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Interviews

On a parlé Kery James, films et création musicale avec Simony

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Pour la sortie de son second EP, Donny Darko, Simony, nous a donné rendez-vous chez lui pour parler musique, films et influences.
© Axel Agosta

Pour la sortie de son second EP, Donny Darko, Simony, nous a donnés rendez-vous chez lui pour parler musique, films et influences.

Simony, dans le civil, ça donne Antoine, rappeur aux origines corses. À tout juste 23 ans, il vient d’envoyer son second EP, Donny Darko, au début du mois. Il avait commencé à faire parler lui avec des séries de freestyles pour 1Minute2Rap : en mai 2019, il sort ait deux de ses freestyles sur Instagram, comptant plus de 500 000 vues cumulées. Depuis, Simony est passé dans la cour des grands et a su se professionnaliser, notamment en signant chez Wagram. Partons à sa découverte.

Simony, tu as sorti ton premier EP, Simony en Avril. Parle nous-en.

C’est particulier, parce qu’à la base ce n’était pas censé être un EP. Ce sont des sons qu’on avait sortis en premier lieu par le biais d’1Minute2Rap avec des freestyles. Après, on les a mis en format plus long, en mode indépendant. À cette époque, on n’avait pas encore de signature, du coup on avait pleins de morceaux. On en a sorti deux par le biais des freestyles, parce que les gens les avaient demandé, puis deux autres,  « Fight Club » et « Birdman », qu’on voulait sortir pour être dans la continuité. On a construit une sorte de quadriptyque avec un univers cinématographique.

Tu évoques justement l’aspect cinématographique de Simony : trois des quatre titres sont tirés du monde audiovisuel. C’était toujours une volonté de mettre en avant des films, ton inspiration  ?

Carrément ! Surtout les thrillers psychologiques, c’est quand même ça qui me mindfuck bien. Tous les films que j’ai cités c’est forcément des films qui m’ont influencés : ma façon de voir la vie, les questionnements que j’ai pu me poser ! Dans tous les cas, je ne pense pas être capable d’être scénariste, de créer. Je n’ai pas la même vision de l’image et tout. Par contre, c’est quelque chose qui m’inspire, qui me nourrit, donc forcément, la seule manière dont je peux le retranscrire, c’est avec des mots, donner l’atmosphère des films qui m’ont marqué, avec la musique.

Tu travailles avec « Who are the Rabbits ». Ce sont des producteurs avec des instrus très fortes et riches, limite les prods se suffisent à elles-mêmes en tant que morceau. Tu trouves ça plus difficile pour poser dessus, ou au contraire elles te guident avec leur puissance ?

C’est super intéressant. C’est vraiment intéressant comme question parce que je ne me la suis pas trop posée et je pense qu’il vaut mieux pas trop que je la pose *rires*. Mais je sais que c’est eux qui ont cette volonté là, que ce soit super riche, que les instrus soient ultra référencées. On va prendre des sons, parfois de films, une respiration d’alien, par exemple. Ça va servir de basse, on va apporter des nuances, des fréquences particulières qui vont soigner. On a un petit peu étudié ça, la capacité médicinale que peuvent avoir les fréquences musicales. Moi ce que je vais amener aussi, c’est un tout autre univers, une autre richesse, mais en vrai ça me porte plus qu’autre chose. Dans la vie j’écoute plutôt du boom bap, du old school à la race, c’est c’est ça qui m’a plu dans le rap, et c’est comme ça que j’ai commencé à écrire, sur des instrus de Kery [James].

Ce type de collab ne t’empêche pas de changer d’univers. Sur « Étincelle », par exemple, tu poses sur une instru beaucoup plus rock.

Sincèrement, on ne va pas se limiter. On réfléchit pas à quelle couleur va avoir l’EP, même l’album qu’on est en train de faire. On ne réfléchit pas à tout ça : on fait. Si on a tous une inspiration, parce qu’on a tous écouté Kid Cudi avant, et ce qui va en ressortir c’est une vibe avec des synthés et des kick snare à l’ancienne, forcement ça va faire rock, garage, mais on ne s’est pas posé la question en fait. On l’a fait parce que ça nous plaisait et parce qu’on était dans cette dynamique.

