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Musique

Ces dix projets qu’il ne fallait pas manquer en 2020

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Alors que l’année 2021 s’ouvre péniblement, Interlude vous propose une session rattrapages avec ces projets qu’il ne fallait pas manquer en 2020. 

10 – Jo le Phéno – 60 boulevard Ménilmontant

Quelqu’un pourrait-il présenter Jo le Phéno à Young Thug ? Personne n’a mieux parlé de la rue dans ses textes en 2020 que le rappeur parisien. Quelques années après la polémique autour du morceau « Bavure », le Parisien revient sur le devant de la scène avec un premier album-studio de onze titres. Dans une proposition aux sonorités variées, Jo le Phéno dépeint la vie de son quartier de la Banane dans le 20e arrondissement de la capitale. Tel un écrivain de la fin du 19e siècle, l’artiste raconte le plus fidèlement possible les réalités qui l’entourent, sans artifice ni pipeau. Il excelle avec un rap technique impeccable, des storytellings efficaces, des choix de prod’s hétéroclites. L’écoute de 60, Boulevard Ménilmontant n’est pas monotone grâce à ses prod’s variées. Majed the Martian produit dix titres de l’album, à l’exception du titre “Tiens ta madame” signé King Doudou. Et ce sur terrain de jeu qui n’est pas le sien, Jo le Phéno montre ses capacités d’adaptation et glisse parfaitement ce rythme afrotrap. À quand un featuring entre Jo le Phéno entre Young Thug avec un clip tourné à la Banane ?

9 – EDGE – OFF

Un vaisseau spatial rond, gris et un petit hublot rosé façon Dragon Ball Z. C’est dans ce navire cosmique qu’EDGE est venu s’écraser discrètement sur la scène rap francophone. Méconnu au début de l’année 2020, l’artiste refermait le mois de décembre avec, dans son sac-à-dos, une poignée de performances cinglantes en featuring et l’un des projets les plus intrigants de cette fin d’année. Car OFF est une spectaculaire carte de visite, dans laquelle l’artiste, au coeur d’un univers infiniment bien produit, exploite avec maîtrise une musicalité déjà approfondie. La finesse de ses rimes et sa polyvalence, aussi bien dans le fond que sur la forme, construisent une oeuvre complète et prometteuse. On se laisse envelopper dans sa captivante introspection dans « Obsolète », comme on survole avec lui son 19e arrondissement dans « Vu d’en haut ». Bref, une promesse véritable.

8 – Chanceko – Gaudra

Le rap avait besoin de Chanceko : c’est dit. Son Gaudra, une petite peinture d’un quart d’heure, découpée en quatre délicates oeuvres, nécessiterait une analyse digne de l’Histoire de l’art. Un genre de dissertation en plusieurs parties, détaillant l’immense potentiel artistique que revêt le rappeur de Seine-et-Marne. Son projet suit une ligne aérienne et chatoyante, dans laquelle il exploite un art du gimmick déjà affûté. On s’imagine volontiers vadrouiller entre les rayons de ses « Galeries Lafayette », si enivrantes, tandis qu’il nous décrit couleur après couleur son « Arc-en-Ciel ». Dansant et lumineux, Gaura est une démonstration déjà aguerrie d’un univers en pleine expansion qui se faufile du symphonique à l’électronique. On ne demande qu’à voir ce potentiel étaler sur un format plus long, plus ambitieux, mais non moins original.

7- Mac Tyer – Noir

Aujourd’hui vétéran, le rappeur de la Seine-Saint-Denis poursuit son chemin dans l’élite du rap français avec l’EP Noir sorti le 17 juillet. Mac Tyer régale toujours ses supporters par son aisance technique micro en main. Socrate brille également par son jeu collectif, solide en une-deux avec Ninho et Kalash Criminel. Le rappeur enchaîne aussi les passes décisives pour les jeunes du centre de formation Ikyass et 2G. Après le long format C’est la street mon pote sorti en 2018, le Général opte cette fois pour un projet court enregistré pendant le confinement. Les objectifs de l’artiste sont clairs : se faire plaisir en proposant un projet très rap dans sa forme, et inscrire ses textes dans une année marquée par le mouvement Black Lives Matter et les mobilisations du Comité Adama Traoré. L’ancien membre de Tandem saupoudre son album des clins d’œil comme cette boucle de piano à la fin du morceau « Compton », un hommage au classique « C’est donc ça nos vies ». Délicieux. Avec Noir, le brillant Mac Tyer réussit son oxymore avec cette sortie sombre au cœur de l’été. Un indispensable de l’année 2020.

6 – Green Montana – Alaska

Un froid polaire s’est abattu sur l’Hexagone. Un vent glacial, venu du nord, de Belgique. Voilà longtemps que le rap francophone scrutait Green Montana. Cette attitude flegmatique, couplée d’un sens sens de l’esthétisme déjà relevé : la jeune tête de Verviers avait déjà tout d’un grand. Un passage sous le drapeau du 92i plus tard, et le voilà à dévoiler son superbe Alaska. Ce voyage jusqu’aux denses étendus enneigés de l’Antarctique où il dessine son ambiance vaporeuse et envoûtante. Une premier aboutissement, agrémenté de quelques superbes envolées, à l’image de son nerveux « Sale tchoin » ou de son hypnotique « Rêves magiques ». Entre les icebergs, Green Montana a cousu un univers à développer, au-dessus d’une base déjà solidement inspirée.

