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« La vraie vie » de BigFlo et Oli, la maturité acquise ?
Après être entrés dans La cour des grands par la grande porte, les deux frères toulousains ont souhaité narrer La vraie vie pour confirmer leur statut d’acteurs majeurs du paysage hip-hop français.
Ils ne sont définitivement plus à présenter. Auteur d’un premier album conquérant, tant sur le plan commercial que critique, le tandem de la ville rose s’est propulsé en quelques mois sur le toit du rap français. Mêlant un rap qui se veut populaire avec une aisance lyricale certaine et une technique à faire pâlir leurs aînés, BigFlo et Oli ont définitivement pénétré La cour des grands.
Une étape qui se trouve d’ailleurs au cœur de ce nouvel opus. Leur notoriété, leur simplicité, leur engouement, la société ; les deux frères balayent tout ce qui les entourent pour dessiner un album entier. Cette « vraie vie », qu’il prenne le plus grand soin à conter, gravite autour de featurings brillants et d’un univers artistique frais.
Le défi restait néanmoins audacieux : reprendre les ingrédients du premier opus pour en sculpter un nouveau plus mature. Une ambition pas forcément évidente à 24 et 21 ans. Cependant, si on assimile souvent la maturité au baccalauréat, symbole de la transition du monde scolaire au monde professionnel, l’album se doit d’être jugé à sa juste valeur : avec une notation scolaire. Si l’on considérait que La cour des grands admettait une phase d’adaptation, voici donc le bulletin de La vraie vie, le second opus de BigFlo et Oli.
Matières scientifiques
[cbtabs][cbtab title= »Physique-Chimie »]C’est l’une des forces majeures du duo toulousain : l’alchimie qui les anime. Ils se connaissent par cœur, se complètent et ce, sur chaque morceau de l’album. Quand l’un s’affiche un ton en-dessous, l’autre ré-hausse le niveau. Jamais une ligne manquée, jamais un mot plus haut que l’autre : l’équation dessine un équilibre cohérent et très crédible. BigFlo et Oli révèlent, par ailleurs, un très bon niveau chimique en connaissant, de tête le tableau des éléments qui composent un projet de rap made in 2017. Une formule impressionnante.
[/cbtab][cbtab title= »Mathématiques »]Quinze morceaux, soit un total parfaitement respectable pour un opus de rap. À ça s’ajoutent de généreux titres aux couplets uniques et poignants. « La vraie vie » qui ouvre le projet en est le principal vecteur. « Dans mon lit » ou l’excellentissime « Autre part » suivent la tendance avec, à eux deux près de 13 minutes de rap pur. Exit, de plus, l’algorithme douteux d’un rap autotuné en dépit d’un théorème plus brut, celui de la force des mots. [/cbtab][/cbtabs]
Matières littéraires
[cbtabs][cbtab title= »Français »]Issu d’une génération Rap Contenders, Oli et Florian ont clairement un temps d’avance sur leur classe. Assonances, allitérations, métaphores, anaphores, graduations : tout le panel des figures de style est respecté pour griffonner des textes soignés. Ajouter à ça d’innombrables punchlines et une faculté à traiter de sujets parfois sombres avec une clairvoyance limpide et vous obtenez une vraie vie narrée à la perfection.
Symboliquement, le duo pourrait s’associer au mouvement romantique. Celui-ci privilégiait l’expression du « moi », un élément que l’on retrouve dans La vraie vie, par la grande sincérité des textes et des propos. La mélancolie, le voyage, la liberté artistique, le combat politique : tant de paramètres qui construisent le mouvement littéraire qui semblent inspirer l’opus. Si la comparaison avec Les contemplations de Victor Hugo semble encore bien trop présomptueuse, nul doute que la plume des deux compères risque de marquer, à leur tour, leur époque.[/cbtab]
[cbtab title= »Langues vivantes »]En espagnol, les deux frangins affichent une évidente facilité. Il faut dire que leurs origines puisées en Argentine joue forcément en leur faveur. Sur le morceau « Papa », ils rendent honneur à la langue de leur paternel en invitant, justement, Fabian, leur papa. Émouvant, pertinent et inlassablement inscrit dans cette volonté de mettre au premier plan leur vie, le morceau offre une réelle valeur ajoutée, qui plus est, embellie par ses contours hispaniques et la voix de leur père qui vient sublimer le refrain.
L’anglais est, cependant, encore à travailler. Si le nom de Busta Rhymes est venu pimper sérieusement la tracklist, le duo s’est un peu évadé. Outre la démonstration technique et l’idée de se déchaîner sur un morceau plus fun, « Ça va trop vite » déchante avec le thème global. Il n’en reste pas moins, intrinsèquement, un bon morceau, alors que l’emblématique rappeur américain n’a rien perdu de sa superbe.[/cbtab]
[cbtab title= »Histoire-Géo »]L’histoire est, une nouvelle fois, l’un des atouts les plus forts de BigFlo et Oli. Plus précisément, c’est non pas l’histoire sous sa forme scolaire, ponctuée par les guerres mondiales et autres mérovingiens qu’il faut appréhender, mais plutôt sous l’idée de storytelling. Les deux frères aiment raconter des histoires. C’était déjà le cas dans leur premier opus, mais c’est ici d’autant plus marqué, que ce soit dans le très sombre mais épatant « Salope ! » ou le plus léger « Répondez-moi ». Un chapitre qui manque cruellement au rap français contemporain.
Pour ce qui est de la géographie : New-York, Dakar, Tokyo et 34,826 km en une semaine pour le clip de « Alors, alors ». Y a-t-il besoin d’en dire plus ? [/cbtab][/cbtabs]
Matières artistiques et sportives
[cbtabs][cbtab title= »Arts Plastiques »]Dans la continuité de La cour des grands, BigFlo et Oli ont peint de multiples univers qui se rejoignent brillamment les uns aux autres. Ils jonglent entre émotions, sincérité et expression. Un triangle qui fait écho au Réalisme, ce mouvement de peinture du XIXè siècle qui vantait sa faculté à « coller au vrai ». La vraie vie pourrait ici trouver toute sa profondeur.[/cbtab]
[cbtab title= »EPS »]Si on imagine bien que les deux frangins ne sont pas des athlétiques robustes et aiguisés pour le haut niveau sportif, on pourrait les juger sportivement à la qualité « physique » d’un rappeur : le flow. Et à ce petit jeu-là, ils impressionnent. Outre la performance aux côtés de Busta, l’écriture pointue et la fluidité du débit offrent une véritable identité aux deux frères. [/cbtab]
[cbtab title= »Musique »]Le meilleur pour la fin. Il est évident que, baignant dans la musique depuis tout petit, les toulousains affichent de grosses facilités en classe musicale. La production de l’opus est incroyable : savoureux solos d’instruments brutes, des rythmiques déhanchées et des mélodies poignantes, tout est parfait. Ajouter à ça la présence de Stromae et vous avez une véritable leçon de musicalité.[/cbtab][/cbtabs]