Musique
On a parlé « Phantom », Laylow et Panama Bende avec Aladin 135
Aladin 135 sera de retour vendredi 10 juillet, avec son premier album Phantom. Pour l’occasion, nous avons rencontré le MC pour prendre de ses nouvelles.
Il l’a annoncé sur tous ses réseaux sociaux. Phantom, le premier album d’Aladin 135, sort le 10 juillet. Le MC a usé d’une communication épurée, en ne dévoilant dans un premier temps que la cover de son nouveau projet. Une cover intrigante réalisée par Mister Fifou. Puis, une tracklist plutôt alléchante puisque l’on y retrouve Roms, Hooss, mais aussi Laylow et PLK. Aladin 135 semble avoir sorti les gros moyens pour Phantom, et nous sommes partis à sa rencontre pour en apprendre plus.
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Le grand retour d’Aladin
Avec Phantom, Aladin 135 ancre définitivement son retour sur le devant de la scène. Le MC avait marqué une pause après la sortie de sa mixtape Indigo sorti en 2018. Une mise à l’arrêt nécessaire pour Aladin, qui souhaitait prendre du recul. «Parfois, il y a des choses dans la vie qui te donnent envie de faire une pause, par rapport aux autres aspects de ta vie. Avec mon crew, j’ai commencé jeune, on a vite explosé, à une époque où les streams n’étaient même pas comptés. On a fait énormément de concerts, accumulés des souvenirs, et ce n’était pas forcément facile à gérer. Que ce soit en terme de business ou d’artistique, je ne savais pas forcément ce que je voulais. Pour moi, cette pause était naturelle. Je trouvais ça bien de laisser les gens respirer. Parfois, la meilleure position c’est celle d’outsider», explique l’artiste.
Un premier album qui arrive donc à point nommé, pour un artiste qui n’est pas un nouvel arrivant. Pour rappel, Aladin 135 a déjà sorti un premier EP Addictions en 2015, suivi de sa mixtape Indigo. Mais cette fois-ci, un cap supérieur est franchi, puisque Phantom est définitivement un album. «Je voulais caractériser Phantom comme mon premier album car c’est mon premier projet abouti. Je l’ai bossé avec Guilty, un réalisateur qui a fait beaucoup de gros projets dans le rap français. En tant qu’artiste et adulte, c’est mon premier projet viable, et universel. On peut l’écouter avec sa grand-mère, comme avec son pote. J’ai voulu être cohérent, montrer qui je suis. Quand on est jeune, on fait beaucoup d’égo-trip, on est vulgaire… Sur Phantom, j’avais envie de faire un album où il n’y a pas de vulgarités, pas d’insultes… L’idée, c’est que tout le monde puisse se retrouver dans l’album.»
«Phantom, c’est pour le côté absent»
16 titres réunis sous un nom : Phantom. Pourquoi Aladin a-t-il choisi cette de faire une analogie avec un fantôme ? Qu’est-ce que cela signifie ? «Phantom, c’est pour le côté absent. Je suis quelqu’un qui accorde une grosse importance à la parole, et je n’aime pas quand elle n’est pas maîtrisée. Je prends l’exemple d’un groupe d’amis : il y a beau en avoir un qui parle tout le temps, et à côté son pote ne parlera qu’une fois, mais pour dire quelque chose de vrai. Plus je grandis, plus j’essaie de canaliser ma parole, pour ne pas dire des choses sous le coup de l’impulsion, ou que je vais regretter. Ça rejoint tout ça, mon nouvel état d’esprit, mes nouvelles envies. Dans cet album, je me suis livré de manière plus maîtrisée, alors qu’avant j’y arrivais beaucoup moins.»
Une absence qui se traduit jusque sur la cover. Aladin, dans une ambiance plus sombre que jamais, est entouré de deux femmes dénudées. «Sur cette photographie, je suis absent par rapport à ce qui nous attire habituellement. Ce serait normal que l’homme que je suis soit attiré par les femmes autour de lui. Si tu remarques, je baisse les yeux, je ne suis pas là. Les femmes symbolisent la tentation ultime pour l’homme. Avec deux femmes dénudées autour de moi, je voulais montrer que je reste moi-même, fantôme.» Une cover réalisée par Fifou, connu pour être l’auteur de celle de Dans la Légende ou encore JVLIVS. «Guilty, qui réalise mon projet, a une très bonne relation avec Fifou c’était donc naturel de me le recommander. Au début, on n’avait pas forcément l’intention de faire parler avec cette photo, mais ça s’est fait naturellement. Ça ne me dérange pas de déranger.
