Musique
K.S.A : «J’arrive comme un nouveau rappeur avec Monaco»
Avant de se produire sur la scène du POPUP du Label pour FRAP, organisé par trente sept degrés, on a rencontré K.S.A. Entretien.
Samedi soir, 18 heures. Avant de se produire sur la scène du POPUP du Label pour FRAP, organisé par trente sept degrés, on retrouve K.S.A au fond d’un restaurant. Grillz sur les crocs, blouson de course en guise de parure, Monaco oblige, et entouré de sa meute Le Loup Blanc nous a laissé mettre un pied dans son environnement. Ce nouveau projet, sa relation avec Alpha Wann, ses gimmicks entêtantes et l’importance de son label RPTG, rencontre avec un artiste déterminé à se faire une place avec sa musique.
K.S.A comment tu vas ? Comment tu te sens avant la sortie de Monaco ?
Ça va très bien merci. Je suis très intense. On a fait la session d’écoute jeudi (10 mars 2022) chez Tealer c’était incroyable. Les gens étaient super réceptifs, surpris même sur certains morceaux. Du coup ça m’a motivé encore plus et j’ai hâte que tout le monde découvre ce projet.
Annoncée pour le 11 mars, la sortie du projet a connu un léger retard, et est sorti le 15. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
La session d’écoute était vraiment un truc pour que les gens écoutent le projet en exclusivité. On voulait peut-être le sortir le lendemain, mais après finalement, pour des raisons techniques et finaliser certaines choses, on s’est dit : « On va laisser les gens se remémorer les morceaux et l’énergie de la listening party en tête. »
Il y a une réelle esthétique mise en place autour du projet. Monaco, ça induit bien évidemment la Formule 1, mais aussi le luxe. Deux choses très présentes au sein du projet et amenées différemment. Comment t’es venue l’idée ?
À la base, mes vrais premiers morceaux solos sont sortis en 2017 sur les plateformes avec le projet Swish. Et le délire de Swish c’était un peu les sports de luxe genre le golf, le tennis, le ski. C’était une punchline qu’on voulait amener avec notre musique, ce truc de high-level. Après on a continué avec Swishland qui était un peu l’arrivée dans ce monde qu’est la fame, les concerts… Et maintenant on est en route pour Monaco, parce que pour moi Monaco c’est l’excellence, c’est le top du luxe. Comme j’étais en tournée avec Alpha Wann durant cette période en 2019, j’ai eu beaucoup d’exposition et ça m’a poussé à me challenger, créer des nouvelles sonorités avec Selman Faris. Et j’ai passé beaucoup de temps dans le sud de la France à la période où on enregistrait ce projet, donc il y avait cette idée du luxe, mais le côté lifestyle sur la Côte d’Azur était aussi très présent. C’est tout ça qui nous a poussé jusqu’à Monaco, l’excellence et la Formule 1 qui est un sport de luxe.
Du coup tu regardes un peu la Formule 1 ?
Je me suis inspiré un peu du reportage sur Netflix. Une petite série intense qui t’expliques bien ce que c’est et Selman Faris était déjà à fond dedans. C’est lui qui m’a dit d’aller regarder ce truc. Ça me touche bien plus maintenant qu’avant. J’aime bien maîtriser mon sujet.
Parlons d’ailleurs de cette connexion avec Selman Faris. Comment se sont faites les choses ? À quel moment vous avez décidé de construire ce projet main dans la main ?
Il est signé chez DonDada, donc on a commencé à travailler ensemble vers la fin de la tournée UMLA. À ce moment là on a fait un morceau ensemble, qui est « Monaco », le premier morceau du projet. On a grave kiffé le délire, et après on a enchainé sur un autre morceau, deux autres morceaux, puis on s’est dit : « Viens on fait un petit truc, un petit EP, même si il n’y a pas beaucoup de sons, un truc sur lequel on est bien concentrés« . Et au final ça nous a pris presque deux ans. Parce qu’il y a eu la pandémie, moi j’avais des négociations avec des label pour distribuer le truc, parce qu’on voulait bien faire les choses. Finalement il y a eu beaucoup de temps ou on nous a un peu menés en bateau, ça nous a fait perdre du temps aussi. Mais maintenant on est prêts.
Monaco est un 8 titres. C’est le format qui domine clairement ta discographie. Pourquoi ? Est-ce que tu t’y sens plus à l’aise ?
Pas forcément ! C’est que pour moi, je suis encore, comme ils disent, en développement. Donc je n’ai pas envie de tout de suite tout donner aux gens, trop donner de trucs pour qu’au final je sois déçu. Et je trouve que ça donne le sentiment de pas en avoir assez, de se dire « Oh j’en veux encore. Waoh il m’a laissé sur ma faim, j’attends un autre truc. » Pour moi, pour les artistes comme moi qui sont dans ma position, on doit tellement prouver de trucs que je préfère en donner un peu et qu’on me dise que c’est pas assez, pour qu’après j’en redonne un peu. Parce que j’ai tellement de trucs en stock, j’ai des millions de balles qui peuvent arriver. Moi j’aimerais bien partir sur des plus gros formats mais, je suis indépendant, je fais tout tout seul et sur des plus gros formats c’est compliqué de bien les défendre à fond. Un jour, si on à l’occasion d’avoir les moyens qu’on veut pour faire des plus gros formats, ce sera avec plaisir. Mais c’est pas que je ne veux faire que des petits formats, c’est juste qu’il faut avoir la bonne stratégie et avoir attendre le moment opportun.
