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La série des « Ill Mind » va vous faire changer d’avis et aimer Hopsin
Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, Hopsin a su avec sa saga musicale des « Ill Mind », offrir au hip-hop des morceaux à la fois et percutants et personnels.
Hopsin, Marcus Hopson de son vrai nom est un artiste qui divise en dépit de son talent indéniable au micro. C’est bien simple, soit on l’aime, soit on ne l »aime pas, il n’y a pas de juste-milieu. La faute à un univers sombre et atypique porté par une personnalité fantasque, torturée et controversée, tant ses clashs sont nombreux. Il faut dire qu’un artiste arborant fièrement une paire de lentilles blanches pour accentuer son côté flippant, on n’a pas vraiment envie de s’en faire un ami.
Mais vous connaissez le proverbe : « il ne faut pas se fier aux apparences« . Ambassadeur de l’horrorcore à ses débuts, le rappeur originaire de Panorama City a affiné sa plume au fil de ses projets et se sert plus que jamais de sa musique pour lutter contre ses états d’âme et son tempérament dépressif.
Lancé en toute indépendance par Funk Volume, le label qu’il a lui-même co-fondé avec Dame Ritter, c’est en 2009 qu’il entre dans le rap game avec Haywire, un premier projet gratuit en duo avec son camarade SwizZz. Un rappeur à la voix criarde qui n’est autre que le frère de son associé. Viendra cette même année, Gazing At The Moonlight, le premier album solo de Hop (sorti lui sur son ancien label Ruthless Record). C’est avec son sophomore, Raw, qu’il bénéficiera d’une première bonne couverture médiatique.
Après avoir été nommé parmi la prestigieuse sélection de XXL Freshman en 2012, Hopsin commence enfin à jouir de la visibilité qu’il mérite. Il sortira son troisième album Knock Madness fin 2013, puis Pound Syndrome deux ans plus tard, s’éloignant de plus en plus de son personnage « clownesque ».
Séisme en 2016, lorsque pour cause de conflit d’intérêts avec son bras droit Dame Ritter, il proclame publiquement qu’il quitte Funk Volume pour repartir en solo. Il lui faudra plus d’un an pour reconstruire un empire digne de ce nom. Une nouvelle entreprise musicale baptisée Undercover Prodigy. C’est d’ailleurs sur cette structure qu’est sorti son dernier album No Shame le 24 novembre dernier.
La série des « Ill Mind »
Mais au milieu de sa discographie déjà riche, il existe la saga des « Ill Mind of Hopsin » ou « Ill Mind ». Des morceaux intégralement clippés et tous plus incroyables les uns que les autres. Le concept est simple : le rappeur nous fait voyager au plus profond de son esprit dérangé, autrement dit, il ne se fixe aucun tabou dans l’expression artistique de ses émotions et états d’âme.
Si les premiers volets se « limitaient » à la présentation de son univers et à des clashs, les épisodes suivants ont pris une envergure bien plus personnelle et engagée. Vous avez encore aujourd’hui des aprioris sur Hopsin ? Entrez sans plus attendre dans son dît « Ill Mind ». Pour sûr que vous n’en reviendrez pas.
The Ill Mind of Hopsin 1 : mise en bouche
« Okay, let’s take a trip through my mind and see what we find ». C’est avec ses mots qu’Hopsin va ouvrir une saga musicale de presque dix ans. Ici, le rappeur aux lentilles blanches pose les fondements de son histoire en tant que Marcus Hopson devenu Hopsin.
Mis en scène dans la noirceur de son sous-sol, il relate sous forme de freestyle son enfance tumultueuse et présente ainsi son univers musical violent et teinté d’horrorcore. Outre son flow déjà très technique, c’est l’authenticité de sa parole et sa rage qui feront la différence pour l’auditeur.
En plus d’être le premier clip de l’artiste, c’est également son premier morceau dans lequel il clashe violemment la scène rap actuelle tout en se posant par la même occasion en seul sauveur possible du hip-hop. Un credo qu’il ne cessera de crier haut et fort tout au long de son évolution.
