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Youssoupha Youssoupha

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Youssoupha, itinéraire d’un rappeur surdoué

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Le rap français a ses légendes. Des artistes phares qui ont amélioré le genre à une époque donnée. Parmi ces légendes : Youssoupha. L’artiste âgé de 38 ans a sublimé le rap de par sa magnifique plume, sa discographie unique et son engagement. Si son dernier album remonte à 2015, le lyriciste Bantou pourrait revenir cette année avec un nouvel opus. L’occasion pour nous d’effectuer un retour sur sa flamboyante carrière.

Rappeur majeur de la scène rap française, Youssoupha sort son premier projet en 2005, il s’agit du Street Album Eternel Recommencement composé de dix titres. L’artiste originaire de la République démocratique du Congo éclabousse l’Hexagone de son talent depuis maintenant plus de quinze ans. Au-delà d’être un parolier de grand talent, Youssoupha est un artiste doté d’une aisance verbale exceptionnelle. Son riche vocabulaire ainsi que sa capacité à boxer avec les mots ont fait de lui un digne héritier des plus grands de la chanson française.

« J’ai laissé au bout du monde, dans le ventre d’une blonde, un enfant qui me survivra, un goût de cendre et de terre, un peu de sang sur les pierres, c’est tout ce qu’il aura de moi, tuez-moi tuez-moi ». Deux questions en guise d’introduction : Qui a prononcé cette phrase ? Une fois la première réponse trouvée, vous pouvez continuer avec cette seconde interrogation. Quel est le rapport entre une chanson de Michel Sardou et un article sur Youssoupha ? Lisez l’article pour découvrir la réponse.

Le style Youssoupha

Il est d’usage de classer les rappeurs en fonction du style de rap qu’ils proposent. Certains accordent une grande importance aux textes, et veulent donner du sens à leur musique. D’autres privilégient la forme et la performance en débitant des rimes dénuées de fond. Youssoupha a rejeté à de nombreuses reprises les cases dans lesquelles beaucoup voudraient l’enfermer. Il n’est pas simplement un bon parolier, un bon technicien, il ne fait pas que du rap conscient ou social. L’échelle des compétences de l’artiste est plus large. Loin de nous l’idée de critiquer les rappeurs qui se fixent une ligne directrice sur toute une carrière, ils peuvent très bien continuer à surprendre l’audimat en allant toujours plus loin dans le même univers.

Le parcours de Youssoupha est très riche, et sans s’enfermer dans une catégorie de rap, il a malgré tout garder un fil conducteur thématique dans sa musique. La question du racisme envers les personnes d’origine africaine en France ainsi que d’une manière plus générale, les maux qui polluent la société française. La grande force de Youssoupha est donc sa polyvalence au sein de son propre univers. Il éveille nos consciences avec « Menace de Mort » et nous fait danser sur « On se connaît ». La production très enjouée de ce dernier morceau et le refrain chanté n’entraînent pas à le rappeur à raconter des inepties. Il s’agit d’une très belle déclaration d’amour à son public auquel il n’est pas déconnecté, et les punchlines sont très travaillées et intelligentes.

Suite à une polémique avec Eric Zemmour, une certaine presse a voulu accoler à Youssoupha une image sulfureuse, celle d’un rappeur menaçant de mort un journaliste. Sans revenir sur les raisons de la querelle, il s’agira de noter les récents regrets d’Eric Zemmour d’avoir porté plainte contre l’artiste. Mais également insister sur l’écart de perception que les amateurs de rap ont de ce rappeur et la façon dont les personnes éloignées du rap le voient. Est-il victime de son prénom qui rappelle celui du chef du gang des Barbares, comme il le dit si bien dans « Menace de mort »: « Mais j’espère pas que mon prénom vous a subitement rappelé celui de Fofana ». Les profanes du rap français ont une autre incompréhension, ils mettent dans la même grosse boîte l’ensemble de l’immense scène rap française et en font une catégorie uniforme où le mauvais rap est l’équivalent du bon rap. Soyons sérieux, qui oserait mettre Jacques Brel et Vianney dans le même sac ?