T’es un artiste très complet. Chanteur de gospel notamment, jusqu’ici les projets avaient toujours des morceaux dans cette veine, des trucs colorés où t’allais plus loin que le rap. Sur Monaco, t’as resserré le tir avec des prods très traps sur lesquels ça rappe. C’est Selman Faris qui t’a mis dedans ?
Non, parce que Selman à la base c’est un musicien. À la base il fait pas du tout de rap. Enfin si, il en fait, mais son plus gros fait d’arme dans le rap, c’est avec Nekfeu sur Les Étoiles Vagabondes. Et même là son rôle était très musical, c’était un chef d’orchestre. Et en fait, quand il a eu la connexion avec JayJay et Lama, ils l’ont un peu influencé dans ce délire rap, trap. C’est comme si ils étaient en train de construire les choses ensemble. Et moi j’étais dans une période où j’avais beaucoup envie de rapper, j’avais envie de vraiment me défendre en tant que rappeur. Même si je sais que mon skills c’est que je peux faire du rap, ou du chant et que je suis très ouvert. Mais je trouve que c’est important qu’on m’identifie bien dans une catégorie, pour que plus tard je puisse plus m’ouvrir. Généralement j’essaie de pas trop faire de sons chantés, parce que je sais que ça va pas avoir l’impact que je veux que ça ait vraiment. Mais après il y a « Vanilla Ice » par exemple, et c’est ça qui est bien avec ce projet, c’est qu’il y a 8 titres et les 8 titres ont tous une identité musicale différente. Même si des fois ça se ressemble sur les 8O8, mais tous les sons ont quand même une identité. Et « Vanilla Ice » pour moi c’est là que je montre que j’ai une petite touche chantonnée, musicale, que les gens ont aimé aussi, que d’autres personnes aiment beaucoup. Il y en a même qui me dise : « Arrêtent de rapper, chante. Chante c’est mieux. »
Il y a aussi un petit délire Plug dans « Vanilla Ice »
Ouais, dans un peu tout le projet. Quand t’écoutes « Monaco », « Henessy » c’est ce qu’ils appellent aujourd’hui la Plug Music. Mais quand je fais Swish en 2017, j’appelle ça la Swish Music. Avec l’équipe c’est ce qu’on appelait le rap d’ascenseur, la trap d’ascenseur. Trap bourgeois un peu. Et j’avais aucune idée que ça s’appelait la Plug Music, c’est là récemment quand il y a eu des interviews de certains artistes, certains mots ont été prononcés. Même sur Internet les gens m’ont mentionné en mode : « Ouais mais toi tu fais de la Plug Music quand même. » On m’a un peu affilié à ça et c’est lourd. J’kiffe ! Parce que c’est totalement ce que je fais, c’est complètement cainri en plus et je trouve que ce mouvement là peut aller loin dans le futur.
Sur Monaco il y a un seul invité, Alpha Wann. C’est une connexion qui fait assez sens. Malgré tout, est-ce que tu n’appréhendes pas la façon dont le public va peut-être souvent te ramener à lui ?
Quand tu traînes avec une chèvre, c’est toujours comme ça. Quand tu traînes avec un GOAT, ils vont forcément se dire que t’es le petit de l’autre. Oui forcément, c’est un peu frustrant quand ils te parlent que d’Alpha, ou de DonDada. Mais en même temps ça me montre qu’il y a quand même des gens qui se posent des questions et qui me regardent. Et Alpha c’est vraiment mon gars, c’est vraiment mon frérot et en vrai je ne connais pas tant de rappeurs que ça. J’ai pas trop de connexions avec les autres rappeurs en vrai, et j’avais envie de boucler la boucle. C’est pas le dernier feat avec Alpha, mais qu’on puisse marquer le coup sur un projet comme celui-là, qui est important pour moi. Étant donné que j’avais pas sorti de projets depuis 2019, j’avais envie de bien marquer le coup avec lui. Après, je pense que ma musique va parler pour moi. Ce qu’on fait lui et moi c’est quand même différent, et c’est ce qui fait notre force. C’est pour ça que quand tu nous vois ensemble, t’es ébloui. (rires)
Le truc avec lequel tu nous a éblouis c’est ce sens des gimmicks. Entre les « Swish », les « Ski », les « Ranpantang », c’est un truc qui nous plaît tout particulièrement chez toi. C’est quelque chose d’instinctif ou ça se travaille ?