The Ill Mind of Hopsin 2 : WTF
Exit la formule du freestyle, Hopsin choisi cette fois de se convertir en youtubeur. Sur l’instrumental de son morceau « I Make The World Spin », le rappeur se filme sur le parking d’un supermarché en train de réaliser diverses expériences pour customiser un caddy. Voilà tout. Rien de musical, mais une vidéo d’un artiste mécano, qui, à ses heures perdues s’amuse à construire un support de caméra qu’il va appeler la Volume Mobile. La morale de l’histoire ? Toujours croire en ses rêves et s’accrocher, car avec de la volonté, l’Homme peut tout réaliser. Si le second degré est évident ici, ce clip amateur est une bien belle illustration de la morosité de sa vie à l’époque.
The Ill Mind of Hopsin 3 : Pauvre Lil Wayne
Pour ce troisième épisode, retour à la formule de base. Hopsin enregistre dans son sous-sol plongé dans le noir. Dans la continuité de son premier freestyle, le rappeur prône sa différence ainsi que la supériorité de son entreprise Funk Volume face au reste du game. De l’egotrip simple, mais qui fait mouche tant l’artiste prouve une nouvelle fois sa dextérité au micro. Sans surprise, la finesse de ses punchlines vient encore une fois broyer ses adversaires, et particulièrement Lil Wayne qui en prend pour son grade.
Je maîtrise le game comme une érection en cours de sport / Fuck Lil Wayne, je suis meilleur que ce clown / Lui, Nicki et Drake peuvent se jeter d’une falaise / T’as du fric ? Mais vu comment tu l’as eu je me planterais un couteau / Je vais te remettre à ta place car j’en ai marre de t’entendre raconter comment tu baises ces filles / Rien à foutre de tes voitures de sport, tu dis toujours la même merde en utilisant l’autotune comme T Pain.
The Ill Mind of Hopsin 4 : R.I.P Tyler, The Creator
Ill Mind 4, ou sans doute le titre dans lequel Hopsin expose le plus son personnage loufoque et décalé. Terminé les freestyle reclus dans son studio, cette fois, le rappeur nous emmène faire un tour dans sa chambre d’ado décérébré. Dévoilé pour la promotion de son troisième album Knock Madness, le rappeur nouvellement célèbre revient avec humour sur son enfance difficile en tant que gamin rejeté par les autres pour ses différences et sa folie. « Je me branlais tellement chez mes parents que j’ai l’empreinte de ma bite imprimée sur la main […] Mais aujourd’hui, j’ai gagné assez d’argent pour partir en tournée et maintenant les femmes me montrent leurs seins » rappe-t-il pour montrer le contraste saisissant avec sa nouvelle vie.
Exaltant plus que jamais la folie habitant son esprit, il continue de s’attaquer à la concurrence de son horrorcore tranchant. Après avoir saigné Lil Wayne, c’est au tour de Tyler, The Creator de s’attirer les foudres du MC californien qui visiblement n’a pas apprécié son album Goblin. Beaucoup ont alors déploré qu’Hopsin ait sorti ce son uniquement pour faire le buzz, mais quoi qu’il en soit, force est de constater qu’il sait y faire en matière de clash.
Tous ces mecs sans flow qui font que des sons pourris avec des beats de merde et les dents écartées comme Tyler The Creator. Enculé tu ne vaux rien, est-ce pour cela que tu essaies d’avoir un peu d’attention en insultant et mangeant un putain de cafard ? / Pour “Goblin” tu n’as eu aucune reconnaissance, je me faisais sucer en t’écoutant / Si t’es nul et que personne ne veut te dire que tu fais de la merde alors je le ferai.
The Ill Mind of Hopsin 5 : Fuck Hip-Hop
Disons les choses telles qu’elles sont, « The Ill Mind of Hopsin 5 » est sans contestation possible, LE meilleur morceau du MC. Sorti également pour la promotion de Knock Madness, ce titre est si puissant qu’à sa sortie, il provoqua pour son auteur un buzz éclair encore jamais vu. Jusqu’alors cantonné aux profondeurs de l’underground, l’artiste grâce à ce cinquième volet va provoquer un séisme sur la planète hip-hop en atteignant le chiffre énorme de plus d’un million de vues en 24h. Mais qu’est-ce qui a provoqué une telle effervescence ? Probablement le fond du morceau.
