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Rencontre avec 6lack, le prodige d’Atlanta promis à un avenir radieux
Dans un hôtel à deux pas de l’Arc de Triomphe à Paris, nous avons rendez-vous avec 6lack pour une interview. Il est 10h du matin, nous attendons l’artiste dans un rez-de-jardin au 4ème étage de l’hôtel. Sa journée de promotion commence tout juste, il doit enchaîner plusieurs médias. Lui qui est plutôt timide, se met facilement en condition et joue au jeu de l’interview. Rencontre.
Comment vas-tu ? Comment tu te sens à Paris depuis ton arrivée ?
Ça va bien, je me sens bien. Le temps est parfait. Hier, j’ai marché pendant 15 minutes, d’un coin de la ville à un autre… J’étais au studio hier soir, je fais de la presse aujourd’hui… Tout se passe super bien.
Ce n’est pas la première fois que tu viens à Paris, car tu avais un show ici l’année dernière. La salle à été modifiée quelques semaines avant la date du concert… Car tu as sold-out trop vite et tu avais besoin d’une plus grande salle c’est ça ?
Oui exactement.
Je sais combien tu apprécies l’Europe, qu’est-ce que ça fait de se rendre compte que c’est réciproque ?
Quelque part c’est toujours un choc culturel. Tu sais, faire de la musique aux Etats-Unis c’est une chose, faire de la musique dans ton pays natal c’est une chose, mais savoir que tu as dépassé une frontière, la barrière de la langue, une barrière culturelle… C’est un super sentiment.
Et puis tu représentes toujours ta ville natale. Atlanta a beaucoup influencé l’homme que tu es aujourd’hui, que ce soit dans le fait que tu viens de cette culture du Battle Rap, ou même dans ton premier projet on entend à quel point Atlanta t’as formé.
Je pense que, juste venir de cette ville procure un sentiment de fierté. T’as envie de prendre tout ce qui fait Atlanta et le montrer au monde entier. Je pense que c’est comme ça partout, t’as envie de représenter ta ville, montrer à tout le monde ce que chez toi signifie, ce que ça procure comme sentiment… J’aurais toujours Atlanta sur mes épaules partout où je vais.
Si on revient rapidement sur Free 6lack. Pour le morceau « Ex Calling », tu as écouté les premières notes de Future (NDLR : « Ex Calling » est un remix de « Perkys Calling ») puis tu as demandé à l’ingénieur d’appuyer sur pause, à tout le monde de sortir, tu ne voulais pas entendre ce que Future avait fait, tu voulais faire ton propre remix. Est-ce qu’il y a une histoire similaire pour l’intro « Never Know » ?
« Never Know » c’est l’une des premières chansons que j’ai faite quand j’ai commencé à vraiment écrire l’album à Los Angeles. Une des premières chansons que j’ai fait avec mon ingénieur… Ça s’est passé de manière automatique. Tu vois, dès les premières bars, tu ressens quelque chose qui te donne envie de finir la chanson. À la seconde ou tu appuies sur play, tu sens qu’il va se passer quelque chose. Et puis quand je l’ai fait, je ne me suis pas dit « OK ça c’est l’intro », mais quand on avait plusieurs sons et qu’il fallait mettre tout ça dans un ordre, à ce moment là c’était une évidence.
Concernant l’outro, « Alone / EA6 ». Est-ce une vraie conversation ?
« Alone et EA6 », c’est juste un flot de pensées. Au début c’était deux sons complètement différents, ils n’étaient pas connectés ils étaient juste l’un à la suite de l’autre. Ce sont deux chansons qui m’ont permis d’apporter à ce projet la narration que je voulais que les gens retiennent, comme un résumé de ce qui venait de se passer. Tu sais, cet album il parle de mon coeur, de mes relations, de ma situation avec mon label, de beaucoup de choses. Et même si ça ressemble à une addition de mauvaises choses, je ne voulais pas que ça sonne comme « Voilà ce qui se passe et je suis vaincu » mais plutôt comme « voilà ce qui se passe, et voilà comment je vais les surmonter ».
Un point fort de ta personnalité et de ta carrière c’est la relation unique que tu entretiens avec tes fans. Lorsque tu as annulé ta date en France, tu as pris le temps d’expliquer cette décision à ton public (NDLR : 6LACK venait d’avoir une fille qu’il n’avait vu que 2 mois sur les 8 mois depuis sa naissance, il a donc annulé une tournée entière) et c’était unique de voir autant d’amour et de soutiens à un artiste qui annule sa tournée.
Oui, ça a toujours été l’un de mes principaux objectifs de toujours garder cette connexion très personnelle avec mes fans. Les gens écoutent de la musique et parfois, on a l’impression que l’artiste est inatteignable, trop célèbre, trop arrogant… non seulement je ne suis pas du tout comme ça, je veux aussi prendre cette responsabilité de rassurer les gens moi-même. Il m’arrive des vraies choses de la vie quotidienne, je ne suis pas juste une machine à musique, j’ai une fille… j’ai une liste de chose à gérer avant même de pouvoir faire de la musique. Donc savoir que mes fans comprennent c’est la preuve que cette connexion personnelle est assurée.