Fidèle à lui-même
Sombre et absent, tels sont les mots qui décrivent le mieux la philosophie de l’album. Un choix qu’Aladin assume totalement : «Par rapport à beaucoup de choses dans le rap français, mon album est sombre. En France, on a la culture du single qui fait danser, mais la plus grosse vendeuse de disques c’est Adèle, et elle fait que des musiques qui donnent envie de pleurer». Le MC témoigne pourtant de sa volonté de se montrer plus positif. «Par exemple, sur le titre avec Hooss, je suis un peu plus solaire. C’est une façon de montrer qu’on pourra aller vers ça à l’avenir, qu’on peut faire plus de morceaux comme ça. Aujourd’hui, être fun dans sa musique c’est hyper important, mais c’est tout ce que je n’ai pas. J’ai pleinement conscience que je ne ferai jamais de disque d’or grâce à mon humour sur Instagram.»
Il y a d’ailleurs un titre qui attire l’attention sur la tracklist de Phantom : « Ferme les yeux II ». Un morceau qui est déjà l’un des singles du projet, mais qui rappelle surtout la chanson « Ferme les yeux » que le MC avait sorti en 2014. Une référence ? Une piqûre de rappel ? «En fait, « Ferme les yeux » et « Ferme les yeux II » n’ont pas forcément de rapport. Quand j’ai fait ce son, il y avait ce délire de bander les yeux de la personne qu’on aime pour la protéger. C’est un morceau vachement différent du premier, mais qui, dans l’âme, reste la même chose. Je sais aussi que « Ferme les yeux » a été un de mes premiers morceaux à avoir fonctionné. A l’époque, il n’y avait pas d’argent, pas de clip, pas de marketing… Cela montre qu’il n’y a pas besoin d’avoir des budgets énormes pour faire de la musique.»
Laylow, invité de luxe
S’il y a un artiste qui a laissé une trace indélébile au cœur de l’année 2020, c’est bien Laylow. Le MC a fait l’unanimité avec Trinity sorti en février dernier, un album bionique, mais surtout une véritable expérience immersive. Au sommet de sa gloire, Laylow vient donc accompagner Aladin 135. Mais les deux artistes se connaissent depuis de nombreuses années. «On s’était rencontré en studio à l’époque. Laylow était alors inconnu. J’ai entendu son morceau, et je lui ai dis : «mais toi, tu vas faire du sale !». Ça m’arrive souvent de sentir venir certains artistes. Josman avait fait ma première partie, pareil pour OBOY. En général, un artiste qui va devenir intéressant et que je croise, il va me taper dans l’oeil.» On se souvient notamment de leur collaboration sur le morceau « Gtmotors » avec Wit. sur le projet Mercy en 2016.
Depuis leur rencontre, les artistes sont toujours restés en contact. «A partir de là, j’ai appris qu’il faisait parti de TBMA [une équipe de production audiovisuelle], alors, quand j’ai fait Indigo, je les ai appelé pour « Reflet ». On est parti dans le sud, une semaine ensemble, et on a fait un clip. Ça fait longtemps que c’est mon frérot, on se fait écouter des sons, on échange sur des sujets, on se conseille… Sur Phantom, c’était naturel de l’inviter, on a fait un son en toute détente en une heure et demie, c’était vraiment spontané. Avant, c’était peut-être moi qui lui donnait de la visibilité, aujourd’hui c’est lui qui va m’en passer. C’est un échange de bons procédés, c’est naturel. On a une bonne relation.»
Aladin prépare la relève
Parmi les autres featurings de Phantom, se trouve également l’un des petits protégés d’Aladin : Roms. «J’ai produit son premier CD. Je l’ai rencontré quand il avait 14-15 ans et je l’ai trouvé super fort. Je me suis dis : «ce petit, il a tout pour percer, la voix, le style…». La prod, c’était beaucoup de travail, sachant que j’ai un petit label indépendant, et qu’il ne fallait pas non plus que je néglige son projet. On est allé chercher un deal avec Jardins Noirs, AllPoints, qui ne sont que des gens très proches de moi. Il y a un gros projet de lui qui arrive, avec de gros featurings, je me place vraiment en bosseur plutôt qu’en artiste. Je veux vraiment qu’il ait sa patte, son identité. Par exemple, on fera des featurings avec des personnes de sa génération.»
L’occasion pour Aladin 135 de s’essayer à une nouvelle casquette : celle de producteur. Un processus qui compte aussi dans sa prise de maturité. «Cette double-étiquette, je vis avec ça. Ça fait parti de ma particularité. C’était dur à certains moments, mais aujourd’hui j’ai le recul pour mieux distinguer. Vis-à-vis de Roms, j’ai plus le rôle d’un manager artistique. Je veux le protéger, le laisser dans son cocon, qu’il ait toujours un référent.»