5 – Kekra – Freebase, Vol. 04

L’épopée kekraïenne se poursuit en 2020 avec la sortie du quatrième volume de la série de mixtapes Freebase. Le héros masqué des Hauts-de-Seine enrichit sa discographie d’un neuvième projet en cinq ans. Sans révolutionner sa formule, Kekra continue sa mission artistique : nourrir son FC de morceaux mélodieux aux refrains entêtants. Freebase, vol. 04 ne déroge pas à la règle, cette mixtape est une incitation au fredonnement. Au sein de sa collection été 2020, le couturier de Courbevoie propose deux pièces de haute couture aux designs futuristes : Putain de salaire et Dubaï. Deux indispensables de son œuvre. Il collabore également avec le rappeur japonais KOHH sur le morceau KOHHKRA et avec Mustang & Turner deux rappeurs du 92400 sur le remix de Putain de salaire. Quelques mois après la sortie du projet, Kekra dévoile quatre pièces nouvelle inédites de sa collection dont un T-shirt blanc idéal pour l’été. Avec Freebase, vol. 04, Kekra ajoute une neuvième étoile à son maillot.

4 – Deen Burbigo – Cercle vertueux

Longtemps, la présence de Deen Burbigo dans ce classement a posé question. «Un disque d’or dans le classement des découvertes, vraiment ?». Mais après tout, a-t-on réellement la confirmation qu’il s’agit bien du même artiste qui signait Grand cru, trois ans plus tôt ? Sans renier ce premier album, Deen Burbigo s’est réinventé, embrassant d’autant plus ses valeurs d’indépendance et d’esthétisme. Cercle vertueux, illustré par cette immense salle blanche, où la lumière ne s’infiltre que par une petite fenêtre, est un prodigieux album de rap. Toujours animé par cette voix rocailleuse si caractéristique, Deen a épluché son univers pour en retenir une sève majestueuse d’efficacité. Carton plein.

3 – La Fève – KOLAF

Il y a un an, lors de l’Épiphanie 2020, les seules fèves notoires n’étaient que des petites figurines de collection dissimulées au coeur des galettes. Douze mois plus tard, et voilà qu’il semble difficile de dissocier La Fève du si charismatique KOLAF. Publié en septembre 2020, ce projet collaboratif, né de la contraction de ses deux auteurs, Kosei et La Fève, a remué l’activité de l’underground francophone. Foudroyant et ambitieux, ce projet, nourri d’une propagande animée des réseaux sociaux, a immédiatement propulsé son tandem dans une cour intrigante. On découvre ce rap désinvoltement nerveux, où la voix charismatique de La Fève épouse naturellement le génie productif de Kosei. Des étincelles s’en dégagent au coeur de neuf petits morceaux fulminants, dont le si sulfureux « Belle somme ».

2 – Infinit’ – Ma vie est un film II

En haut de l’affiche. Après de nombreux EP, mixtapes et apparitions remarquées, Infinit’ sort son premier album Ma vie est un film II le 27 mars 2020. Ce projet permet au rappeur des Alpes-Maritimes de s’installer aisément parmi les meilleurs artisans du rap francophone. Le premier opus était une mixtape de 22 titres sortie en 2013. Déjà à l’époque, Infinit’ prenait une pause cigarette avec Alpha Wann. Déjà à l’époque, les deux maestros impressionnaient par leur technique. Chez Don Dada Records, il faut sept ans pour faire passer de la joie à la haine. Au programme de Ma vie est un film II : un rap fin, imagé, référencé et technique avec des refrains mélodieux et des prod’s qui donnent des ailes. Tous les zins invités relèvent parfaitement le challenge. Le concitoyen préféré de Christian Estrosi atteint le sommet de son art avec son premier album. Dit autrement d’une manière crue, Infinit est juste trop fort. 

1 – ISHA – La vie augmente vol. 3

À la question « Qu’est-ce qu’un bel album ? », la réponse La vie augmente vol. 3 parait essentiellement juste. Au-delà du rap, ISHA est une plume, un marchand d’émotions, un conteur contemporain. L’artiste belge respecte un cahier des charges soigné tout au long de sa trilogie : dix morceaux sur moins de quarante minutes avec quelques collaborations avec des rappeurs ou français. La signature d’ISHA ? Des morceaux introspectifs avec une diction et une interprétation uniques. Le Bruxellois offre à ses auditeurs plusieurs pépites comme Les Magiciens. Une narration touchante de la colonisation du Congo à travers le regard de ceux qui ont vécu l’arrivée des européens. L’œuvre globale « La vie augmente » se clos par une rencontre magnifique avec le pianiste Sofiane Pamart. Un morceau entre egotrip et introspection, cette trilogie pouvait-elle se terminer autrement… 

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