Tout ceci va main dans la main avec le fait que, et c’est quelque chose dont tu es fier et que tu partages souvent sur les réseaux, quand tu rencontres tes fans, 8 fois sur 10 ils te disent la même chose : que ta musique les a aidé.
Oui. En vrai, quand j’ai commencé je savais déjà ce que je voulais faire : faire de la musique avec de la substance, avec un message, avec du contenu. Parce que je traversais une période difficile donc il fallait que j’aide les autres avec ma musique.
Revenons sur un point essentiel de ta carrière. Ça peut paraître anecdotique, mais le fait que tu te coupes les cheveux a un vrai sens avec l’évolution de ta carrière. Peux-tu nous expliquer ?
Oui c’était évidemment un tournant. C’était un nouveau départ pour moi personnellement et musicalement. Je pense que t’es censé avec des dreadlocks pour une raison, et j’en étais arrivé à un point où je les avais pour les mauvaises raisons. Je me cachais derrière mes cheveux et ça m’empêchait d’aller vers les gens, de rencontrer les gens, ça me protégeait des situations inconfortables… Et puis sur scène, et en pensant à tout ça je voulais un reset, je voulais être capable de penser plus librement, de bouger plus librement. Je voulais me débarrasser de cette ancienne énergie qui était enfermée là-haut et la minute ou j’ai tout coupé, c’était la même minute où j’ai commencé à me sentir beaucoup plus libre, beaucoup plus léger.
Ce jour-là tu as posté une photo qui disait « Je peux marcher librement dans la rue, incognito juste grâce a une coupe de cheveux ». Tu peux porter des casquettes à nouveau ! (rires) C’est quelque chose que The Weeknd a dit quand il a décidé de se couper les cheveux aussi.
Exactement. Je portais énormément de casquettes avant les dreadlocks, et je pense que c’est ça que les gens n’arrivent pas à réaliser quand on me dit « Oh, tu ne peux pas couper tes cheveux, c’est ta personnalité bla-bla-bla. » Il y a 2 ans je n’avais pas de cheveux, mais tu ne me connais pas du tout. Les gens ont tendance à se faire une idée sur ce que tu es en se basant uniquement sur la première fois qu’ils te voient. Mais ça fait plus de 20 ans que je vis et j’ai eu peut être 15 coupes de cheveux différentes, donc pour moi c’était juste un autre changement.
Tu as récemment dévoilé le clip de morceau « Switch », Joe Budden a passé le titre en avant première dans son podcast. Pourquoi as-tu choisi cette plateforme pour lancer le titre ?
Je l’ai donné à quelqu’un qui a réussi à créer sa propre plateforme pour exprimer son opinion sur la musique, exprimer sa pensée… Au lieu de le donner aux médias traditionnels, pourquoi ne pas le donner à Joe ? Les gens qui vont l’entendre vont l’entendre, ceux qui l’ont eu un peu en avance l’ont eu un peu en avance, et puis après on l’a sorti partout.
Ty Dolla Sign fait des choeurs sur le son, et il est crédité sur beaucoup d’albums qui sont sortis en juin. Toi qui as travaillé avec lui, qu’est-ce que tu penses de cet artiste ?
Ty est l’une de mes personnes préférées. Un incroyable écrivain, un incroyable chanteur, un incroyable compositeur, un incroyable caractère… Donc évidemment c’est une de mes personnes préférées. Je l’ai appelé pour « Switch », c’était il y a des mois. Donc de voir que tout ceci arrive en même temps pour lui, c’est vraiment cool. Comme t’as dis, il a contribué a presque toutes les grosses sorties de juin, il a toujours été chaud pour moi en tout cas. Depuis ses projets comme Free TC, Beach House 3… ce sont des projets solides. Ty est fort, je veux continuer à travailler avec lui et faire beaucoup d’autres choses.
Free 6lack n’avait aucun featuring, avant sa réédition où on peut retrouver une collaboration entre T-Pain et toi. Comment ça s’est passé et qu’est-ce que ça fait de travailler avec une telle légende.
Pain est évidemment un pionnier d’un certain son et d’un certain feeling que l’on entend partout aujourd’hui. J’avais le son depuis un moment, je l’écoutais tous les jours en me disant qu’il manquait quelque chose, qu’il manquait quelqu’un. Puis complètement aléatoirement quand j’étais à Montréal je me suis dit : « T-Pain tuerait ce son ». Je l’ai contacté, il m’a renvoyé son couplet le même jour. On ne s’est jamais rencontrés, on n’a jamais discuté, rien de tout ça. Je lui ai envoyé le son, il a adoré, il enregistré son couplet, me l’a renvoyé.
Il y aura d’autres collaborations sur l’album, peux-tu nous en dire un peu plus ?
Il y a un bon nombres de feats et ce sont des gros feats. Ce que je peux te dire, c’est que ces apparitions donnent à ces artistes l’opportunité de dire des choses qu’ils n’auraient pas pu dire sur leurs propres projets. Je le vois comme une opportunité pour moi de leur donner un peu d’espace dans mon monde. (NDLR : Future, J.Cole, Offset et Khalid ont depuis été annoncés sur l’album)
Le nouvel album de 6lack, East Atlanta Love Letter est disponible à l’écoute ci-dessous.