Tu as parlé de Kery James toute à l’heure, tu cites également Idéal J et NTM dans tes influences.

Ouais, Dany Dan, Les sages po’, toute la vibe. Alpha Wann aussi, je m’inspire de lui. Pas tant dans son univers, mais dans sa technicité et ses placements, même si lui-même s’inspirait des sages po’. Quand je me suis pris Alpha Wann dans la gueule, à l’époque d’Alph Lauren, il posait sur de la trap, mais avec une écriture et des placements boom-bap. Ça lui a permis de franchir un grand cap et de créer vraiment sa patte. J’écoutais moins avant, à l’époque d’1995. C’est quand il a franchi ce step là que je m’y suis mis. En fait, il fait exactement la même chose que les anciens. Ma sensibilité, ça va être le placement, sa technicité. Forcément, tu ne peux que t’inspirer de ça.

Tu as aussi ce côté dénonciateur. Est-ce que c’est quelque chose que tu veux continuer à faire ? 

Grave. J’ai commencé le rap comme pas mal de p’tits gars qui écoutent du Kery James, qui ont envie de s’y mettre. Mais bon après, on ne connait pas la réalité de la chose. Donc là je m’y suis confronté et je pense que pour commencer, il faut parler un petit peu de soi, pour comprendre l’origine de ce : « Pourquoi on peut dire des choses ?« . Il y a des gens qui arrivent, qui disent « on est expert, on est expert« , mais expert de quoi ? Je ne me place pas comme quelqu’un qui peut donner son avis sur tout, tout de suite, parce que je ne suis personne et je n’ai rien vu.

Plus j’avance, plus je me rends compte que je ne sais rien du tout, et on sait rien. Etre moralisateur et prêcher la bienséance, la bonne morale, les bonnes valeurs, ça me parle, mais je me rends compte que ça peut plus énerver qu’autre chose. Les choses dont je suis sûr, sur lesquelles il faut agir, j’ai très envie d’en parler. On est tous dans le même endroit, dans la même barque, tous soudés par une seule et même chose, qui est notre énergie. Si tu fais du mal à quelqu’un – c’est ma philosophie et c’est celle de pas mal d’autres gens – si tu fais du mal, tu vas le payer.

Comme du Karma ?

Ouais, je pense très fortement que le karma existe, et clairement, il te met des bonnes gifles. Souvent il t’en met, mais pas de la manière dont tu penses la recevoir. Je ne pense pas que ce soit quelqu’un d’autre qui vienne te gifler, parfois c’est juste ta conscience et toi qui te le prennent dans la gueule.

Tu disais tout à l’heure que plus tu avances, plus tu te rends compte que tu ne sais rien. Tu cites notamment Racine et D’Artagnan, ça t’aide à comprendre le monde, la lecture ?

En vrai c’est de la branlette *rires*.

Ah. 

Non en vrai je ne suis pas un passionné de littérature, loin de là. Par contre, il y a des livres qui m’ont marqué et pouvoir les intégrer et y faire référence, c’est cool. C’est comme pour les films, tous les types d’art m’ont inspiré. Quand tu vois quelque chose, directement tu vois plus grand. On a tous la même essence donc tout art naît d’une quête de quelque chose, de découverte de soi, du monde, de l’univers, et ainsi de suite. Ça part de là et chacun va avoir ses langages et son univers pour en parler et l’explorer.

