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Marie Plassard, la divine Romantique
Ensorcelante et poétique, Marie Plassard a ouvert les huit premières pages de son recueil avec Spleen, une épopée au coeur de ses émotions regorgeant d’inspirations.
«Beaucoup trop loin pour faire demi-tour», prévient Marie Plassard, dès la première phrase de son projet. Avec Spleen, la jeune chanteuse entame sa discographie avec une première pièce de huit tableaux cohérente, dans laquelle elle traverse un univers romantique. « Romantique », dans le sens littéraire, où ses morceaux s’enveloppent d’une poésie baudelairienne, teintée de fragments amoureux dispersés ici et là. Parfois tragiques, parfois mélancoliques, parfois euphoriques, mais toujours profonds et sincères. Marie Plassard, qui plonge dans l’industrie musicale après l’avoir longuement caressée, s’emploie à exhiber un style hybride, cousu de multiples influences.
Car là où sa discographie personnelle prend source en 2020, avec la sortie de « Ivre », Marie Plassard tutoie depuis plusieurs années et avec discrétion une sphère musicale où s’entremêlent Mac Tyer, Britney Spears et Metronomy. Sur YouTube, on retrouve quelques vestiges de ces covers artisanaux. «J’ai commencé quand j’avais 14, 15 ans, se souvient-elle. J’avais posté des reprises que je faisais dans ma chambre de pleins de trucs différents : Mac Tyer, Doc Gynéco, Kid Cudi, etc. Je faisais mon petit bricolage : j’avais mis un micro, je savais à peine m’en servir et j’avais posté ça sur YouTube.» Des vidéos qui cumulent, désormais, plusieurs millions de vues et qui lui permettent d’attirer l’oeil de producteurs et de maisons de disque qui perçoivent son talent polyvalent et inspiré.
De « No Love » à Spleen
Parmi eux, Oumar Samaké, qui la prend sous son aile au sein de sa structure SPKTAQLR. S’y chevauchent plusieurs artistes, notamment de la scène rap : Dosseh, Lacrim ou encore Dinos. C’est avec ce dernier que sa notoriété va exploser, sur le morceau « No Love », publié dans Taciturne, en 2019. «Le titre a été construit de manière très spontanée, en 30 minutes au studio. Il y avait une fluidité évidente», raconte-t-elle. Le titre devient l’un des plus streamé de l’opus et permet de mettre un visage et une identité sur sa voix. «Ça a été un tremplin pour moi», sourit la chanteuse qui va enchaîner quelques semaines plus tard avec son morceau « Ivre », où elle est désormais en solo, toutefois toujours avec Dinos pour l’épauler à l’écriture.
C’est d’ailleurs avec lui qu’elle part sur la tournée de Taciturne, rapidement écourtée, Covid-19 oblige. Elle effectue ses premières parties et participe également à quelques épisodes médiatiques, à l’image d’un passage dans les studios de Planète Rap. Le public découvre alors sa voix enivrante, qui recouvre une personnalité timide qu’elle se refuse de dissimuler. «Ma timidité est paradoxale, parce qu’elle peut être paralysante, comme je peux en faire ma force. J’essaye surtout de l’assumer et de ne pas la cacher». Une détermination inspirante, qui lui permet de tisser sa communauté au rythme d’extraits publiés sur les réseaux sociaux et d’hypnotisantes performances acoustiques.
Marie Plassard : «Je trouve ce projet très mélancolique»
Cette notoriété construite, il ne restait plus qu’un projet pour convertir son potentiel musical. Vient alors Spleen et ses huit morceaux, qui permettent de capter l’univers qu’elle souhaite dépeindre dans cette première oeuvre de sa discographie. L’EP est une alchimie cohérente de ses différentes influences La pop, le hip-hop, mais également la variété, manipulés au coeur de titres toujours personnels. «Je n’ai pas voulu trancher : je ne fais pas que de la pop, que de la variété, je ne fais pas du rap non plus. Je n’ai pas essayé de choisir, c’était évidemment pour moi de mélanger ces influences là.»
De cet univers pluriel découle une ballade amoureuse entre peines et volupté. Une définition moderne du Spleen. «C’est la définition de la mélancolie, explique Marie Plassard, et je trouve ce projet très mélancolique.» On se laisse transporter au rythme de ses émotions, de la tendre confidence de « Itinéraire d’une larme », de la poésie crue et séduisante de « Bah ouais » aux doutes langoureux de « L’Odyssée ». On aperçoit des teintes acoustiques, parfois électroniques ; des interprétations lumineuses et envolées, d’autres fois saccadées, presque rappées. Ce voyage musical au coeur de son intimité, qu’on découvre entre force et vulnérabilité, permet de comprendre plus profondément ses ambitions assumées et touchantes. Une personnalité complexe, que Spleen ne semble qu’effleurer et qui promet une suite de l’Odyssée d’autant plus captivante et épique.
Marie Plassard, Spleen. SPKTAQLR.