Hopsin qui jusqu’à présent jouait les clowns et tapait sur ses petits camarades semble avoir mûri et s’être assagi. Il va ainsi se livrer à une performance lyricale sans précédent dans laquelle il va non-seulement prendre position contre de nombreux aspects de notre société, mais également et pour la première fois se remettre en question.
Pendant plus de cinq minutes, il laisse sortir toute sa frustration vis-à-vis du rap game et de ses nombreux artistes qui véhiculent des messages superficiels aux jeunes qui les écoutent (tout en s’incluant dedans). Selon lui, c’est à cause d’eux que cette jeunesse bercée par des illusions matérialistes, s’éloignent des bancs de l’école au profit de la drogue et de l’argent sale, ou que les femmes deviennent des filles faciles. Une véritable critique sociétale qui s’étend jusqu’à l’hypocrisie du terme « real nigga », très en vogue dans le hip-hop. La claque est totale. Après ce morceau, Hopsin ne sera plus jamais le même, et vous non plus.
Tes neurones sont cramés avec la weed. Sans elle, pour toi la vie n’est pas complète / Tu couches avec tous les corps que tu croises / Avec un passé tellement sombre que même Satan en tomberait de sa chaise / Malgré ça, tu continues à bomber le torse dans la rue en pensant que tu es le meilleur, mais tu ne fais que suivre les moutons / Tu parles l’argot et ton rappeur préféré dit « Ouais c’est moi qui lui ait appris.
The Ill Mind of Hopsin 6 : les ravages de la drogue
Après le succès de ce cinquième volet, tous les regards seront désormais braqués sur chaque nouveau « Ill Mind » qui sortira, et ça Hopsin le sait. Ainsi, terminé les clashs, c’est à partir de ce sixième numéro que le rappeur entreprendra un virage plus intime et personnel pour sa saga. Pour ce sixième volet sous-titré « Old Friend », le MC raconte la déchéance de son meilleur ami victime d’une addiction et de plusieurs overdoses de méthamphétamines. Ici, le rappeur parle à cœur ouvert en relatant des souvenirs d’enfance et en pleurant son impuissance face à la descente aux enfers de ce dernier. Poignant.
T’as perdu la tête et tu ne t’en rends pas compte / J’aimerais revenir en arrière car c’est si déprimant de ne plus t’entendre rigoler / Je garde mes distances car tu es devenu bizarre, tu as toujours le regard vide / C’est comme si tu ne voyais pas les gens autour de toi / Tu n’exprimes aucune émotion / Ta mère t’a dit que les drogues étaient mauvaises / Mais tu ne l’as pas écouté jusqu’à en devenir malade, maintenant tu comprends.
The Ill Mind of Hopsin 7 : l’impasse face à la religion
Après avoir pleuré la chute de l’un de ses proches, Hopsin va dans ce septième épisode mettre en scène sa propre traversée du désert. En 2015, lors de la sortie du morceau, le rappeur est au bord du gouffre et ne trouve aucun exutoire. Ainsi, il exprime toute sa désolation à l’égard de la religion qu’il a longtemps cru comme étant son unique moyen de trouver le salut. Sauf qu’en dépit de sa dévotion, dans les faits, sa vie ne s’améliore pas. Une situation insupportable qui va le pousser à remettre en question toutes ses croyances passées. Il entame un dialogue de sourds avec son Dieu qui selon lui, ne l’entend pas et n’a jamais répondu à ses attentes.
Tu m’as donné une Bible et tu t’attends à ce que je ne l’analyse pas ? Je suis frustré et c’est de ta faute / Je ne lis pas ce livre parce qu’un humain l’a écrit / J’ai un cerveau, tu devrais le savoir puisque tu me l’as donné pour m’éviter ces moments inutiles / C’est une mission que j’ai dû avorter parce que l’Homme raconte des mensonges / Ça va être dur de me redonner la foi / Si les Témoins de Jéhovah viennent à ma porte je leur claquerai la porte au nez !
