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À lui seul, J. Cole symbolise la fracture générationnelle qui gangrène le hip-hop À lui seul, J. Cole symbolise la fracture générationnelle qui gangrène le hip-hop

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À lui seul, J. Cole symbolise la fracture générationnelle qui gangrène le hip-hop

Crédit photo : Anthony Supreme

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Les récentes piques de J. Cole envers la nouvelle génération de rappeurs dans son morceau « 1985 » ont relancé le débat sur l’incompréhension qui subsiste entre les « jeunes » et les « vieux » du rap.

Cette semaine, J. Cole a fait grand bruit avec la sortie surprise de son cinquième album KOD. Absent de la scène rap pendant plus d’un an et demi, l’artiste a eu le temps d’apprendre et d’observer les mutations d’un rap game toujours plus prolifique. Forcément, il a comme beaucoup constaté l’émergence à foison des « Lil Rappers » et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne les porte pas dans son cœur. Déjà dans son morceau « Everybody Dies » sorti en décembre 2016, il leur glissait quelques piques.

« Certains rappeurs ont besoin de prendre une pause, ils racontent que de la merde. Je déteste ces rappeurs, plus précisément ces rappeurs amateurs qui ont débuté il y a huit semaines. Lil machin, juste un autre rappeur bidon. De faux dealers de drogues qui sont H-24 dans un tour bus. »

Pour son retour surprise, il a réitéré des propos similaires dans l’outro de son dernier album, « 1985 (Intro to ‘The Fall Off’) ».

« Tout ces rappeurs qui débarquent sont des gamins. Tout le monde dit que leur musique, c’est de la merde. Je me rappelle moi aussi quand j’avais 18 ans, L’argent, les chattes et les soirées, c’était mon délire. Donnez leur une chance de grandir, ils parlent tous comme s’ils savaient tout. Ces gars font genre ils sont conscients, mais ils sont fauchés. Je respecte ceux qui galèrent au quotidien, mais ce n’est pas votre cas aujourd’hui. Ils ont à peine l’âge de conduire. Qui suis-je pour leur dire ce qu’ils doivent faire ? »

Cette frontière est d’autant plus marquée que si la jeune génération a fait de l’apologie des drogues l’un de ses fers de lance, J. Cole se place encore une fois à contre-courant de cette tendance. Bien que la pochette psychédélique de son album designée par Sixmau puisse porter à confusion, (elle montre le rappeur tel un roi et des enfants, tous sont sous l’emprise de drogues variées) son fil rouge est bel et bien le suivant : « Cet album ne veut en aucun cas glorifier les addictions ». Une nouvelle pique implicite pour critiquer la jeunesse mainstream du hip-hop ?

Alors oui, tous les jeunes du rap en prennent pour leur grade, mais l’un d’entre eux est semble-t-il, visé plus que les autres. N’est-ce pas Lil Pump ?

Lil Pump, son meilleur ennemi

Dans toutes cette salve de missiles, Twitter a rapidement compris que certaines piques étaient spécialement adressées à Lil Pump. À raison que ce dernier a déjà piqué Jermaine par le passé. L’interprète de « Gucci Gang » avait en effet teasé une diss track intitulée « Fuck J. Cole« , mais ne l’avait jamais sorti. L’intéressé lui a donc directement répondu dans ce violent « 1985 ».

« J’ai entendu que l’un d’eux m’a clashé, c’est surprenant. Je n’hallucine pas, écoute bien ma réponse. Viens par ici Lil machin, j’ai à te parler. Regarde-moi te refaire le portrait encore un peu plus. Félicitations, tu as réussi en habitant toujours chez ta mère. J’espère que tu fais tout pour acheter une maison à ta mère. »

« Un jour, les enfants qui t’écoutent grandiront et deviendront trop vieux pour cette merde qui t’a fait percer. Tes concerts, la lumière ne brillera pas éternellement parce que personne ne vient. Malheureusement, ça veut dire que les rentrées d’argent diminuent […] Je te souhaite bonne chance. J’espère pour toi que tu n’es pas aussi con que tu en as l’air. Mais si ce que les gens disent est vrai, comme quoi tu plaisantais, c’est que tu es vraiment ravagé. Crois moi. »

Ayant compris qu’il était la cible du leader de Dreamville, Lil Pump lui a répondu dans une vidéo publié sur Instagram.

