Musique
Sept punchlines de PNL qui vont vous faire revoir votre jugement sur le groupe
Tirées de la culture pop, de voyages, ou simples écritures poétiques, les punchlines de PNL sont trop injustement supplantées par l’idée que l’on se fait de leur musique.
Plus que quelques heures, et cette attente interminable touchera à sa fin. Plus que quelques heures, et Deux Frères sera enfin dans vos oreilles (si bien entendu votre patience l’a emportée sur votre impatience). Plus que quelques heures, et les débats entre génie et facilité chez PNL reprendront de plus belle.
Le 16 septembre 2016, les deux frères des Tarterêts entraient Dans La Légende pour certains, tandis qu’ils entretenaient le mythe de l’imposture pour d’autres. Véritable raz-de-marée déferlant sur le rap, cet opus aura atteint une popularité ahurissante, marquant de son empreinte une nouvelle génération. Pourtant, malgré son puissant succès commercial, le groupe divise. Considérés pour beaucoup comme une nouvelle porte du sortie d’un rap français qui tournait en rond, les deux frères N.O.S et Ademo se heurtent aussi à l’une des essences mêmes du rap : le texte. Dans le lourd choix artistique du fond et de la forme, PNL a plutôt choisi la deuxième pilule.
Mais est-ce si évident que cela ? En analysant de plus près les morceaux et les textes des deux frères, on peut relayer un travail parfois très épuré. Pour illustrer ces propos, voici cinq punchlines tirées de Dans La Légende capables de joueur des coudes dans le paysage lyrical du hip-hop français, complétées par deux bonus tirés de leurs dernier singles
« Je voulais pas qu’on m’aime, je voulais juste le M comme Kratos » – (« Kratos »)
Cette punchline résume à elle seule toute la philosophie qui découle des morceaux de PNL. QLF, Que La Famille, un acronyme devenu emblématique qui s’associe parfaitement à la singularité de Kratos. Personnage principal de la saga de jeux vidéo God Of War, ce dieu est animé par une quête de vengeance après avoir été trahi, tuant sa femme et sa fille par erreur. Désormais seul contre le monde, à l’image de l’univers de PNL, c’est sa rancœur qui construit toute sa motivation.
Ainsi, N.O.S. explique là qu’il ne veut pas « qu’on l’aime », puisqu’il sait que ses proches l’aiment déjà, et c’est tout ce qui lui importe. En revanche, il explique vouloir « le M », le monde, comme Kratos. Cette idée est récurrente dans les textes de PNL, comme en témoignent leur morceau « Le monde ou rien », ou même leur projet Le monde chico. La comparaison colle ainsi idéalement puisque Kratos et N.O.S. sont conduits par la même quête : le monde, pour leurs proches.
« J’crame une gainz au milieu d’Etosha, J’fais le tour de la plaine avec Epona » – (« Naha »)
Etosha est un immense parc naturel de Namibie. C’est indirectement une référence au morceau « La vie est belle » où les deux frères sont exilés dans cette sublime plaine pour tourner leur clip. Ademo explique ainsi qu’il fume une cigarette « au milieu d’Etosha » comme pour allier une forme de réussite, de vida-loca avec le besoin de voyage et de découverte. Epona est quant à elle, la jument de Link qui l’accompagne au fil des épisodes de la saga The Legend of Zelda. On en revient à cette idée d’aventure, d’exploration.
« Payant comme une vue sur la mer, gratuit comme une vue sur Uranus » – (« Uranus »)
Derrière cette sublime antithèse, N.O.S. dessine le paradoxe du monde actuel, tout en caricaturant la société. Bloqué dans sa banlieue parisienne, il rappelle indirectement le prix de quelques jours à la plage. Il souligne, de plus, le fait que certains jeunes issus de quartiers défavorisés n’ont pas la chance de la contempler chaque année. Cependant, pour admirer Uranus, il suffit simplement de lever les yeux.
« J’suis d’l’époque de la Sega j’m’entraîne à frapper comme Sagat » – (« DA »)
Masquée par une rime riche et un tempo rapide, la punchline n’est que très rarement comprise à sa juste valeur. Pour la première partie, très peu de doute : en précisant qu’il est « d’l’époque de la Sega », Ademo en dit un peu plus sur sa génération, bercée par les premières consoles de salon. La seconde partie est une référence au jeu-vidéo Street Fighter et au personnage de Sagat, un boxeur thaïlandais surpuissant.
Pour l’anecdote, Sagat est l’un des personnages les plus imposants du jeu, non seulement par sa carrure, mais aussi par sa force qui le place parmi les meilleurs. Si l’on suit la récurrente comparaison de la sphère rap à un « game », Ademo se revendique parmi les plus hauts placés. La notion d’entraînement fait le parallèle, de plus, avec le travail qui découle des projets du duo.
« Plus très loin du sommet, j’veux garder les pieds sur terre, je garde une photo d’en bas, j‘me rapprocherai de l’enfer pour éloigner les démons de la nouvelle villa » – (« Kratos »)
Cette phrase rappée, une nouvelle fois, par N.O.S., est scindée en deux parties. La première est révélatrice d’un travail de construction imposant. Cette figure de style est une gradation décroissante. Tout d’abord, l’artiste se tire vers le haut en précisant qu’il n’est « plus très loin du sommet ». Ensuite, il indique que, malgré tout, il souhaite « garder les pieds sur terre », rester lui-même donc, la stabilité. Pour cela, il garde « une photo d’en bas ».
Cette dernière expression reprend l’idée du groupe qui consiste à ne jamais oublier leurs proches, et ce, même en caressant la notoriété. N.O.S. explique ainsi, que s’il y a des risques à prendre, il sera prêt à se sacrifier pour que la nouvelle villa, payée avec l’argent « venu du ciel », soit saine.
« J’vis dans un rêve érotique où j’parle peu mais j’caresse le monde. J’meurs dans un cauchemar exotique où la Terre ressemble à ma tombe » – (« Au DD »)
La première métaphore est claire et imagée. Le rêve est devenu réalité : sans s’exprimer autrement qu’à travers son art, Ademo semble avoir atteint des sommets. Comme si c’était une femme, le monde semble s’être entiché de lui et de sa musique. Un idéal qu’il semble avoir atteint, qui va pourtant voler en éclat sous les coups de l’opposition de la phrase qui suit. Le rêve est devenu cauchemar, la vie s’est changée en mort. Cet exotisme qui a métamorphosé son existence ne l’épargnera pas des souffrances inéluctables de cette vie, cette vie comme son succès qui toucheront tragiquement un jour à leur fin.
« Pourquoi petite fleur a fané ? Elle était belle loin de la jungle, mais bon la jungle l’a attrapée » – (« A l’ammoniaque »)
Dans cette société qui s’est graduellement changée en jungle, les jeunes s’évertuent à trouver un moyen, une voie, qui leur permettrait de s’élever loin de cette vie où les lois du plus fort et du trafic semblent l’avoir emportées sur toutes les autres. Mais ces petites fleurs qui brillent une fois détachées de leur environnement naturel ne peuvent par trancher totalement les liens, les racines, qui se trouvent à l’essence même de leur être. Sinon elles finissent par faner. Ainsi, par ces mots, N.O.S. semble décrire cette vie sans foi ni loi dont il a essayé de s’échapper (par la musique notamment), en sachant pertinemment que déterminisme et fatalité trouveront toujours un moyen pour lui rappeler d’où il vient.