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Musique

7 Jaws : «Mes proches me disent que j’ai évolué comme un Pokémon»

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Crédits : @lou_bet pour Interlude

Avec Je vois les couleurs, 7 Jaws a dévoilé un premier album inspiré et inspirant. Un panorama large et cohérent d’un art maîtrisé et décomplexé. 

C’est en le passant au filtre thermique que l’on distingue les couleurs que renferment 7 Jaws. Des fragments de vert, de bleu, de rouge. Une fresque dessinée sur la moitié de son visage qui reproduit fidèlement le tableau multicolore de son premier album. En quinze morceaux, l’artiste attrape les univers les uns après les autres, avec une approche toujours très singulière. Cette approche, c’est la vie. La vraie vie. Celle que le rappeur côtoie, celle qui l’inspire. Ses potes, son frère, son propriétaire : 7 Jaws a incorporé dans Je vois des couleurs des instants capturés au coeur de ses relations. Désormais, l’artiste se sent à sa place, et suffisamment à l’aise pour parler de ceux qui l’entourent. Rencontre.

Quel bilan tu peux faire de Rage ? Musicalement et personnellement ? 

C’était le premier projet qu’on avait pensé en tant que projet. Avant je faisais des EPs « tout seul » : je sortais tous les morceaux que je faisais. Rage, c’est le premier projet qu’on a pensé et fait dans cette optique-là. C’est aussi la rencontre avec Seezy, on a continué ensuite à bosser ensemble. Ça m’a beaucoup servi pour cet album du coup, qui est, en plus, selon moi, beaucoup plus abouti. C’est un album : on a pris plus de temps, plus de titres aussi. De vrais chemins pour arriver à une liste de 15 titres qui vont plus ou moins bien ensemble alors que ce n’était pas gagné. On a essayé beaucoup de chose. Le travail avec Seezy est de plus en plus fluide aussi. Avec NK.F aussi, avec Rage c’était la première fois qu’on travaillé avec lui. Et maintenant avec NK.F, on travaille vraiment main dans la main donc avec toute l’équipe. On était beaucoup plus préparé je pense. 

J’ai sélectionné quelques morceaux de ton nouvel album, et je te propose qu’on en parle ensemble. Commençons par l’intro « Peaky Blinder ». C’est une très grosse intro, c’est dans les premiers morceaux que tu as fait ?

Je crois que c’est le dernier… En gros, c’était dans les dernières sessions pour l’album. On a fait 5-6 sessions studio à la fin où ce n’était que du rap. Car pendant toute la préparation de l’album, j’avais envie d’explorer pleins de choses. Et il y a même un moment où j’étais le roi de la pop dans ma tête, j’écoutais Charli XCX à tout berzingue, Caroline Polachek avec Oklou et tout. Je me mettais dans des délires un peu perché. Au début, j’ai essayé pleins de choses avec Fred Savio qui est un mec de la pop. Ensuite j’ai commencé à divaguer, je voulais aller faire des trucs fou. Mais je trouvais qu’il manquait une base rap car je viens de là et j’aime ça.

Seezy et l’équipe m’ont dit qu’il manquait un peu de rap dans le projet donc j’ai appelé Dramastate qui est très fort dans ce que j’appelle les « boom-bap 2.0 ». Des boom-bap mais qui sonnent modernes. Du coup il m’a envoyé quelques prods et je crois que j’ai fait que du rap pendant les dernières sessions. Et sur la dernière, je reçois la prod de « Peaky Blinder » et j’avais plus vraiment besoin de morceaux. Juste, j’ai fait le son naturellement et en l’écoutant après il représentait bien l’état d’esprit dans lequel j’ai fait tout l’album. Je me suis dit qu’ouvrir l’album avec ça c’était sale.

Parlons de « Tchilili », un single très fort avec une topline qui reste en tête. Raconte nous l’histoire de ce morceau et comment est venue cette mélodie ?