Ill Mind 8: envers et contre Damien Ritter
Connu pour ses clashs, Hopsin livre avec « Ill Mind 8 » l’une de ses diss track les plus virulentes, puisqu’elle est directement destinée son associé Damien Ritter aka Mr. Funk Volume. Ce morceau interviendra quelques mois après la dissolution de l’empire indépendant du même nom qu’ils ont fondé ensemble. Hop qui était jusqu’à ce jour resté discret sur les raisons profondes de ce conflit d’intérêts a finalement décidé de tout déballer dans ce morceau.
Le clip se déroule dans un tribunal et illustre le procès fictif entre les deux co-fondateurs de la maison Funk Volume. Hopsin y livre sa plaidoirie sur un beat trap et face à des jurés entièrement ralliés à sa cause. Pour lui, le responsable de la chute du label, c’est son ancien bras droit. Entre autres, il l’accuse d’avoir terni l’image de la marque en ayant fait passer la musique au second plan au profit du business. (il a crée Funk Volume Fitness, un service de remise en forme). Un principe qui va à l’encontre de toutes les valeurs d’indépendance de l’artiste.
Ce n’est pas tout, il le blâme également de l’avoir poignardé dans le dos alors que c’est lui qui a largement contribué au succès de son entreprise. Avec tout ça, impossible de faire machine arrière. Funk Volume, c’est terminé.
C’était censé être Funk Volume non ? Je pensais que la musique passait avant le business mais tu nous a tous envoyé chier / T’as terni la marque et t’as lancé Funk Volume Fitness / Tu veux nous faire passer pour quelque chose que nous sommes pas / Comment on est censés être au top quand t’es sur le Web avec un Shake Weight essayant d’être Billy Blanks ?
The Ill Mind of Hopsin 9, une lettre ouverte à son fils
Le dernier morceau « Ill Mind » en date qui figure sur son dernier album No Shame. Après avoir évoqué sa situation personnelle en tant qu’artiste à maintes reprises, s’être adressé à la jeunesse, évoqué le cas de son meilleur ami, Hop aborde cette fois la situation tumultueuse de sa vie de famille.
En effet, c’est à son fils qu’il dédie le morceau, l’enfant issu de sa relation avec son ex petite-amie australienne. Un fils à qui il s’adresse au travers un poste de télévision à raison qu’il ne l’a jamais rencontré directement. Une séparation père/fils qui remonte à l’an dernier, lorsque l’artiste était accusé d’avoir frappé sa copine. Après une bataille judiciaire, la sentence tombe et Hopsin se fera définitivement bannir d’Australie, l’empêchant ainsi de voir naître et grandir son enfant. Frustration oblige, l’artiste n’hésite pas non plus à critiquer ouvertement son ex ainsi que ses parents. Sous les notes guillerettes du morceau, c’est bien la douleur atroce d’un père qui s’exprime en parallèle des mots d’amour adressés à son fils. Sans doute est-ce la raison pour laquelle « Ill Mind 9″est probablement le morceau le plus personnel que le rappeur n’ai jamais eu à écrire.
Salut fils j’aurais vraiment aimé te connaître, je suis ton père et on se rencontrera probablement jamais / Tu me verras seulement à la télé ou sur YouTube, je sais que ta mère sort probablement avec un nouveau mec / Alors que penses-tu de la Terre ? Aimes-tu ta vie ? J’étais pas là pour ta naissance car ta mère m’en a empêché / J’ai essayé d’obtenir un visa mais ils ont refusé car ta mère a dit à la police que je l’ai battue, c’est un mensonge.
Le voyage dans cet esprit dérangé est actuellement terminé, mais il y a fort à parier que l’emblématique saga musicale d’Hopsin continue encore longtemps. Rendez-vous certainement l’an prochain pour le dixième épisode. Un titre qui, par sa place de numéro dix, aura la lourde tâche dans s’inscrire dignement dans le solide héritage d’un rappeur qui n’est visiblement pas prêt de se débarrasser de ses démons.