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Avec Everybody, Logic se bat pour nous offrir un avenir radieux

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[REVIEW] Logic se bat pour nous offrir un avenir meilleur avec Everybody

Logic, rappeur et philanthrope, nous narre dans Everybody, l’histoire de notre monde à l’aube d’une nouvelle ère. Un âge de prospérité et de paix entre les peuples.

Dans un rap game où le fond est de plus en plus mis en retrait au profit de la forme, des noms de la nouvelle génération comme Kendrick Lamar, Joey Bada$$ ou encore J. Cole, s’emploient à nous rappeler que le storytelling reste au cœur de la création artistique. Parmi eux, on peut sans trop se mouiller, y ranger Sir Robert Bryson Hall II, plus connu sous le nom de Logic. Lui qui s’est fait un nom avec sa série de mixtapes Young Sinatra, c’est sans conteste avec ses trois premiers albums studios que le rappeur de Gaithersburg, Maryland, a démontré ses qualités dans l’art de raconter des histoires.

Un concept unique de « cinématique audio »

Logic est un artiste aux multiples facettes. Storyteller donc, rappeur techniquement impeccable, fervent chrétien, mais aussi plus étonnant cette fois, un nerd passionné de science-fiction. Tel sera alors le fil rouge de sa démarche créatrice. Il ne sortira pas de simples albums de rap, mais une saga SF en quatre opus inspirée de l’animé japonais Cowboy Bebop. Un concept qu’il aime à appeler « cinématique audio« . Ainsi, ces dernières années, nous avons pu découvrir Under Pressure, The Incredible True Story et le vendredi 5 mai 2017, Everybody. Il ne manque donc plus qu’un épisode pour boucler la boucle. Ultra 85, dont le titre a d’ores et déjà subtilement été dévoilé sur la magnifique pochette et dans le livret de l’album du jour.

Crédit Photo : Sam Spratt Everybody Deluxe Booklet

Une question existentielle : quel est le sens de la vie ?

Outre les pièces musicales qui le composent, Everybody offre comme ses prédécesseurs, quelques interludes afin de permettre à son scénario de se dérouler progressivement. Sous-titré, « Life, what is all about ? » Everybody pose alors cette question existentielle que tout le monde s’est posé au moins une fois : Quel est le sens de la vie ? Pour y répondre, Logic nous narre l’histoire d’un de nos contemporains.

Il était une fois, un jeune homme afro-américain nommé Atom, l’alter-égo de Logic (sans doute en référence à Adam ndlr). Un père de famille heureux et épanoui qui va malheureusement perdre la vie dans après avoir été renversé par une voiture. Or, on apprend vite que ce décès n’était pas le fruit du hasard, mais prémédité par Dieu lui-même (interprété par l’astrophysicien Neil DeGrasse Tyson). Alors qu’Atom se trouve dans la « Waiting Room », le créateur lui apprend alors son extraordinaire destin. Il est l’entité qui incarne chaque être ayant existé dans l’univers, et est destiné à devenir lui-même une divinité.

Mais avant d’arriver à ce stade de perfection, il devra comprendre le sens de sa vie et de celles d’autrui. Pour y parvenir, il va se réincarner en tous les êtres qui façonnent l’univers, pour expérimenter leurs vies, et apprendre de chacun d’entre eux. Cette pluralité des points de vue s’exprime alors au fil des treize morceaux qui composent Everybody.

Après quoi, Atom finira par toucher au but à la toute fin du disque, pendant un outro de plus de douze minutes, « AfricAryaN ». Comprenez qu’il est devenu l’un des êtres ultimes destinés à former une nouvelle société unifiée, où toutes distinctions de race, de religion, de couleur et autre critère de différentiation sont inexistants. Nous parlons ici de la Planète Paradise. Ce monde parfait que l’équipage de Logic, composé de Thomas & Kai, atteindront dans son opus précédent. Mais ça, c’est une autre histoire. Une incroyable histoire vraie même.

Un long processus de purification des âmes

En attendant, vous vous doutez bien que pour atteindre ce paradis tolérant et égalitaire visible dans le trailer de l’album, il y a encore du chemin à faire. Le constat est même plutôt amer. Notre XXI eme siècle est gangrené par de nombreux maux que Logic souhaite éradiquer à tout prix. Les dérives de la société de consommation, la dictature du paraître ou encore le postulat superficiel du « Pussy, Money, Weed ». Tous ces fléaux, il les dénonce et condamne avec brio dans son titre « Killing Sprue ». Par ailleurs, pour se purifier lui et ses contemporains, sa plus belle arme reste la religion. Il est effectivement question de sa foi chrétienne, et ce, dès le morceau introductif, le chatoyant « Hallelujah ». Un titre pop dans lequel il nous invite à ouvrir notre esprit.

Pour lui, le christianisme (mais il en va de même pour les nombreuses autres croyances sur Terre), apparaît comme un moyen d’apaiser ses angoisses et ses souffrances, comme en témoigne le morceau introspectif « Anziety ». Dans « Confess » également, un autre titre aux sonorités très pop par ailleurs, le rappeur fait le point sur ses erreurs passées dans le but d’être pardonné et purifié par le Sauveur. S’il est surprenant d’entendre Killer Mike prêcher, on aurait préféré le voir poser un véritable couplet. Tant pis. Omniprésente pendant toute la durée du disque, la religion semble incontestablement, être le but notre existence sur Terre. La réponse universelle au fameux sens de la vie en somme.


