Musique
Le jour où PNL a entamé son tour du monde
Il y a cinq ans, PNL dévoilait Le monde, chico, son premier album. Au-delà de la création de sa légende au coeur du rap, ce premier volet déploie son immense esthétique, imaginée à travers le monde.
À bien des égards, Le monde, chico est la première pièce du puzzle PNL. Quelques mois après le succès confidentiel de Que la famille, le duo de Corbeil-Essone a envoyé dans la gueule du rap son univers si détaillé, épuré et soigné. Un album charnière, qui a métamorphosé le visage du rap. Important cette si fine cloud rap, le tandem a développé son mystère autour d’un esthétisme impulsé au coeur de ses clips. Retour sur cinq grands clips, éparpillés au quatre coins de l’Europe, à l’occasion de ce cinquième anniversaire.
« Plus Tony Que Sosa » et « Dans ta rue », au centre du monde
Et tout a commencé par « Plus Tony Que Sosa ». Premier visuel de Le monde, chico, il semble symboliquement initié l’univers au point de départ : sa cité. Curieusement, on remarque que le clip s’apparente comme une première ébauche de la série de Dans la légende. En effet, on y retrouve certains plans clés, comme le protagoniste blessé dans l’ascenseur qui remonte chez lui, ainsi que le personnage principal en boîte de nuit, qui seront repris par la suite. De même, on retrouve cette même idée de story-telling qui narre une histoire, celle d’un quotidien, généreusement inspiré de la vie de PNL. L’atmosphère du blues du dealer, si chère au duo des Tarterêts.
L’ennui et le quotidien du deal sont représentés et introduisent parfaitement ce monde « pré-succès ». On découvre le réel entourage de PNL, implanté dans un décor véritable, qui jonche plusieurs de ses clips. Contrairement à « PTQS », « Dans ta rue » pousse l’idée de quotidien encore plus loin. On y retrouve, effectivement un contraste entre l’enfance et l’âge adulte. Ces séquences témoignent du temps qui coule, de l’évolution du quotidien. Les deux visuels semblent mettre en image la vie en pleine métamorphose du duo, sans pour autant lésiner sur leur accroche à leur vie et leur équipe. QLF.
La dolce-vita de « J’suis PNL »
« J’suis PNL » est une transition entre l’ancienne vie de PNL et la nouvelle. En effet, la première moitié du clip s’inspire de nouveau de la cité : on vend, on essaye de gagner de l’argent. Mais l’évolution se fait ressentir : à la moitié du clip, on voit PNL en vacances avec leur équipe en Espagne. Les rappeurs sont autour d’une piscine, fument un cigare à la plage et semblent avoir trouvé un mode de vie qu’ils miroitaient au rythme de leurs efforts. L’atmosphère, à l’image du morceau, est plus légère. On y retrouve les rappeurs souriants, rigolants, buvant, jouant à FIFA, loin de leur cadre habituellement sérieux et discipliné. Tourné à Alicante, le clip propose un premier tour d’avion au bord de l’Espagne. Encore assez proche de la France, PNL ouvre toutefois la porte à une série de voyages portée vers la beauté des paysages.
« Le monde ou rien », au temple de la mafia
« Le monde ou rien » marque une nouvelle escale européenne, cette fois-ci inspirée de l’univers mafieux. En effet, PNL s’est rendu au coeur de La Scampia, à Naples. Temple du trafic de drogue et de la Camorra, mafia régionale, cette cité témoigne de la dangerosité et la vie criminelle. Les bâtiments atypiques du quartier napolitaine, triangulaires et délabrés, rendent l’imagerie du visuel singulière. Le clip est beau, puissant, captivant. Couplé à son message, le morceau prend une envergure qui bouscule officiellement le rap français. Une révolution. À noter que le paysage de La Scampia abritera les décors de plusieurs artistes francophones par la suite, notamment SCH et Sadek.
« Oh Lala », au coeur des volcans
Si les clips de PNL devaient narrer l’une de leur thématique familière, « Oh Lala » représenterait la solitude. Nichés au coeur des prodigieuses zones volcaniques de l’Islande, PNL offre un panorama éblouissant. Dans ce décor naturel, où la rare présence de l’homme prend la forme de vestiges écrasés, le duo semble planer au-dessus du monde. Rythmé au bruit de dangereuses vagues et des plaines infinies, entre soleil et grisaille, ce titre façonne une esthétique aventurière, chevaleresque. On y distinguerait même quelques références habituelles au monde de PNL, de Zelda au Seigneur des anneaux. La seule autre présence de chair dans le clip est celle de chevaux sauvages, renforçant la valeur de liberté, de nature.
« Tempête », l’obscurité londonienne
« Tempête », enfin, résonne comme une compilation de tous les concepts déployés au coeur de Le monde, chico. Story-telling, paysage, obscurité : PNL incarne son blues du dealer au pied de la Tower Bridge, à Londres. Cette ruelle vide, froide, sombre, puise dans le quotidien narré par le tandem. Aucune séquence du clip n’est tournée de jour : on retrouve réellement cette atmosphère lugubre et chère à Ademo et N.O.S. Sobres et solitaires, contrastés avec la foule des concerts, les deux frères poursuivent le road-trip européen pour illustrer leur éclatante « Tempête ».
L’album Le Monde Chico, d’un point de vue audiovisuel, est une transition pour PNL. Là où, auparavant, ils mettaient en scène l’intégralité de leur entourage, ces visuels deviennent de plus en plus pauvres en personnages et riches en décor. Au rythme de leurs différents clip, le duo y découvre sa soif des belles images et la puissance de certaines scènes, capables d’illustrer avec encore plus de profondeur les mots qu’ils déploient. PNL mise sur les sensations que les clips procurent, afin de plonger le spectateur dans leur monde.
On apprend à les connaître de manière plus « intime » en voyant leur ancien quotidien, puis ce qu’ils ressentent à travers les paysages désertiques. Les plaines parlent d’elles-mêmes et semblent être métaphoriques pour le vécu des rappeurs. Logique, donc, qu’ils aient misé sur une série de court-métrages pour illustrer Dans la légende, le successeur de Le monde, chico. Mais cinq ans après, et bien que l’univers visuel de PNL ait continué de gonfler en s’étalonnant autour du monde, aucun de ces visuels n’affiche de ride. Et Kamerameha, réalisateurs, n’y sont clairement pas pour rien.