On était en studio avec Fred Savio, Felipe, et Bambino qui est un artiste qui fait énormément de toplines, qui chante, qui pose, etc.. Il a vraiment trop d’idées, tout le temps. On pose la guitare, la petite rythmique. Moi, je voulais faire un truc un peu brésilien. Donc j’enregistre mes couplets et à un moment c’est Bambino qui chante ça : «Ah Tchilili». Ça me fait penser à des trucs que j’ai déjà écouté mais je me dis : «Bon c’est magnifique, c’est tout ce dont on a besoin pour ce morceau».

Le clip est aussi très fort, et quelque chose qui me marque, c’est le grain de l’image, on dirait des documentaires. C’est les réalisateurs qui te proposent ça, ou c’est vraiment une volonté et un parti pris de ta part ?

Je travaille avec l’équipe de Bleu Desert sur l’image et là pour « Tchilili », ils ont produit le clip mais ils ont laissé la réal à deux réalisateurs qui s’appellent Jean et Gabin. Je leur fais vraiment confiance à 100% parce qu’on s’est vraiment bien compris. On bosse ensemble depuis « Par ici », on a fait un truc très typé et ils ont compris. On est devenu amis donc ils savent ce que j’aime, ce que je n’aime pas. Et je respecte leur travail d’artiste. Quand j’envoie le son, j’ai fait mon boulot, ils savent ce que j’aime, donc quand ils m’envoient un dossier, je sais qu’il vont comprendre ce que je veux.

Et pour le côté documentaire, c’est l’intention pour eux comme pour moi de montrer dans les morceaux qui le permettent des vrais gens. Il y a des clips qui nécessitent d’avoir de l’acting, donc effectivement là c’est compliqué d’aller chercher des vrais gens, des vrais sourires, de vraies expressions. Mais quand c’est des morceaux qui sont plus fédérateurs comme « Par ici » ou « Tchilili », il n’y a pas à aller faire de casting. Tu vas là où la vie se passe et tu filmes la vie. Et c’est magnifique. 

J’ai lu que tu avais beaucoup discuté avec de « vrais gens » pendant la préparation de l’album, tu as cette volonté de toujours rester connecter avec la « vraie vie » ? Ça a toujours été comme ça ?

Au début non. Au final, tout ça s’est débloqué quand je suis parti à Tokyo pour la première fois, grâce à Nabil qui m’a vraiment montré que c’était comme ça que ça se passait. Quand t’es jeun,e c’est pas un truc que tu as initialement en toi. Ou alors; tu l’as en toi, mais c’est un peu verrouillé. C’est vraiment un truc qui m’enrichit et enrichit tout le monde. Même une discussion de 5-6 minutes avec la personne à côté de toi quand t’es en train de fumer une clope, ça nourrit la journée, la soirée et ça peut être lourd. Et en parallèle maintenant, j’ai de nouvelles relations à Paris, je les construis beaucoup mieux qu’avant. Je me sens beaucoup plus à l’aise avec moi-même et ce que je fais et avec le monde. Au début je ne savais pas où me foutre. Même mes proches me disent que j’ai évolué, un peu comme un Pokemon.

Crédits : @lou_bet pour Interlude

Mais tu n’es pas encore à ta dernière évolution…

Non ! Ce serait dommage de dire qu’à 26 ans je suis à ma dernière évolution. Mais en tous cas, on avance… 

Parlons de « S Klasse » désormais. Un gros son égo-trip : il en fallait un dans le projet j’imagine. Comment ça s’est fait ?

« S Klasse » a été fait lors de ce qu’on appelle « les sessions récréatives » (rires). C’était juste à la fin de Rage, avant de commencer à penser à l’album, on s’était fait pleins de session pour juste faire des choses qui n’ont rien à voir avec le projet précédent et juste s’amuser. Il a été fait avec deux allemands, Kilian & Jo, qui ont aussi fait « Ça me régale ». Et du coup on a fait ça en mode pas de prise de tête, juste gros égo-trip où on se fait plaisir. Et ça fait du bien de faire ça.