Aider, comme lui-même ne l’a pas été il y a quelques années : «La musique, c’est aussi du business, des choix. A un moment, je pense que j’ai fait de la musique aussi bien que d’autres personnes, mais mes choix étaient mauvais. Il y a des gens avec qui j’aurais dû travailler, mais je ne voulais pas. J’avais mon caractère, ma vision, ma petite entreprise familiale. D’ailleurs, avoir son label en indépendant fait aussi parti du côté fantôme. On gère notre budget, nos affaires, sans aucune ambiguïté.»
Le Panama Bende : présent, mais absent
Le 18 juin, Aladin a dévoilé un nouvel extrait de son album : « All Day », en compagnie de PLK. Et qui retrouve-t-on dans le clip ? Toute la bande du Panama Bende au grand complet. Pour rappel, le groupe a sorti deux projets : Bende Mafia en 2016, puis ADN en 2017. «Ça faisait combien de temps qu’on nous avait pas vu ensemble ? Quand je dis PLK, je dis Panama Bende, et inversement. On a fait le titre avec PLK parce qu’évidemment, stratégiquement, il a la visiblité qu’il faut. Mais impossible de faire un clip avec PLK, sans le Panama Bende. Je voulais ramener l’état d’esprit du groupe, montrer aux gens que ça ne bouge pas. Avant d’éventuellement refaire quelque chose ensemble, c’est une manière de dire que nous sommes toujours aussi soudés qu’à l’époque.» Pour l’anecdote, le clip de « All Day » a été tourné dans le même hangar que celui de « Zéro Détail » de Nekfeu et Sneazzy. «Nekfeu c’est le sang, mais on l’avait tourné avant», ricane Aladin 135.
Pourtant, contrairement à Addiction et Indigo, hormis PLK, aucun autre membre du groupe n’est sur l’album. «Dans un album, tu ne peux pas forcément faire cinquante featurings. Aujourd’hui on est dans un projet solo, et on essaie vraiment de développer nos images dans ce sens. On n’a pas trop insister sur les mélanges, mais dans les prochains mois, qui sait… Peut-être que quelque chose peut arriver. Là, des featurings, il va y en avoir !»
«Heureusement que PLK a envoyé pendant trois ans !»
Alors qu’Aladin a fait le choix de se retirer en 2018, c’est à ce moment précis que PLK a commencé à exploser. Deux amis de toujours, deux trajectoires différentes. «Je porte un regard vraiment positif sur le chemin de PLK. Hier, je disais à mon meilleur pote qui dirige le label du Panama Bende : «Heureusement que PLK a envoyé pendant trois ans !». S’il n’avait pas fait ça, le feat qu’on a aujourd’hui ensemble ne ressemblerait pas du tout à ça. Je suis super fier. Il a fait des choix, en terme de business, qui ont été meilleurs que les miens, et je l’en félicite. Tant que c’est quelqu’un de mon groupe, ça ne peut qu’être une bonne nouvelle.»
L’esprit d’équipe prime. Au travers de PLK, c’est toute l’équipe qui en est ressortie fortifiée. «Quand l’un de nous réussi à franchir un cap, ça fait comprendre aux autres qu’ils peuvent le faire aussi, et qu’il faut s’en donner les moyens. Sur ces deux dernières années, PLK a sorti énormément de morceaux. En termes de quantité, c’est super dur de faire autant de bons morceaux. Il a ce qu’il mérite. Ça fait plaisir parce que c’est un vrai fan de rap. Quand il avait 13-14 ans, il disait dans la cour de récréation : «moi plus tard, je vais être un rappeur connu». Aujourd’hui, c’est un rappeur connu. C’est juste magnifique. Une putain de belle histoire.»
Phantom, disponible le 10 juillet
Aujourd’hui, les cartes sont désormais dans les mains d’Aladin. Avec son premier album Phantom, le MC a l’occasion d’accéder à une nouvelle étape de sa carrière. Phantom est un album complet, à l’image d’un artiste qui sait se montrer généreux. Durant notre interview, un jeune garçon est timidement venu à sa rencontre pour lui dire qu’il faisait lui-aussi du rap. Bienveillant, Aladin a écouté son morceau, et l’a encouragé à tout donner pour sa passion. «Peut-être que dans dix ans, c’est toi qui me donnera de la force», a-t-il plaisanté. Ou peut-être que dans dix ans, c’est Aladin qui sera au sommet de la pyramide, et Phantom aura servi de pierre fondatrice.
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