Musique
« Polaroïd » de Lord Esperanza est-il l’album francophone de l’année ?
Lord Esperanza, 21 ans, s’est d’abord fait remarquer au rythme de clips brillants et de freestyles à vif, ainsi que par les quelques mixtapes sorties avec Nelick au sein de leur duo Pala$$. Il revient avec Polaroïd, son premier album solo sorti le 27 Octobre dernier, tantôt poétique, tantôt sombre, tantôt fantaisiste.
Un personnage à double face
Porté par une puissance lyricale qui lui assure une place de choix au cœur d’une génération énervée (parmi les Nekfeu, Django, Eden Dillinger et autres Népal), Lord Esperanza allie avec brio le fond et la forme. De son propre aveu, son personnage est assez schizophrénique et cette dualité qu’il s’attache à cultiver se retrouve dans son blaze aussi bien que dans ses thèmes et ses sonorités. La partie Lord est à l’origine des morceaux ego trip, enfiévrés et bouillonnants tandis que l’autre, la partie Esperanza, se retrouve dans des sons doux, mélodieux où il aborde des sujets comme l’amour, le romantisme ou la mélancolie.
Lors de la sortie de son premier EP Drapeau Noir en Mars 2017, l’objectif affiché était de « délaisser la technique pour parler de choses plus profondes ». A peine reconnu pour sa maîtrise de la rime, l’enfant du siècle s’attaque désormais à la musicalité et déchaîne son talent de lyriciste dans Polaroïd. Entre trap révoltée et soul rap, le rappeur use de sa plume, celle d’un ex-étudiant à la tradition familiale artistique affirmée, pour capturer sa vision de la musique.
Le spleen baudelairien, fil rouge de Polaroïd au service de l’exploration musicale
Esperanza a baigné dès son plus jeune âge dans une culture musicale et littéraire assez dense qui confère aujourd’hui à sa plume toute sa technique et son insolence. A travers ce nouvel opus, il laisse transparaître plus d’émotions que sur Drapeau Noir tout en étoffant le sens et l’engagement de ses paroles.
Du début à la fin, Polaroïd transpire la poésie romantique et le spleen baudelairien. Le mot « noir » figure dans pas moins de trois titres de morceaux tandis que les champs lexicaux romantiques se multiplient. On retrouve ainsi la nature, les couleurs, mais aussi et surtout le rapport au temps comme le définit si bien « L’ère du temps » feat. Jill Romy.
Au niveau des invités, Lord Esperanza s’est entouré des inévitables Nelick et Shaby. On retrouve le premier sur le très house « Capable » alors que la seconde prête sa voix au dansant « Maria », l’un des singles de l’album. Sans oublier « Infiniment Vôtre » feat. Roméo Elvis.
En bornant la pure expression de sa technique à certains titres, Esperanza se libère de la performance pour accéder à l’art et à l’expérience. Il s’essaye à de nouvelles sonorités et se balade au gré des ambiances, alternant entre influences latines, soul et naturellement trap, voire parfois rock. Le coloré « Polaroïd » fait suite au très sombre « Tutoyer le ciel ».
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