Parlons de la plus grosse prise de risque de ce projet selon moi, c’est « Sale état ». 

Ah, mon pêché mignon. J’adore, je crois que c’est un de mes préférés. En gros, pour te donner le background : pendant le confinement j’ai parlé à mon propriétaire qui est aussi devenu mon ami. Et j’ai été intégré dans son groupe de potes. Et ce sont que des gens qui bossent dans ce que j’appelle les « vrais boulots ». Les boulots pas faciles. Je lui disais : «Pendant le confinement, je sers à rien, je ne peux pas faire de son, pas faire de concert, il y a rien, je me sens pas utile enfaite». Et il m’a répondu : «Tu vois, quand nous on monte dans le camion à 6 heures, écouter un son à la radio qui te met bien, qui te met la pêche, ça a une utilité».

Et je me suis dis : «Putain j’aimerais faire des sons pour le matin, pour que les gens qui vont bosser. Faire des sons légers». Car même dans Rage, je faisais des sons pour moi, pour m’exprimer. Je continue à le faire mais en trouvant des petits chemins détournés un peu comme dans « Sale état » où je me livre aussi, mais la forme est différente. Je me suis dit : «Si j’arrive à faire les deux, faire des sons un peu léger juste pour se mettre bien et mettre la pêche le matin, et qu’en même temps j’arrive à dire des choses qui sont importantes pour moi, on a tout gagné». Et je crois que dans ce morceau, je me rapproche grave de cet équilibre là, donc je suis très content de ce son.

On peut aussi parler du feat avec Bigflo, mais j’aimerais surtout qu’on se concentre sur une punchline qui est : «J’ai mis du temps, mais maintenant, je sais ce que je veux».

C’est ma mentalité actuelle. Ou du moins, je m’en rapproche de plus en plus de où est-ce que je veux aller. Alors, là, évidement c’est une phrase, donc on se dit que c’est pas si simple que ça. Mais oui, j’ai l’impression que je sais beaucoup mieux où je veux aller et je me sens plutôt dans une bonne dynamique. On a toujours des moments de doutes, mais en vrai, je suis assez content et reconnaissant de ça. Et pour en revenir au morceau, je pense que c’est le premier feat qu’on a enregistré, c’est Bigflo qui a proposé ce thème-là.

Le « Chercheur d’or », un gros story-telling. C’est la première fois qu’on te voit sur ce registre. C’est aussi le seul morceau du projet où tu ne dis pas «je». 

C’était une volonté de ne pas dire «je», au moins une fois. C’est un truc que j’aimerais bien faire plus. Quand j’écoutais la prod, j’ai tout de suite penser au chercheur d’or. Je ne sais pas pourquoi, ce sont les mots qui me sont venus en tête. C’est là où je me suis dit qu’il fallait raconter une histoire car je ne suis pas chercheur d’or, même si j’adore la symbolique autour. Ce qui m’a inspiré en vrai, c’est mon frère qui m’a parlé du livre L’Alchimiste de Paulo Coelho.

En approfondissant, c’est juste une histoire veille comme le monde que les gens se racontent et se re-racontent encore et encore : juste le fait que c’est un mec qui entend parler d’un trésor, qui va essayer de le chercher. Il va tout quitter, tout donner, faire le tour de monde pour trouver ce trésor-là. Et finalement il ne trouve pas « le » trésor, mais il trouve « son » trésor. Dans le parcours, dans le chemin, mais pas dans l’objet. Et j’ai eu ce truc en tête, mais il y a déjà eu des best seller là-dessus. Mais c’est à ma façon : on a tous ce truc de courir après quelque chose et finalement, ce n’est pas important de savoir si on va le trouver ou pas. C’est le chemin et c’est ça qui nous enrichit. 

7 Jaws – Je vois les couleurs

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