Rappeur cérébral, Youssoupha est le père de quatre albums studios, de deux Street Albums ainsi que de deux Digitapes. Dès ses débuts, Bakary Potter a collaboré avec les plus grands, et le survol de la liste de ses apparitions donne le vertige. Parmi ses plus de cent apparitions, il a travaillé avec le Ménage à 3, Magic System, Despo’Rutti, Monsieur R, Passi, Sinik, Dosseh, Tunisiano, Ol Kainry, Fally Ipupa, Corneille, Black M, Lino etc. Il forme également La Ligue au côté de Médine et Kery James, elle sera d’ailleurs réunie sur le prochain album du rappeur du Havre. Les apparitions de Youssoupha deviennent des évènements, il élève à chaque fois le niveau des morceaux où il pose.

Zoom sur sa discographie

Le premier projet de Youssoupha est le Street Album Eternel recommencement sorti en 2005, il est composé de dix titres dont le morceau éponyme qui sera son premier grand succès. Sur la pochette, il apparaît avec une casquette couleurs militaires lui cachant le visage, quatre pistolets sont pointés sur lui. Son flow sur « Apologie de la rue » est incroyable, le titre n’a pas pris une ride, ni le texte, ni la production. L’introduction de « Toubab » sent bon les années 1990 avec les paroles d’un film. De cet excellente chanson pacifiste, il faut retenir cette incroyable phrase: « Depuis que le hip-hop paie, les médias s’en emparent, mais dans les radios et les rédactions, j’ai pas vu beaucoup de noirs ». Nous sommes en 2018, percevez-vous un changement ?

Ce thème fait l’histoire du rap, l’indépendance, le manque de représentativité dans les médias, même Hip-Hop, les majors qui se font de l’argent sur le dos des rappeurs etc… « La rage en featuring », « Babylon zoo », « Youssoupha est mort », « Lyriciste bantu », « Ce rap va m’perdre », rien n’est à jeter dans ce projet. « Anti-venus » est une sublime balade au piano, un morceau d’amour triste. Le premier couplet est une déclaration d’amour crescendo qui chute durement, et l’auditeur dès la fin de ce passage comprend la suite de l’histoire. Le second couplet fait écho au premier dans sa construction, mais le ton est plus dur vis-à-vis de celle qui l’a trompé. L’histoire d’un homme trompé racontée sans tabou par Youssoupha en un peu plus de deux minutes. Le début du tube commence avec les exclamations d’un public et une introduction au piano, ambiance « J’te l’dis quand même » de Patrick Bruel, il se termine façon « Sale pute » d’Orelsan, un grand écart façon Nadia Comaneci. Le projet se termine par un morceau de plus de 12 minutes qui porte le nom de « Post scriptum », titre en collaboration avec son groupe Bana Kin, où chacun des rappeurs lisent une lettre touchante sur une partition d’une guitare sèche. Cinq étoiles pour « Eternel recommencement », une centrale de cette décennie.

Un an après, il sort Mixtape spéciale avant l’album (mixé par DJ Stresh), un immense projet de 23 morceaux avec des collaborations de Despo’ Rutti, Bakar, Poison, S Pi, Mr R, Apash et Sam’s. 23 morceaux mais une écoute fluide. En effet plusieurs titres durent de moins de deux minutes. Il est cependant moins efficace que le disque original et fondateur. Youssoupha conserve sa verve et une plume acerbe. L’ambiance mixtape se ressent sur le remix « Apologie de la rue » avec des participations remarquées de Dany Dan et Alpha 5.20. Le duo avec le chanteur de dancehall Krys est le seul point noir de ce disque, un morceau raté. Ce projet fait monter la pression, et le public attend avec impatience le premier album de Youssoupha.

