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Green Montana: «J’ai une vision où, si je passe, je peux changer le monde»

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Rencontre avec Green Montana pour la sortie son nouvel EP, MELANCHOLIA 999. Un artiste sûr de lui, qui compte bien imposer, à travers son originalité, son identité musicale.

Rangez les bonnets, écharpes, et autres habits d’hiver auxquels il nous avait habitué sur ALASKA. Pour ce nouvel EP, Green Montana a décidé de ramener de la lumière et de la chaleur dans son univers jusqu’alors glacial et planant. Le tout sur un projet court et efficace, qui lui permet de consolider des débuts plus que prometteurs avant la suite. Fidèle au bateau pirate du 92i, Green nous en dit un peu plus sur son univers, ses idées, son rapport au rap français, et son envie de changer le monde.

Salut Green ! Tu t’apprêtes à sortir un nouvel EP, moins d’un an après la sortie d’ALASKA. Quel bilan tu fais de ce premier album ?

Ecoute je suis content, je trouve que ça a été bien reçu. J’ai eu beaucoup de bons retours, donc c’est super et maintenant let’s go pour la suite.

Est-ce que t’as eu des surprises sur certains morceaux qui ont marché alors que tu t’y attendais pas, et inversement ?

Ouais, « PALM ANGELS » a bien streamé, j’étais assez surpris de ça et très content parce que c’est un morceau que j’aime beaucoup personnellement mais que je trouve un peu spé. Et finalement le public l’a kiffé donc j’en suis super content. C’est pareil pour « J’ROULE », qui a été bien compris. Et à l’inverse, je m’attendais à ce qu’un morceau comme « MEDAILLE » fonctionne mieux, alors que finalement ça a été je pense un des sons les moins compris. Donc pleins de surprises, c’est intéressant.

Justement, à quel point les retours de ton public t’influencent quand tu fais ta musique ? T’y penses ou pas plus que ça ?

Non, quand je fais ma musique je ne pense qu’à moi. Après quand on va chercher un single, on va volontairement aller prendre une prod un peu plus ouverte. Mais sinon je ne pas trop influencé par les retours du public sur mes choix. C’est peut-être un peu égoïste, mais ça doit me parler à moi et mon équipe avant tout.

Et donc sur les sons qui ont moins bien été compris comme « MEDAILLE », ça t’a pas découragé d’en refaire dans le futur ?

Vraiment pas ! Je vais même forcer jusqu’à ce que les gens comprennent. Si ça me parle, ça finira par leur parler je pense.

Est-ce que l’expérience du premier album a changé quelque chose dans la manière de travailler au studio ?

Oui, je travaille différemment depuis l’album. Grâce au confinement, j’ai eu le temps de tester des trucs nouveaux. La plus grosse différence, c’est que je n’écris plus. Maintenant je travaille directement devant le micro et je fais tout mon son.

On va passer sur l’EP maintenant. Déjà pourquoi ce titre, MELANCHOLIA 999 ?

« 999 » c’est une référence à un animé à l’ancienne qui s’appelle Galaxy Express 999, que je regardais beaucoup quand j’étais petit. Et la mélancolie, c’est un peu le cœur de ma musique.

C’est intéressant parce que même si le thème est autour de la mélancolie, il y a une ambiance générale beaucoup plus chaude et ensoleillée que sur ALASKA.

Oui de ouf ! C’est aussi plus petit et plus condensé. Après, c’est une autre forme de mélancolie, plus lumineuse, positive. Là, je suis dans un mood différent avec l’élan de la sortie d’ALASKA, je suis en train de monter un peu. J’ai envie de quelque chose de plus lumineux, même si j’ai toujours cette mélancolie dans ce que je raconte.

Aucune description disponible.Crédits: @denisepeiffer

Chez beaucoup d’artistes, dont toi, le premier album était très important et conceptualisé depuis plusieurs années. Est-ce que c’était difficile d’enchaîner sur un nouveau projet ?

Non, parce que je fais de la musique tous les jours, donc j’avais déjà MELANCHOLIA avant qu’ALASKA ne sorte, et j’ai profité du confinement pour retravailler tous les morceaux. Parce que j’ai un problème avec les morceaux qui vieillissent. J’aime bien sortir les choses dans la foulée sans trop laisser de temps passer.

D’accord, donc j’imagine que depuis que t’as fini MELANCHOLIA, t’as dû faire encore beaucoup de sons.

Ouais j’ai des sons en pagaille !

Et est-ce que t’as beaucoup de sons que tu commences et que tu termines pas ?

Ouais j’ai beaucoup de sons comme ça, mais j’essaie de plus trop le faire ! Je faisais ça quand j’écrivais encore. Et un moment donné j’étais bloqué, c’était difficile de revenir dessus et finalement tu passes sur autre chose. Donc maintenant j’essaie de faire les morceaux de A à Z, mais ça m’arrive encore de trouver un refrain, et si ça vient pas je me dis que je chercherais le reste plus tard.

Le choix de revenir avec un format plus court, c’est aussi la volonté de rester dans l’actualité en restant assez libre et sans se prendre trop la tête sur le format album ?

