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5 références de Nekfeu où vous êtes forcément passé à côté
Artiste réputé pour ses rimes affûtées, Nekfeu s’abreuve aussi de tout un tas de références pour donner du relief à ses textes.
Les paroles de Nekfeu débordent d’inspirations en tout genre : manga, littérature, culture geek etc. En fait, il y en a même tellement que, parfois, on laisse couler le morceau sans vraiment trop comprendre. Grave erreur. Ces références ont souvent une connotation particulière et découle d’un travail lyriciste terriblement accompli. Elles peuvent refléter à elles seules ce qu’un morceau de 5 minutes ne peut faire. Bref, voici donc un petit regroupement de cinq références auxquels vous n’avez peut-être rien compris, et c’est bien dommage.
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C’est le retour de Ken Masters
Kenshin, Kentaro, Ken ken ta sœur– Martin Eden
On commence très, très haut, avec une phase qui comptabilise à elle seule une bonne dizaine de punchlines. L’album Feu s’ouvre avec « Martin Eden », un délire vaguement égo-trip, puissamment technique, mais surtout étonnamment lourd. Le morceau démarre avec cette phrase, pas vraiment compréhensible qui sonnerait presque comme n’importe quelle introduction de rap, comme un clin d’œil aux potes de tié-quars. Le mot « Ken » repris tout au long de la phrase est, en fait, le véritable prénom de Nekfeu. Mais ça, vous le saviez déjà (j’espère). L’artiste a donc choisis de détourner sous plusieurs formes son prénom pour accentuer son retour.
Ken Masters, tout d’abord, est un personnage du jeu vidéo Street Fighter. Riche, puissant, et très à l’aise en arts martiaux, il est l’un des personnages clés de la saga. Kenshin est, ensuite, l’assassin protagoniste de la série Kenshin le vagabon. Enfin, Kentaro est lui aussi un personnage d’animé. Tiré de Love Hina, il est un beau gosse riche et courtois. Ainsi, à travers ce qui pourrait être une simple énumération de personnages, Nekfeu se décline lui-même (Ken) sous différentes facettes : le beau gosse, l’orgueilleux, l’assassin etc.
L’inspiration ne s’arrête pas là, car comme le laisse suggérer le final « Ken ta sœur« , le rappeur joue avec le verbe « ken », verlan de « niquer ». Il jongle ainsi entre les différentes variantes du verbe : niquer à la Kenshin (assassiner, défoncer) ou niquer à la Kentaro (faire l’amour). Un véritable clivage qui souligne aussi deux des thèmes récurrents de l’album. Les traductions viennent même contraster avec les propos et échanger les rôles : « ken chine » veut dire « draguer » alors que « ken taro » se traduit par « baiser« . Ouf, non ?
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Mais plus je monte et plus j’m’identifie à Martin Eden – Martin Eden
On reste sur « Martin Eden » pour comprendre la signification même du morceau. Au fait, qui est-il ? Il s’agit au fait d’un personnage du roman éponyme de Jack London. L’histoire narre un amour tumultueux entre lui et une dénommée Ruth Morse. Marin, pauvre et inculte, Martin tombe éperdument amoureux de Ruth. Conscient que leurs deux milieux sont trop distants, le jeune marin va s’instruire pour la séduire. Au final, alors que Ruth devient sa femme, il se passionne pour la littérature et l’écriture. Mais le destin est, bien entendu, plus tragique : Ruth le quitte et son ami, Russ, décède quasi au même moment. Dépité et alors qu’il connaît le succès, Martin perd le goût d’écrire et se suicide.
Mais qui de mieux que Nekfeu pour nous décrire tout ça :
Cette phrase, elle a plusieurs significations. […] Plus il monte, plus il se rend compte que les gens “cultivés” sont moins intelligents que lui. Lui, il a une intelligence de la vie. Il voit les gens retourner leurs vestes et devenir admiratifs de son oeuvre alors qu’ils lui crachaient dessus quelques années avant. Et, je ne sais pas pourquoi, je trouvais que c’était marrant de dire que je m’identifie à ça. Ma vision de la vie est un peu plus optimiste que Martin Eden mais c’est un livre qui m’a beaucoup marqué. Il est presque autobiographique pour Jack London parce que le héros finit comme lui : il finit par se suicider.
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J’me sens comme Andy Kaufman dans Man of the Moon – Nique les clones II
Voilà un peu le genre de punchline piège, que tout le monde connaît par cœur, sans vraiment comprendre la référence. Mais qui est donc cet Andy Kaufman ? En fait, il s’agit d’un comédien américain considéré, à son détriment, comme un comique. Très modeste, sa notoriété se base sur un jeu d’acteur accompli et une faculté à transmettre les émotions. Son histoire a été portée sur les écrans en 1999 par Miloš Forman dans le film Man of the Moon. Ironiquement, Kaufman est interprété dans le film par Jim Carrey, lui aussi pétri d’un jeu hautement singulier.
Pour en revenir à Nekfeu, la référence devient tout de suite plus évidente. S’il « se sent comme Andy Kaufman », c’est avant tout parce que tout le monde le considère pour ce que lui-même ne se considère pas. Dans un morceau qui relate la capacité à suivre la mouvance tel un « clone« , l’artiste souligne sa distinction.
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Mon passeport est couvert d’encre comme le dos d’un Yakuza – Saturne
Une nouvelle fois, Nekfeu se réfère à la culture japonaise pour dessiner son texte. Ici, il évoque les Yakuzas, la plus grande organisation de crime organisé du monde sans être pour autant secrète. Comme l’impose la coutume, les Yakuzas sont ainsi tatoués sur le dos, en hommage à leur clan. Chaque clan possède son propre tatouage, et le rituel veut qu’ils soient fait traditionnellement : « l’encre est insérée sous la peau à l’aide d’outils non électriques, des faisceaux d’aiguilles fixés sur un manche en bambou ou plus récemment en acier inoxydable (donc stérilisables), fabriqués à la main ».
A travers cette comparaison, Nekfeu démontre que son passeport est plutôt bien fourni et que donc, le rappeur a voyagé à travers le monde. C’est déjà ce qu’il expliquait dans « Bibliothèque » : Plus de tampons sur mon passeport, que dans le placard de ta salle de bain.
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Moi j’suis comme Goku, j’ai le coeur souffrant – Nekketsu
« Nekketsu » est la conclusion de Cyborg, et ce vers qui lui est tiré résume en quelques mots tout le sens de l’album. Si Nekfeu s’inspire une énième fois de la culture japonaise, c’est cette fois-ci San Goku, personnage de Dragon Ball Z qui est à l’honneur. En effet, dans le manga, Goku, héros vaillant et sauveur de la Terre à de multiples reprises, souffre d’une maladie du cœur qui le ronge. La métaphore prend un sens puissant : le personnage qui a survécu à une tonne d’ennemis plus terrifiants les uns que les autres se plie à une maladie cardiovasculaire.
Derrière cette phase, Nekfeu explique que, malgré tout ce qui peut lui arriver d’incroyable, il a le « cœur souffrant », au sens métaphorique. Pour aller plus loin dans la retranscription, San Goku en vient à souffrir de la maladie alors qu’il affronte des ennemis plutôt originales… des cyborgs.