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Musique

Pourquoi « Channel ORANGE » de Frank Ocean est l’un des plus grands albums de la décénnie ?

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Pourquoi "Channel ORANGE" de Frank Ocean est le plus grand projet hip-hop de la décénnie ?

La semaine dernière, c’était l’anniversaire du plus grand album R&B de la décennie : Channel ORANGE. On se devait de vous rappeler à quel point cet opus est un classique.

Quand on lance le CD de Channel ORANGE, on est comme un gamin qui s’apprête à jouer à un jeu vidéo. Mais pas n’importe lequel. Ici, il s’agit d’un jeu où tout est parfait. Un jeu que vous seriez prêt à recommencer par pur plaisir, même si celui-ci est vieux de sept ans. Allez, prenez votre manette, choisissez Frank Ocean comme personnage et appuyez sur « Start ». On vous emmène dans le plus grand album R&B de la décennie, Channel ORANGE.

Avant de rentrer dans les détails, il est utile de préciser qu’il s’agit du premier album de Frank Ocean. Contrairement à ce que l’on peut penser, le jeune artiste avait déjà la cote. Le natif de Long Beach avait déjà une mixtape à son actif, nostalgia, ULTRA. Mais c’est surtout sa double apparition sur le projet de Jay-Z et Kanye West, Watch the Throne qui l’a vraiment démarqué des autres. Imaginez le truc : vous n’avez même pas encore sorti d’album et deux légendes du rap vous invitent sur leur projet. La classe non ? En plus, Frank nous sort une vraie masterclass sur « No Church In The Wild ».

Et un beau jour d’été 2012, il décide d’envoyer Channel ORANGE. Un projet qu’il faut prendre dans sa globalité, car ce n’est pas simplement des titres mis à la suite. Il y a une intro (ceux qui l’ont écouté auront compris mon paragraphe d’introduction), une outro et trois interludes.

Cet album vous plonge dans l’esprit tourmenté d’un garçon partagé entre différents sentiments, tantôt sensuel, tantôt sombre ou encore nostalgique. Le chanteur n’écrit pas pour rien dire, chaque morceau est une nouvelle histoire, compter par une sublime voix et une musicalité somptueuse.

L’art de la métaphore…

En plus d’une musicalité incroyable, ses textes sont très recherchés et très imagés. Sur « Bad Religion », le Californien évoque une relation avec un homme, ou plutôt une non-relation. En effet, tout au long du track, la « mauvaise religion » évoquée est une métaphore filée où l’on apprend à la fin qu’il s’agit en fait d’un amour à sens unique. L’interprète de « Novacane » raconte ce qui le tourmente lors d’un trajet en taxi. Le chauffeur devient une sorte d’exutoire pour lui, ce qui lui permet d’exprimer sa frustration par rapport à un amour qui n’a jamais été réciproque. Le tout magnifiquement chanté, avec notamment des aiguës que seul lui peut nous offrir. On vous laisse regarder la version live chez Jimmy Fallon.

Dans un tout autre registre, « Pyramids » évoque là aussi, par le détour d’une métaphore filé, une ancienne relation, cette fois-ci avec une femme. Il explique que depuis leur rupture, elle a perdu tout son statut de femme aimée et respectée. Celle-ci étant devenu tout l’inverse, se contentant de faire de l’argent via le strip-tease. Frank Ocean prend Cléopâtre comme comparaison car elle a déshonoré tout un pays en devenant la maîtresse de Marc Antoine. Les pyramides que le chanteur voit ne sont en réalité que des clubs de strip-tease. Un clip est disponible pour cette chanson, une vidéo très travaillée sous forme de court-métrage.

Le titre « Forrest Gump » est lui aussi une métaphore afin d’évoquer un amour passé. Ceux qui connaissent le film portant le nom du morceau savent que Forrest, personnage principal du film, est amoureux d’une fille, Jenny. Celle-ci ne le considérant absolument pas comme un potentiel petit ami pendant une bonne partie du film. Dans le long-métrage dépeignant toute la vie de Forrest, on remarque qu’il pense à elle très régulièrement malgré la distance qui les sépare. Ainsi, c’est une manière pour Frank Ocean d’exprimer le fait qu’il pense toujours à cet amour déchu.

