Musique
L’histoire de Sonita, la rappeuse afghane de 19 ans que l’on voulait marier de force
Découvrez l’histoire fascinante de Sonita, cette jeune Afghane qui a utilisé le rap pour défendre sa liberté.
Pourquoi écoute-t-on du rap ? Qu’est ce qui fait résonner le Hip-Hop en nous ?
Quand Sonita entend du rap pour la première fois, elle a 16 ans et ce n’est pas une adolescente comme les autres. Elle ne comprend pas les paroles. Pourtant, l’énergie de la musique la subjugue, la transporte : elle se reconnait dans la violence des sentiments exprimés, dans la rage transmise.
Sonita, malgré son prénom très doux – qui signifie hirondelle – a des raisons de ressentir le poids de la haine et de la violence : Née en Afghanistan en 1996, dans une famille très nombreuse, elle « survit » son enfance, tiraillée par la faim, et sous le joug de la charia qui règne dans son pays dirigé par les Talibans. Alors qu’elle n’a que neuf ans, sa mère lui annonce une nouvelle : elle lui a trouvé un mari. La petite fille pense se marier pour de faux. Mais si elle convole, des années de servitude, de violences et d’absence d’accès à l’éducation l’attendent.
« Heureusement », sa famille fuit vers l’Iran et le mariage est donc annulé. En Iran ce sera un camp de réfugiés pour enfants, où elle apprend à écrire et commence à s’instruire. Mais Sonita fait face à un vide juridique : sans papiers, sans statut, et travaille donc comme femme de ménage pour le centre.
Autour d’elle, plein d’autres jeunes filles de son âge, qui sont elles aussi promises à des inconnus par leurs parents. C’est à ce moment-là, alors que rien ne peut décrire sa rage, qu’elle commence à écrire, inspirée par le débit rapide, saccadé et puissant qui lui permet de s’exprimer, enfin.
Elle écrit de plus en plus, rapportant ses espoirs, ses peurs, sa haine contre un système qui ne considère les filles que comme une marchandise. « Relisez le Coran, vous verrez que les femmes ne sont pas à vendre ! ». Elle sera rappeuse.
Elle se décide à aller voir un producteur, qui prend le risque de la laisser enregistrer son morceau. Mais le poids de la tradition la rattrape, et quelques temps plus tard, son frère revient la chercher pour la vendre : il a en effet besoin de 9000 dollars pour s’acheter une femme, et c’est Sonita qui sera la monnaie d’échange.
A la même période, une réalisatrice iranienne, Rokhsareh Gahem Maghami, découvre le rap de Sonita. Elle décide de réaliser un reportage sur elle, et donne également de l’argent à sa famille pour lui laisser un peu de répit.
Avec la caméra de Rokhsareh – et un peu de maquillage – elle réalise un clip puissant, à couper le souffle : Brides for Sales et le publie sur Youtube. Elle y apparaît en robe de mariée et en tenue traditionnelle afghane, femme battue, hurlant sa colère et son désespoir : C’est cette vidéo qui change sa vie, atteignant rapidement les 500 000 vues.
Elle est repérée par l’organisation Strongheart, qui lui propose de venir étudier aux Etats-Unis. Elle doit pour cela retourner en Afghanistan se faire délivrer un passeport. Le contact avec sa famille est difficile, ils essaient de la retenir. Dans le bureau de l’ambassadeur, Sonita improvise un freestyle pour le convaincre. Non sans difficulté, Sonita finit par s’envoler pour l’Utah sans rien dire à sa mère.
Très vite, elle, qui ne sait que dire « Hi » et « I’m a rapper », apprend l’anglais, pour que son message touche le plus de gens possibles. Elle fait un concert, poursuit ses études, elle vit, enfin ! Soudain, elle est invitée dans le monde entier à l’occasion de la sortie du documentaire, qui passe notamment à Sundance.
Sonita est aujourd’hui toujours aux Etats-Unis. Elle rêve de collaborer avec Eminem, mais aussi de faire des études de droit. Elle est très souvent invitée sur TEDx, a été nommée par Forbes comme une des femmes les plus influentes du monde, travaille avec de nombreuses organisations pour le droit des femmes, et est bien décidée à retourner rapper en Afghanistan, pour faire changer les choses.