Grands Formats
Lacrim, le côté obscure du Rap avec « Force et Honneur »
De retour après une pause « forcée », le prince de la Street française puise dans un rap incroyablement sale qui transpire le pavé. Et qu’est-ce que c’est bon.
« Ecoute le dernier album de Lacrim en boucle et à la fin de la journée, t’as envie de braquer une banque » s’amusent les internautes. En vérité, ils ne s’y trompent pas vraiment, Force et Honneur est un bijou de rap Street, un genre en perdition dans la sphère francophone. Depuis sa sortie de prison, Lacrim surfe sur une vague de communication incroyable : des extraits à couper le souffle, une websérie aux dizaines de millions de vue et un beau bébé de 20 titres à la clé. Mise à part quelques extravagances aux sonorités commerciales, Lacrim est peut-être l’un des artistes les plus réguliers du game depuis pas mal d’années. Ce 31 mars, il a ainsi accouché d’un dernier opus solide, parfois poignant, parfois égo-trip, mais toujours sublimé par cette voix rauque et cassée. Lacrim est définitivement de retour, et le rap en avait bien besoin.
Une impatience justifiée ?
Lacrim, c’est trois platines respectifs pour ces trois derniers projets. Deux mixtapes en deux volumes, ses R.I.P.R.O., et son premier album, en 2014, Corleone. Mais voilà, depuis deux ans, Lacrim avait disparu des charts, tout en gardant un certain statut de « Patron » derrière les barreaux. Bref, Force et Honneur assumait la prétention d’un des opus les plus attendus de 2017. Mais quand est-il ? Une douce saveur de déception émerge à la fin de la première écoute : un projet assez long, quelques musiques futiles, de grosses tueries et des « Mouais » qui s’accumulent. Nul doute : Lacrim a décidément gratter à s’en casser le poignet en prison, mais la soif de retourner derrière les studios se mêle à un sentiment d’inachevé.
Peut-être sa websérie avait-elle mis la barre trop haut ? Peut-être ses extraits étaient-ils trop puissants ? Les hypothèses sont multiples, mais Force et Honneur reste tout de même un très bon album. Certains morceaux, « Rockefeller » ou « 2pac », sont beaucoup trop chauds et postulent pour le titre de classique. Par ailleurs, l’album se charge de nous faire voyager entre de multiples atmosphères. « Tristi », ses couleurs du sud et un rappeur italien pour accentuer le poids méditerranéen. « Pardon… », ses notes de piano et son ambiance mélancolique. « Solitaire », son environnement Raï et la grosse introduction de Kader Japonais. Enfin, « 20 bouteilles » et ses sonorités clubs qui, sûrement clippé, défoncera le compteur vues de YouTube.
Un retour au sommet
Pour ce qui est du casting, Lacrim fait dans le bon et le moins bon. Tout d’abord, Rimkus et Brulux soignent leurs couplets dans des « Mythone Pas » et « Papa Trabaja » sans artifice. Enfin, la grosse attente de l’album, le featuring avec SCH, se nourrit de déception. Non pas parce que la collaboration est mauvaise, mais plutôt parce que, vu le niveau des deux artistes, on aurait pu espérer un morceau plus percutant (malgré un couplet énorme de SCH). D’autre part, deux titres sont laissés dans les mains d’artistes de sons labels, WALID sur « La cour des grands » et A:M sur « Histoire de… ». Une propulsion au devant de la scène intéressante, surtout que les tracks ont clairement de la gueule. Vient enfin l’ultime featuring en compagnie de Booba sur « Oh bah oui » : une tuerie absolument impeccable. Une production sous forme de boucle mélodique entrecoupée de basses assourdissantes. Des couplets de haut vol et un refrain incroyable de Lacrim. Il manque plus que le clip pour l’étiquette « classique ».
Au final, avec Force et Honneur, le retour de l’artiste est réussi. Il signe même une performance remarquable en termes de ventes et glorifie la Street à l’heure de l’autotune hasardeuse. Quelques redondances, certes, plusieurs morceaux supprimables, mais un tout relativement cohérent dans la continuité de ses excellents R.I.P.R.O.. Un ultime point noir, peut-être, du côté des collaborations : outre l’excellent « Oh Bah Oui », il manque la prestance (américaine ou française) qu’auraient pu avoir des French Montana ou Lil Durk dans Corleone. Mais balayons tous ces défauts mineurs : Force et Honneur est vraiment bon et Lacrim est de retour pour cracher du feu.