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Lefa et son rapport ambiguë à la célébrité

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lefa célébrité
@xtrapurified

Alors que Lefa nage de nouveau en plein succès avec son projet Famous, on a tenté de déceler son complexe rapport à la célébrité. 

En 2019, Lefa est venu affirmer une identité forte avec ses deux premiers visuels pour l’album Fam(ous). En effet, les titres « Fame » et « Bitch« , en plus de disposer d’une réalisation filmique exemplaire, tracent une histoire en deux parties venue dépeindre la carrière qu’entreprend le rappeur depuis ses débuts. Sous le rôle d’un dealer qui extrait une substance à la couleur indigo provenant des plumes d’un paon, Lefa vient vendre une drogue qui procure les effets semblable à un court instant de richesse et de pouvoir. Un parallélisme direct avec la sensation qui est transfusée aux nouveaux artistes qui débarquent dans l’industrie musicale avec un succès retentissant. Quant à la suite, « Bitch« , Vald rejoint l’artiste pour interpréter le personnage du camé, à la recherche de ce souffle d’immortalité que procure le liquide bleu. 

Lefa, de la Sexion d’Assaut jusqu’au rétractation

Cette thématique, liée à la célébrité et au succès éphémère ne débarque pas de nul part. Avec une carrière de près de vingt ans, le rappeur aura ressenti une large palette d’émotions, côtoyé une multitude d’acteurs de l’industrie et traversé le temps et les générations dans le rap francophone. En prenant part à la montée fulgurant de la Sexion d’Assaut à la fin des années 2000, Lefa se situe au cœur du renouveau dans la nébuleuse du rap. Le groupe aura, depuis 2002, travaillé d’arrache-pied pour fournir des albums respectés et classiques. 

Ce succès, qui s’élance sur eux en 2010 avec des titres phares comme « Casquettes à l’Envers » ou « Désolé », confère à Lefa une notoriété certaine. Encore âgé de 24 ans, il est repéré pour son écriture technique qui propose des assonances et allitérations novatrices. Toutefois, après le succès de L’apogée en 2012 vendu à plus d’un million d’exemplaire, des tournées interminables et une promotions épuisante, Lefa se retire durant quelques années au Maroc pour s’éloigner de la reconnaissance oppressante et les rapports sociaux maquillés qui l’entouraient. 

À cet instant, Lefa médite face aux diverses expériences qu’il a pu vivre et condense toutes ces pensées pour les réserver à sa carrière de soliste qu’il débute en 2016. Ainsi, il définit pas à pas son identité avec les albums que sont Monsieur Fall et Visionnaire, marquant son retour dans l’industrie musicale. Encore dans un brouillard idéologique, il divague entre des vers au débit intense et une pop plus mielleuse. Il s’accroche également à la thématique de l’entourage néfaste qui veut profiter de lui et du danger de la célébrité. En 2018, Lefa s’assure avec la mixtape 3 Du Mat faisant part d’une ligne directrice toujours plus affirmée sous des visuels, des couleurs et des formes travaillées, annonciatrice de la tendance que prendra le prochain album de l’artiste.

© Koria

«Fuck fame, j’préfère garder l’anonymat»

La réticence et le remaniement du concept de la célébrité se voit être étiré jusqu’à son paroxysme dans le dernier album en date, Fame qui deviendra ensuite Famous dans sa version deluxe. On en revient donc aux visuels du titre éponyme « Fame » et de « Bitch », qu’il a dévoilé lors de la promotion du disque annonçant avec clarté la direction artistique choisie. L’esthétique léchée qui s’en dégage, aussi bien dans les visuels que dans le mixage, laisse présager une oeuvre venue cristalliser le travail effectué par Lefa depuis 2016. Ayant quitté le label de Wati B en 2018 pour créer 2L Music sous Sony, l’artiste se risque à un pari risqué pour une liberté extrême. Auto-entrepreneur, le rappeur peut laisser libre court à ses idées de réalisation et mettre son plan final à exécution.

Lefa est on ne peut plus clair sur ses intentions lorsqu’il scande dans le titre « Anonymat » : «Fuck fame, j’préfère garder l’anonymat, jamais rêvé d’être connu, moi». Pour proposer la quintessence de sa pensée, il façonne de a à z la charte graphique de l’album, à commencer par la peinture en acrylique de Koria qui orne la pochette du projet, représentant un portrait du rappeur en train de s’administrer le sérum procurateur d’un sentiment de gloire temporaire. En dehors des visuels, ce sont aussi des lyrics qui retranscrivent cette relation tumultueuse qu’il entretient avec la célébrité. Si réfractaire aux avances pour atteindre la célébrité comme il affirme dans « Nouveau Maillot » : «Sache que ni magie noire ni sorcellerie ne marche sur moi». Lefa évoque toutefois une envie de s’enrichir pour ne plus revivre les mêmes galères qui ont dicté sa vie passée.

© Koria

Lefa et

«J’ai passé la night à rêver de dollars», débite-t-il dans « Pause ». Un dilemme se crée donc dans sa tête entre resté fidèle ses valeurs tout en encaissant des euros et ainsi éviter d’emprunter le chemin le plus court menant vers l’or.  Ses doutes se confirment sous des lignes telles que : «J’veux pas être cet artiste qui marche sans team, déshumanisé à force de compter chaque centime». La boule au ventre à avoir peur d’égarer son esprit dans le monde des streams. Pour garder les pieds sur terre, Lefa s’éloigne des réseaux et ne rentre pas dans le tambour infernal de la machine qu’est l’industrie musicale, n’accordant d’ailleurs plus d’entretien pour les médias.

Pour s’accrocher à ses principes, il incarne un personnage semi-moralisateur tout en épousant les démarches artistiques qui lui semblent correctes dans la nouvelle scène française. Lefa invite des têtes d’affiches de tout horizon, Josman, Leto ou Bosh, mixées avec des rappeurs déjà bien installés comme Dosseh, SCH ou encore Caballero & JeanJass. La palette de production, elle-aussi, s’élargit en accueillant des refrains toujours plus entrainants comme sur « Château de Versailles » ou « Smile ». Plus encore, il développe son côté introspectif qui s’affirme à mesure que l’homme évolue. Après avoir assez constaté la cupidité de l’homme, Lefa fait rétablir une justice et remet sa propre pensée en situation de doute. Le titre maniaque en fait un bon exemple : «Tout est mélangé, c’est dur pour un maniaque, quand je dis que tout va bien bien je mens je mens». Déstabilisé par les autres et par lui-même, il aborde des mantras plus hétérogènes, exposant un artiste complet aux multiples facettes.  

Désormais disque d’or avec Fame, Lefa démontre qu’il est possible de s’affirmer sans se travestir pour plaire aux autres. Ainsi, forcer de constater qu’il arrive à la fin d’un cycle qu’il avait entamé avec Monsieur Fall, bien plus serein quant au statut qu’il détient dans le paysage rapologique. Alors en nommant son album Fam(ous), ce n’est pas pour y glorifier la définition du mot, mais bien pour, au cours des diverses pistes, remettre en question sa symbolique, le détruire, puis le reconstruire, mais jamais ne l’interpréter comme une fin en soi. 

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