Outta Compton lui traite d’une lutte de cinq hommes qui exprimaient leur frustration et leur colère à travers la musique. Des paroles franches et sanglantes qui témoignaient entre autres de l’oppression de la police sur la population afro-américaine des années 1980. Le long métrage nous rappelle d’ailleurs les terribles émeutes de 1992 qui ont embrasé la ville à cause du passage à tabac de Rodney King par quatre policiers, plus tard relaxés par une justice pas tout à fait impartiale. Là encore le film nous fait penser aux innombrables bavures qui ont encore lieu de nos jours. Que ce soit pour la mort de Trayvon Martin en 2012 ou de Michael Brown en 2014. Dans les deux cas, les tireurs ont également été innocentés.
Le Hip Hop est aussi relativement peu connu pour la grande majorité du public. Jamais vraiment exploitées dans le passé, les maisons de productions ont décidé de mettre en avant cette culture, pour essayer de mettre en image les Success Story qu’ont connu Jay Z, P Diddy ou Dr Dre. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui, ces hommes font partie des plus puissants de ce monde. Le Hip Hop plus que n’importe quel autre genre, a une dynamique, un pouvoir unique: Parti de rien, il est tout de même possible de dominer le monde à force de travail et de persévérance. « The World is Yours » disait Nas. Le rêve américain se retrouve alors incarné dans le Hip Hop, lui qui est né dans la violence, les décombres des immeubles brûlés, la précarité, bref, le « cauchemar américain » qu’a connu le Bronx au début des années 70. Ces réussites commencent tout juste à fasciner un audimat de plus en plus large, laissant une belle perspective d’avenir aux séries/films Hip Hop.