En l’occurence Phèdre j’en ai parlé, parce que je l’ai lu au lycée, mais c’est surtout le jeu de mots. J’aimais bien ce rapport charnel et passionné qu’il pouvait y avoir, ça faisait écho à pleins de choses. Il y a le jeu de mots avec les racines aussi. C’est ça que j’aime bien. Décomposer les choses, prendre une information, la mixer avec une autre, essayer de la connecter d’une manière super particulière. C’est ça que j’aime. C’est là-dessus qu’on va faire : « Ah ouais c’est là dessus qu’il a fait ce lien, cette connexion » et c’est ça qui me plait dans l’écriture, c’est prendre des choses qui n’ont pas trop de rapport entre elles.

Tu dis : « Dans mon disque dur, j’ai un disque en platine, peur du succès même si j’te l’ai pas dit« ,  t’as si peur du succès que ça ?

Ouais, ça fait flipper. Il y a des gens qui peuvent le fantasmer, en tout cas, ce n’est pas du tout mon cas. Je comprends les gens qui peuvent le fantasmer, surtout ceux qui ont vécu dans l’ombre un peu toute leur vie et qui voient ces gens qui percent à droite et à gauche. On est dans cette génération où on a envie de la fame. Déjà tout le monde veut percer, même parfois pour rien, ils savent même pas pourquoi. Il y en a qui font un meme et c’est tout. Certains méritent de percer, d’autres non. Quand tu veux faire du buzz, c’est bien, mais je ne comprends pas ta motivation. Ou alors, c’est dans ton essence, t’as besoin d’être dans la lumière. Moi, franchement, ça ne me parle pas trop. Je découvre. Je viens de signer en maison de disque et ça a beaucoup d’avantages, avec une structure dans le milieu dans lequel tu évolues. Ils me donnent des bons conseils, ça permet de faire des beaux clips.

Simony, succès

C’est comment, par rapport l’indépendance ?

Il y a énormément d’avantages à être signé. En plus chez Wagram et Troisième bureau, c’est pas une maison de disque « usine » comme j’ai pu le voir à droite et à gauche. Je ne citerai pas de noms, mais si tu écoutes Népal qui dit : « Si tu vas au stud comme à l’usine, Babylone a gagné« , c’est ça en vrai. Là bas, il n’y a pas de satisfaction. Sauf si ta motivation c’est de faire du fric.

« Moi je voulais rentrer dans le rap par les voies que les blancs prenaient : Faire du Nekfeu, rimes à l’excès, complexe, complexe est le lexique« . T’essaies de t’en détacher de ça, ou tu le gardes ?

Je le garde, mais je pense qu’il faut l’utiliser à bon escient. D’ailleurs, quand je le dis, je le dis vite exprès. C’est aussi cette image là que je faisais. C’est vrai qu’à l’époque où je l’écris, Lomepal venait de peter, Romeo Élvis sortait du lot, Nekfeu qui allait sortir Les étoiles vagabondes. On était pas mal de jeunes blancs à se sentir un peu pousser des ailes. Forcément, quand t’es dans un paysage rap où t’as des mecs de tess qui pètent et tout, c’est difficile de s’identifier. C’est juste humain, même au niveau social : que tu sois de tess, ou de classe moyenne, il y a des gens qui vont plus te parler.

Comment tu rattaches tes influences à ça ?

Les gars que j’écoutais, j’arrivais à me reconnaitre dans leur texte. Ideal J, Kery, NTM, IAM et Dany Dan, ils parlaient de choses très universelles. Ils ne parlaient pas de sortir du ghetto pour faire du biff, ils ne parlaient pas de ça. Ils parlaient de choses très universelles qui m’ont touché, donc je m’identifie à eux. Mais aujourd’hui, même s’il y a quelques sons où tu peux te reconnaître chez les gars de tess, globalement les sons mainstream qui pètent, c’est des choses où moi je ne me reconnais absolument pas dedans. Ce n’est pas ma vie, et je pense que pleins de blancs ne se reconnaissent pas dedans. Ou alors ils le fantasment. Même, il y a pleins de gens qui veulent devenir des kaï-ra. Ils veulent se mettre à dealer : c’est quoi votre délire ? C’est ça un message pour la jeunesse ? Non, je ne pense pas.

Donny Darko, Simony. 

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