C’est instinctif mais ça se travaille. J’ai toujours eu ça parce que je suis complètement bousillé par les américains mais, à l’époque où j’ai rencontré 3010, il m’a appris à canaliser mon énergie. Il m’a appris à mettre l’énergie au bon moment et la structurer. Donc c’est aussi un truc qui se travaille. Tu peux l’avoir comme ça, mais si t’as pas le bon truc bien placé et que tu le taf pas au minimum ça fonctionne pas pareil. Mais du coup, je suis à fond dans ça, c’est ma liberté et j’aime trop ça. Les « Ski », « Swish », il y en aura toujours. C’est comme « Intense », c’est un truc qui vient du sud de la France, du 06, big up Infinit’. Comme on a passé beaucoup de temps là bas, on a été influencé par leur langage carrément.
T’es originaire du Congo Kinshasa. Quel rapport t’entretiens avec le pays ?
Mon père vit là-bas, ma mère qui est souvent là-bas aussi. Là-bas c’est la musique, c’est l’ambiance, c’est intense. C’est ce que j’essaie aussi d’apporter dans ma musique, mais d’une autre manière. Et puis la culture du pays est importante pour qui je suis. Je pense aux sappes. La sapologie, le drip. C’est important.
Qu’est ce que ça veut dire « avoir du style » pour K.S.A ?
Tu peux rentrer dans une friperie, dans un H&M, ou je ne sais pas quel marque de merde, de ouf ou quoi. Quoi que tu mettes, quand tu le portes les gens vont se dire : « Waoh mais, stylé comment lui il s’est habillé là« . Tu peux l’avoir acheté dans une friperie, ça peut être à ton grand frère, avoir du style pour moi c’est porter le vêtement. Comment tu vas donner de l’importance au vêtement, c’est ça qui fait que t’as du style.
Notre rencontre aujourd’hui se fait dans le cadre de FRAP, un événement pendant lequel tu vas monter sur scène. Ça faisait longtemps que t’avais plus goûté à ça ?
Je crois que c’est la première fois depuis… Depuis longtemps ! Depuis le confinement en fait. J’ai hâte, en plus je vais jouer quelques sons du projet et je suis content de monter sur scène. Pour moi la scène c’est mon truc préféré. Les clips ça me casse la tête, le studio c’est lourd mais éprouvant. Et franchement quand tu montes sur scène c’est là que tes sons prennent vie, tu vois les gens qui chantent leur truc ou ceux qui découvrent et qui vont se dire : « Oh c’est quoi ce monstre ? » (rires) Je pourrais être un artiste qui ne fait que des concerts, je kiffe trop ça.
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Toute à l’heure tu m’as dit que tes premiers sons sur les plateformes dataient de 2017. Pourtant la création de ton label RPTG remonte à 2011. Pourquoi avoir eu l’envie de créer RPTG aussi tôt ?
Parce que déjà on est super influencés par les américains. À l’ancienne avec Eddie Hyde et BDG (Brownie Dubz Gang) on est deux groupes super influencés par les américains. Et j’avais remarqué qu’à l’époque même des rappeurs qui venaient d’arriver, qui étaient pas trop connus, ils avaient déjà leur label. Entertainment ou truc Corporation, alors que le mec c’est personne, il vient d’arriver mais il a déjà le mindset de se dire que c’est lui le boss. Comme on peut voir avec Young Thug et YSL ou Young Dolph et Paper Route. Et Dolph nous a énormément inspiré. Et on a aussi vu plein d’erreurs de la part des maisons de disques, plein de problèmes avec les maisons de disques en France, grâce aux expériences de ceux que j’avais devant moi, qui étaient déjà à un level qui leur permettaient de dealer avec les maisons de disques. Du coup, je me suis rendu compte qu’il fallait que je sois déjà préparé à ce genre de situation. Donc pour moi la meilleure manière c’était de créer notre propre identité, faire notre propre truc et se développer nous même. Qu’on ait déjà le mindset d’être des chefs. Et on est à peine au début de tout ce que va être RPTG. Pour moi ça va être un super big big big Label. Parce que rien que là, nos beatmakers où nous même avons déjà des disques de platines, ou des disques d’or sur différents projets. Alors qu’on est pas forcément connu de ouf. Mais on fait notre truc à fond. Et plus tôt on fait des choses comme ça, plus l’avenir s’annonce magnifique.
Transition parfaite avec la dernière question. En parlant de l’avenir, est ce que tu réfléchis déjà à la suite ?
Ouais bien sûr. Monaco j’ai fini de l’enregistrer depuis un moment déjà. Là j’ai envie de me libérer de l’épreuve de faire un projet. C’est un truc sur lequel tu passes du temps, tu réfléchis à un concept et toutes ces choses. Là j’ai plus l’envie d’être libre et faire des singles. En espérant que ce soit un de ces morceaux là qui me fasse bien monter, pour que je puisse arriver avec plus d’argent, plus de moyens, et que ça soit le bon moment pour sortir un projet. Mais j’ai envie que les gens me découvrent avec Monaco. J’arrive comme un nouveau rappeur avec Monaco.
K.S.A – Monaco