Youssoupha est un amoureux du ballon rond, il n’a jamais caché sa passion pour le club anglais de Liverpool. Son premier album A chaque frère est comparable à un tacle assassin de Steven Gerrard. Il adresse ce tacle au mouvement rap français alors dans une période trouble. Initialement intitulé Négritude, le projet permet au protégé de Diable Rouge de se faire connaître dans l’hexagone. Titulaire d’un baccalauréat littéraire, le lyriciste Bantou propose des textes riches parfois philosophiques. Enfant de l’immigration arrivé en France à l’âge de 10 ans, Youssoupha ne s’invente pas une vie qu’il n’a pas vécu. Il dénonce d’ailleurs dans son album la tendance des rappeurs à se rendre plus voyou qu’ils ne sont. Signé sur le label Hostile, il participe à la fameuse compilation Hostile 2006 où posent également Sefyu, Bakar, Salif, Soprano ou Despo’ Rutti. A la façon de Passi dans « 79 à 97 », il raconte son parcours de natif d’Afrique qui vient vivre en France dans le touchant « Ma destinée ». Il accueille Diam’s et Kool Shen pour des collaborations réussies. Le meilleur titre de l’album est définitivement « Les apparences nous mentent », à écouter absolument. La meilleure punchline de l’album : « Beaucoup de MCs maquillent leur stricte débilité en street crédibilité », à méditer absolument.

Le deuxième album de Youssoupha Sur le chemins du retour clôturerait un classement de ses albums. Il est sorti le 12 octobre 2009 et se vendra à plus de 50.000 exemplaires. Un projet très politique, polémique, virulent, sombre, Youss’ ne parvient pas à nous faire sourire comme il sait le faire sur ses titres plus légers. Attention, il n’en demeure pas moins un très bon album, mais seuls « L’effet papillon » et « A force de le dire » seraient dans une playlist des indispensables de Youssoupha, ainsi que le remix de « Apprentissage Remix » sorti en 2011, où Médine, Ol’Kainry, Tunisiano et Sinik apporteront un couplet au tube. Le rappeur apparaît lassé par le racisme, par une France qui le rejète lui et son art. Un album conscient sorti dans la France de Nicolas Sarkozy signé d’un artiste noir énervé, c’est le thème de « Itinéraire d’un blédard devenu banlieusard ». Maitre Gims est présent sur « L’effet papillon ». Le duo offre une prestation très aboutie, un véritable « banger » produit par Soulchildren avec des samples de Nina Simone. Les punchlines y sont nombreuses: « Qui parle de Rap Game ? Ça fait longtemps que je ne joue plus », « Nos vies sont tellement brèves, si on en faisait un film on l’appellerait Kourtrajmé »,  ou encore « Mais dans le freestyle Hostile 2006 c’est pas Médine qui bégayait » une petite pic pour Nessbeal. Un morceau qui a contribué à écrire la légende de Youssoupha. 

Vient alors le troisième album. Intitulé Noir D****, il est sorti à la vente le 23 janvier 2012, et demeure aujourd’hui le pus gros succès de la carrière de son créateur. L’album est riche et diversifié. Aux thèmes chers au rappeur, s’ajoutent d’autres sujets comme celui de la paternité et du système scolaire français. Ce disque est produit en indépendant, nous ressentons à son écoute un grand travail sur les productions entre du traditionnel et des sonorités africaines. Il clos la polémique avec Eric Zemmour en chanson accompagnée d’un clip très réussi, en réaction à la plainte du journaliste, il intitulera le titre « Menace de mort ». La pochette tranche avec celle des précédents projets. En effet, Youss’ n’y apparaît pas, laissant place à une sublime photographie d’un enfant portant des ailes d’ange de couleur noire. Le visage baissé, le regard entre tristesse et colère, l’enfant torse nu nous regarde, comme si Youssoupha voulait nous annoncer la couleur du CD dès la prise en main. Le mot idéal pour qualifier Noir D est : complet. Le principal single grand public est « Dreamin’ » avec la chanteuse Indilla. Elle avait déjà posé sa magnifique voix avec le tube « Hiro » de Soprano. Un autre artiste francophone participe à ce disque, le chanteur Corneille sur « Histoires vraies ».

