Dans un monde où Alpha Wann serait disque de diamant

Alors que son album UMLA n’est toujours pas sacré disque d’or, on s’est demandé à quoi ressemblerait un monde où Alpha Wann serait disque de diamant.  

À quoi ressemblerait le rap français si Alpha Wann avait été sacré disque de diamant avec UMLA ? En partant d’une fiction, où la critique unanime d’UMLA rencontrerait son succès commercial, on a tenté de déceler quels changements seraient opérés dans un rap français fataliste à l’idée de voir la technicité embrasser un public plus large. En d’autres termes, confinement oblige, on s’est pris à rêver quelques minutes. La réponse en cinq points.

Le rap commercial existerait-il ?

En 2020, la définition du « rap commercial » est toujours obscure. Mais elle le serait certainement plus si le rap commercial n’en était même pas. Bref, comprenons le comme un « rap qui veut faire vendre ». Avec sa musique authentique et pure, le succès commercial d’UMLA dresserait un énorme doigt d’honneur à l’étiquetage actuel du rap français. Là où le qualificatif « commercial » veut soumettre le rap à une sorte de dénaturation chargée de propulser le morceau en radio, il faudrait que les puristes revoient leur catalogue. UMLA est tout sauf commercial, et pourtant, il est diamant. Quelle ambiguïté. Pourrait-on même imaginer un instant que les défenseurs du « vrai rap » et du « rap commercial » puissent se faire un gros câlin sur fond de « Ça va ensemble » ?

Le durag serait à la mode

Et ouais, le succès, c’est aussi une manière d’étendre son influence au-delà de sa sphère musicale. À l’image des jeunes héritiers des fers à lisser de PNL ou des moustaches pré pubères post-Feu, Alpha Wann aurait certainement le droit à une petite empreinte dans la mode. Et nul autre élément que le durag ne respecte au mieux l’esthétique de l’artiste. Attendez-vous également à voir fleurir les tee-shirts Don Dada au même titre que les maillots de la Thaïlande quelques étés plus tôt. On imagine déjà l’artiste et son fier durag tiré d’une collaboration Off-White placardé en Une de GQ pour ouvrir le monde de la mode au phénomène. Bref, un rêve.

« Alpha Wann est surcoté »

C’est la rançon de la gloire, évidemment. Là où Alpha Wann dispose, aujourd’hui d’une aura indiscutable et unanime, l’artiste concentrerait forcément son lot de détracteurs en cas de succès plus large. Hâte de voir les multiples «Alpha Wann est surcoté» pulluler sur les réseaux sociaux. Ou alors, les tweets partagés plusieurs milliers de fois : «Je ne comprends pas le succès d’Alpha Wann, le mec est juste à l’aise techniquement.» Et certainement que ces réflexions entraîneront de nouvelles vagues de niches comme «Le rap, c’est mieux maintenant». Ceux-ci défendraient un rap plus mélodieux, moins porté sur les textes. «Allez écouter Heuss L’Enfoiré, ça c’est du vrai rap», nous dirait-on. De la même manière, Alpha Wann multiplierait les collaborations, dansant avec ses certifications sur le parvis du Snep, quand des propagandes se mettraient en place sur Twitter pour que Ninho obtienne son premier disque d’or. Le monde à l’envers. 

Les ventes de Contrex en hausse de 500%

«Pour la concu’ : des pansements, des compresses, des pruneaux d’Agen, des bouteilles de Contrex». Si Alpha Wann n’arrivera certainement pas à nous faire croire qu’on peut trouver une nuance de bon goût dans les pruneaux d’Agen, en revanche, on pourrait prévoir une très forte hausse des ventes des bouteilles de Contrex due au succès d’UMLA. De quoi démocratiser les problèmes laxatifs de la concurrence. Si on a du mal à imaginer que l’opus puisse engendrer un reboot de Starky & Hutch en 2020, on peut tout de même imaginer que les fans de l’artiste prendront d’autant plus soin de leur coude. Pour ce qui est de la sauce et le riz, chacun en fera sa propre interprétation.

UMLA comme un game-changer

Allez, soyons sérieux deux minutes : et si UMLA avait été un game-changer ? Comme Or Noir, Feu ou Dans la légende avant lui. Et si le succès d’UMLA avait forcé le rap à prendre un tout autre visage ? En effet, chaque album marquant a ses conséquences, et celles d’Alpha Wann auraient été énormes. Imaginez : un album dénué de promotion extravagante, se concentrant uniquement sur une musique authentique, rechignant au moindre soupire commercial jusqu’à retirer Nekfeu de sa tracklist. Longtemps, la théorie du « sabotage » a semblé définir l’opus. Mais si cette stratégie avait fonctionné, comment le rap l’aurait appréhendé ? Surtout qu’il en aurait tiré des leçons, que des rappeurs auraient copié le style d’Alpha Wann, son esthétique, sa manière de rapper, la sobriété de sa promotion. Sûrement qu’Alpha Wann aurait accouché d’une nouvelle génération d’artistes, comme Nekfeu ou Kaaris l’ont fait avant lui. Bref, sûrement que l’échec commercial d’UMLA aurait ouvert des portes, plus qu’aujourd’hui, il a l’air d’en avoir fermé.