Enfin « Pink Matter » où quand la matière grise se transforme en matière rose. Oui, il en a de l’imagination le Frank. Afin de parler du vagin de la femme, il le compare à une « matière rose » ou de manière plus fun à Majin Buu, le célèbre personnage de Dragon Ball Z.

« Cotton candy, Majin Buu, oh, oh, ohh »

En effet, ce méchant est une boule de chewing-gum. Une pirouette lyrique permettant au chanteur d’évoquer le côté excitant du sexe, qui peut être délicieux comme un bonbon.

… et du storytelling

Quand l’artiste de Long Beach ne fait pas de métaphore, il raconte des histoires. Originaire de la Californie, il connaît donc bien la ville de Los Angeles. Sur l’un des titres les plus écoutés du projet, il dépeint la jeunesse décadente de L.A. En effet, « Super Rich Kids » est une ode à la vie et critique lourdement le matérialisme des enfants riches.

« Too many joy rides in daddy’s Jaguar. Too many white lies and white lines. Super rich kids with nothing but loose ends. Super rich kids with nothing but fake friends »

À la fin du titre, l’enfant super riche tombe du haut d’un immeuble et Frank Ocean compare ainsi sa chute à celle de la bourse. Comme on l’entend dans le film La Haine, ce qui compte c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. Avec cette comparaison, le chanteur souhaite faire comprendre que le petit n’a jamais réellement vécu et qu’il s’en rend compte seulement une fois s’être craché sur le sol.

Sur « Lost », il chante, sur une mélodie très joviale, l’histoire d’une fille qui se noie dans la drogue et dans son style de vie luxueux. Une manière pour Frank Ocean de critiquer une fois de plus le matérialisme qui déshumanise les gens.

Frank Ocean, un véritable maestro

Après avoir parlé de la profondeur des paroles et de l’imagination débordante de l’artiste de Long Beach, il est temps d’aborder son génie musical. Disons-le clairement, Frank Ocean possède l’une des plus belles voix masculines, si ce n’est la plus belle. D’un ton naturel grave, lorsqu’il monte dans les aiguës, il éveille tous nos sens. Surtout que cela tranche complètement avec sa voix naturelle, rendant l’harmonie encore plus impressionnante. Le track « Thinkin Bout You » en est le parfait exemple. Ce titre est par ailleurs le premier single du projet. Il y a pire pour introduire un album, n’est-ce-pas ?

Ici, Christopher Breaux de son vrai nom, évoque un amour passé auquel il pense encore énormément. Il se demande notamment si cette nostalgie est réciproque. Ce titre évoque aussi probablement son premier amour masculin car il parle de « nouveau sentiment ». Quelques jours avant la sortie de l’album, le chanteur avait fait son coming out sur son Tumblr, évoquant la première fois qu’il était tombé amoureux d’un homme lorsqu’il avait 19 ans. Il a sacrément dû être marqué par ce jeune homme pour nous pondre un tel classique…

Également, il peut moduler sa voix de tel manière qu’on pourrait croire qu’il en feat avec lui-même. Sur « Super Rich Kids », écoutez la différence entre le premier couplet et le second, c’est frappant. Sur « Crack Rock », il a affirmé qu’il chantait avec le souffle légèrement coupé afin de chanter comme quelqu’un qui fumait énormément.

Et pour exprimer son talent vocal, il lui faut des prods de haut niveau. Et devinez justement qui se cache derrière la plupart de ces merveilles ? Frank Ocean lui-même. Quand on vous dit que c’est maestro, on ne blague pas. Alternant entre soul et jazz, celles-ci correspondent parfaitement avec son univers. Loin d’être monotones, beaucoup ont tendance à évoluer comme sur « Sierra Leone » ou « Pink Matter ».

Vous l’aurez compris, cet album est un véritable chef-d’œuvre. Tout est réalisé à la perfection, des jeux de voix de Frank Ocean à la profondeur des textes, tout en passant par une musicalité de très haut niveau. Il n’y a rien à redire. On vient de réécouter le projet et quel plaisir ce fut. Un album à inscrire au Panthéon de la culture hip-hop…

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