Maintenant, pour que son monde paradisiaque ne soit pas qu’une utopie, être en symbiose avec son créateur ne lui suffira pas. Il va falloir fédérer tous les peuples, et ce, dans toutes leurs diversités.

Militant activiste pour la paix, l’amour et la positivité

Tels sont les trois mots d’ordre de ce cher Logic. En dépit de son enfance délicate faite de drogue et de mauvais traitements, le gamin du Maryland est loin d’être fataliste. Au contraire, ce dernier a toujours fait preuve d’un incurable optimisme. En outre, c’est à l’écoute de ce premier titre ainsi qu’à celle du single éponyme qui le suit, que l’on comprend immédiatement où l’artiste veut nous emmener. Militant, il s’adresse à tous les Hommes sans exception, en prônant des valeurs de paix, d’amour et d’unité. « This is for every race. This is for every color, every creed ». Autrement dit, qu’importe votre religion, votre couleur de peau, votre orientation sexuelle et tout ce qui vous différencie, nous sommes tous des êtes humains. Dans « Black SpiderMan », s’il s’emploie surtout à rappeler leur fierté d’être noirs aux afro-américains, le fond de son message reste le même : soyez fiers de ce que vous êtes, mais surtout respectez les origines, les croyances et les opinions des autres.

L’exultation de ses racines

Bien que citoyen du monde, Logic est avant tout AfricAryaN. Mais qu’est-ce donc là que ce néologisme ? Ici, il n’est évidemment pas question de la race aryenne si chère aux nazis, mais bien aux propres origines du rappeur. Né d’un père afro-américain absent et d’une mère blanche, Logic est métis, biracial. « Je n’ai pas honte d’être blanc, ni d’être noir », scande-t-il d’ailleurs avec fierté. Pourtant, il aura dû batailler ferme durant ses jeunes années à Gaithersburg pour en arriver à ce sentiment de plénitude. Il faut dire qu’un individu à la peau plus blanche que blanche qui se revendique afro-américain, ça passe mal. Luttant ainsi sans relâche pour trouver sa place au sein d’une Amérique étouffée par la ségrégation, il relate sans artifice cette enfance tiraillée entre deux communautés. Dans le titre final de l’album « AfricAryaN » forcément (Offrant qui plus est, un couplet caché de J. Cole), mais aussi les morceaux « Take It Back » & « Mos Definitely ». 

Mais Logic est un philanthrope, non un rancunier. Qu’importe ses souffrances passées, hors de question pour lui de faire preuve de séparatisme, encore moins de discrimination. Bien au contraire, le MC du Maryland va accorder une attention toute particulière à exposer les deux points de vue, ces deux visions parallèles qui font de lui ce qu’il est. A l’instar d’un Kendrick Lamar ou d’un Joey Bada$$, il va donc à son tour, inciter les afro-américains à se révolter en sa compagnie pour faire triompher leurs droits et leurs libertés.

« Levez-vous ! Combattez le pouvoir ! »

Coup de projecteur sur « America ». Et pour un premier essai dans le rap politique, c’est un coup de maître. Ce titre n’est pas seulement une affiche de rêve sur le papier (Chuck D de Public EnemyNo I.D., Big Lenbo & Black Thought tout de même !), il est aussi d’une puissance revendicatrice incroyable. « Pourquoi ce monde est fou ? » se demande-t-il dans le refrain.

Sur une production tonitruante du grand  No I.D, Logic tire donc la sonnette d’alarme face à des USA qui ne cessent de se dégrader toujours plus depuis l’élection de Donald Trump. « Combat le pouvoir, combat le pouvoir / Combat pour le droit de pouvoir te lever et dire “ fuck le pouvoir blanc. ». Dans un énième sursaut de colère, le rappeur en profite même pour attaquer frontalement le président américain à deux reprises, dont celle-ci : « Rendons sa grandeur à l’Amérique, faîtes qu’elle se déteste de nouveau, faîtes qu’elle soit blanche et faîtes que tout le monde se battent. Fuck that ». Et histoire de faire d’une pierre, deux coups, il lance aussi une petite pique à Kanye West, l’une de ses plus grandes inspirations musicales, auquel il reproche d’avoir fait les louanges du Républicain.

To be continued…

Indéniablement, Everybody tire sa principale force dans le fait que son auteur rende en toute humilité et avec les armes pacifiques qui sont les siennes, ses valeurs humanistes et son vécu universels. Néanmoins, a-t-il pour autant convaincu tout le monde ? Sur Paradise oui, mais pour ce qui de la planète hip-hop, le résultat est mitigé.

Sur la forme tout du moins, force est d’admettre que sa direction artistique résolument plus pop, irritera sans doute les oreilles de certains puristes qui de surcroît, préféreront passer leur chemin. Et c’est bien dommage, car Everybody est avant tout un projet bienveillant, ambitieux, courageux et surtout militant. Un ensemble cohérent qui colle sans bavure avec le concept riche et audacieux imaginé par le rappeur, même si celui-ci peut sembler difficile à appréhender à la première écoute.

Reste à voir maintenant quelle sera la conclusion de cette passionnante épopée SF dans Ultra 85, un chapitre que le rappeur a déjà annoncé comme étant « l’histoire qui clôturera toutes les autres histoires, y compris la mienne ». Si jeune, ne viendrait-il pas à d’annoncer implicitement son retrait définitif du hip-hop ? Si tel est le cas, Logic pourra au moins être fier d’avoir marqué son époque, et qui sait, peut-être même d’avoir assuré l’avenir.

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