D’un rire et d’un ton sarcastique, il répond : « Wow, quel homme, tu t’en prends à un jeune de 17 ans ? Espèce de faible ».

Smokepurpp entre en scène

Bien sûr Lil Pump n’est pas le seul à être directement visé dans ce morceau. On trouve aussi parmi les têtes de Turcs de Cole, Smokepurpp. Pour rappel, le rappeur de Miami avait clamé il y a peu qu’il pourrait battre son homologue new-yorkais et Kendrick Lamar dans un battle de rap. Il avait également trollé en disant qu’il serait en featuring sur KOD. Habitué à faire cavalier seul sur ses derniers projets, cela n’a évidemment pas été le cas. Enfin, il a récemment offert son soutien à Lil Pump, en affirmant que ce dernier était meilleur que J. Cole. Au-delà de ses attaques personnelles, l’intéressé lui reproche surtout d’avoir une mauvaise influence sur les jeunes.

« Je dois dire que tes chansons ne m’impressionnent pas, mais j’aime voir un homme noir être payé.
Et en plus, tu prends du plaisir dans ce que tu fais et je respecte ça
Mais as-tu déjà pensé à l’impact que tu pouvais avoir ?
Ces enfants blancs adorent que « tu n’en ais rien à foutre »
Parce que c’est exactement ce qui est attendu de la part d’un noir de peau. »

Un conflit de génération ?

Ces nouveaux clashs opposant J. Cole à la jeunesse du hip-hop témoignent d’un conflit de longue date : une rupture de plus en plus visible entre la jeune génération friande de liberté artistique et de thèmes plus légers, face aux artistes plus conservateurs et « lyricists »comme J. Cole. Dans son morceau « 1985 » d’ailleurs, l’artiste fait aussi part de sa frustration face à l’évolution actuelle du rap, dans la lignée de ses propos précédents, comme Eminem, Kendrick Lamar et bien d’autres l’ont déploré avant lui.

« J’emmerde vos noms de Lil Rappers funky. J’entends votre musique et je sais que le rap est en train de changer. Certains diront que c’est une mauvaise chose parce que tout ce qui sort aujourd’hui est commercial. La trap, voilà ce qui est tendance maintenant. »

Les jeunes artistes assument de plus en plus vouloir imposer leur vague, sans forcément s’intéresser à l’héritage culturel passé du hip-hop. Si aucun artiste n’a encore délivré de diss track pour s’opposer à ce cinglant « 1985 », Smokepurpp évoquait déjà en janvier dernier, dans une interview avec Montreality, le cas J. Cole et cet écart de valeurs entre les générations.

« Les rappeurs du moment ne ressemblent pas à ceux qui étaient là avant eux. Nous ne ressemblons pas à nos vétérans et nous seront vieux, les jeunes ne nous ressembleront pas non plus. La musique, c’est de l’art, il n’y a pas de manière universelle de faire de l’art, tu peux faire ce que tu veux, tu peux prendre un micro, tout faire péter et devenir viral. Si nous voulons faire du Mumble Rap, nous pouvons le faire. Ce n’est que du troll. Nous savons que nos tweets envers J. Cole sont des trolls et les gens aussi. Si vous ne le croyez pas, on s’en fout. Lil Pump aussi s’en fout. »

C’est un fait et cela n’a rien de nouveau :  les temps changent et les paroles semblent de plus en plus se libérer. À l’image de Lil Xan qui qualifiait la musique de 2Pac comme « ennuyeuse« . Cela peut sembler difficile pour certains, mais il est temps d’accepter que des figures historiques du rap, longtemps intouchables, ne trouvent plus écho auprès de la jeunesse. Qu’ils soient d’accord ou non, le hip-hop continuera à vivre et à grandir autant avec des J. Cole que des Lil Pump. Alors autant s’y faire. Pour le bien du rayonnement de cette culture.

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