NGRTD, l’aboutissement

Si NGRTD n’est pas certifié platine comme son sublime prédécesseur, il n’en reste pas moins l’apogée de la carrière de Youssoupha, la fin d’un cycle de deux albums qui se répondent. Youssoupha franchit enfin le cap et ose appeler son album Négritude. Ce titre devait être le nom de sa première entreprise, il attendra finalement de sortir son disque le plus personnel pour utiliser de mot. Le lyriciste Bantou prolonge l’esprit de son dernier projet avec une pochette réalisée par le photographe Fifou, le maître incontesté des jaquettes du rap tricolore. Le visuel est merveilleux, il s’agit d’une femme noire arborant des ailes blanches, elle semble en mouvement et ne nous regarde pas contrairement à l’enfant présent sur la pochette de Noir D****. Elle arbore une robe blanche et laisse apparaître une longue chevelure. Un réel travail artistique qui aura le droit à une exposition intitulée La Couleur Des Anges.

Ce travail artistique est palpable également sur la plume de Youssoupha. L’album est porté par des textes intelligents, positifs, aussi bien engagés qu’engageants. Les thématiques aussi fortes que légères. Mais pourrait-il en être autrement avec Youssoupha ? Il ne cherche pas à équilibrer les thèmes pour plaire à plusieurs publics, nous refusons de le croire. Sortir un onze titres de rap conscient, il en est capable. Sortir des tubes à coloration pop, il en est capable. Alors pourquoi priver son public de la richesse de sa palette ? Youssoupha est un poète, un professeur de français qui s’est égaré dans le rap avec succès, la figure de style est son arme. Il ne perd pas le sens de la punchline et de l’égotrip en annonçant très tôt: « Je suis le meilleur rappeur d’un pays où je ne suis même pas né ». Testez votre culture rap en écoutant « Chanson française », soyez honnêtes combien de morceaux utilisés reconnaissez-vous ? Mention spéciale pour ce morceau produit par Nodey, un hommage incroyable à la musique que nous aimons tant. Et saviez-vous qu’il existe cinq versions de la chanson « Point commun »: Lino, Alonzo, Disiz, Médine et Sam’s. Ils ne sont pourtant pas dans le titre phare de l’album. Remettons la médaille d’honneur à « Entourage ». Celle du clip le plus créatif est décernée à « Niquer ma vie », rejoignez au plus vite les 2.920.333 vues sur YouTube. NGRTD est sorti le 18 mai 2015, sera nommé aux Victoires de la Musique, atteindra la quatrième place du Top album et se vendra à plus de 80.000 exemplaires.

La carrière de Youssoupha est si riche qu’il faudrait lui consacrer un livre, il n’a pourtant sorti « que » quatre albums. Il a apporté une touche unique au mouvement. Refusant les étiquettes depuis le début de son parcours, ne lui faisant pas offense en disant de lui qu’il est un rappeur conscient, un simple parolier de talent ou un directeur de label à succès. Youssoupha est un rappeur français, et comme il le dit si bien: « t’avais jamais entendu de rap Français » avant lui. Affirmation fausse mais le slogan est si bien trouvé qu’il mérité d’être cité. Youss’ nous met de bonne humeur, il est incroyable sur « I Know » avec Irma, il l’est tout autant sur « Grand Paris » de Médine ou « Musique Nègre » de Kery James. Youssoupha, est un amoureux du rap français, un artiste feel good, terriblement intelligent et doué. Un chanteur français. Un enfant de l’Afrique. Le fils du Ménage à 3, de Diable Rouge donc de Time Bomb. Un indispensable. 

Réponse : Youssoupha a utilisé un sample de « Tuez Moi », une chanson de Michel Sardou, pour son premier grand succès « Eternel recommencement », la fameuse boucle de piano sur laquelle il rappe pendant plus de 6 minutes et sans refrain.

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