Exactement ! Parce que le format album engage à pleins de trucs, d’autres pressions, d’autres types de promo etc. Donc je ne voulais pas réenchaîner directement sur ça, mais proposer un petit format qui se digère facilement, plus cool et plus précis dans ce que je veux proposer. On le sort tranquillement, comme on en a envie sans se prendre trop la tête.

T’as sorti en single le morceau « EVIDEMMENT » en feat avec SDM. Je trouve qu’il représente bien l’atmosphère de MELANCHOLIA. Il était attendu ce morceau, c’est le premier que vous avez fait tous les deux ?

Ouais, c’est le plus lumineux du projet, le plus ouvert. Et ouais, premier morceau. J’ai l’impression que lui et moi, chaque morceau qu’on va faire, ça va être dans le mile direct. Parce qu’il est très fort musicalement, il sait ce qu’il veut, il a des mélodies de fou. T’as juste à suivre le gars en fait. On s’est direct mis d’accord dès qu’on a entendu la boucle de guitare. Je suis parti chercher un snack, je suis revenu il avait trouvé la topline, il m’a dit « ouais t’es chaud de rentrer sur le refrain ». Il est vraiment très chaud.

Sur ce morceau justement, on retrouve Seezy et Dany Synthé à la prod. Seezy, c’est un mec avec qui tu savais que tu voulais bosser ?

Non, même pas particulièrement. On s’est rencontrés au studio, on avait une session avec Dany et il était là, donc ils ont prod ensemble. Je ne le connaissais pas et j’ai été agréablement surpris. Après je me suis renseigné sur d’autres choses qu’il avait pu faire et j’ai kiffé ! Et après, j’ai travaillé avec pleins d’autres beatmakers, des anciens comme des nouveaux. Il y a par exemple un youtubeur qui s’appelle Pale 1080, dont j’avais déjà vu des instrus passer il y a longtemps. Donc quand un jour il m’a écrit sur les réseaux, je lui ai dit « Ah mais je te connais ».

Et puis il y a toi aussi !

Ouais, j’ai aussi deux prods. J’ai fait les prods de « NOUVEAU MONDE » et « MAGIC CITY » avec mon gars Lamsi qui a reprod avec moi. Mais je veux pas non plus insister sur le fait que je produis parce que je suis pas beatmaker, c’est pas encore assez carré je trouve pour pouvoir dire ça.

Il y a deux sons drill dans les rythmiques que t’utilises, qui apportent ce côté soleil et chaleur. Tu t’étais déjà essayé à de la drill avant de bosser ce projet ?

J’avais déjà fait des drill avant mais je voulais pas trop les sortir parce que la drill c’est tout un bail, normalement c’est pas pour tout le monde. Mais maintenant que ça s’est popularisé, c’est une rythmique qui fait directement bouger et ça y est tout le monde fait sa drill donc en vrai ça serait bête de pas l’utiliser maintenant qu’on est en plein dedans. Mais à la base tu peux pas faire ça, tu vois. La drill, c’est tu parles de vraies choses, tu peux pas driller tout et n’importe quoi.

Oui mais après dans la manière dont elle est utilisée, si c’est pas fait vulgairement, on sort des éléments de prods drill pour apporter quelque chose à des morceaux qui ne sont pas forcément drill de base.

Ouais c’est ça, mais au début j’avais un peu un problème avec ça. C’est un truc réel, il y a des drilleurs qui peuvent mourir tous les jours et ils racontent ça au studio. Après oui, on peut prendre des sonorités de tout, c’est un cocktail. Tu vois, il y a des sonorités congolaises sur de la drill. Maintenant que c’est commercialisé, c’est un nouveau style, mais j’appelle plus ça de la drill moi. Même si les gens vont reconnaître certains éléments de prod drill et ils vont se dire « ah j’écoute de la drill ». Bah nan (rires). Mais à l’époque d’ALASKA je m’étais dit que jamais je me lancerais sur de la drill. Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis.

Sur MELANCHOLIA, comme sur ALASKA d’ailleurs, les morceaux sont assez courts. C’est aussi le cas dans les sons que t’écoutes ?

Si je te montre dans ma bibliothèque, tu vas voir il n’y a aucun son qui fait plus de 3 minutes. Des morceaux de 4 minutes, j’arrive pas à écouter, c’est trop long. On est obligés de changer un peu les formats de morceaux, sinon c’est toujours la même chose. Et tu verras, une fois que les gens seront d’accord avec ça, que j’aurais bien poussé ce truc-là, on ne va pas me donner mes crédits. Tu vas voir, tout le monde va faire des sons courts et personne dira que j’étais dans les premiers à le faire. Mais bref, une fois que ce sera bien implanté, paf on va surprendre les gens avec un son de 4 minutes.

Mais je trouve ça super cool d’arriver avec un format de morceau un peu différent, un peu comme XXXTentacion a pu faire dans ce qu’il a proposé ces dernières années.

Tu vois ! C’est lui qui a ouvert un peu ça d’arriver avec des morceaux courts. Après, je peux aussi faire des morceaux plus longs. Juste là, je suis nouveau, je veux me montrer sous ce format-là: court, avec du repeat, ça doit se jouer en boucle. Peut-être qu’au bout de la dixième écoute tu vas comprendre un mot que t’avais pas entendu. J’ai ça avec les sons américains que j’écoute, la première écoute je comprends rien. Et dixième écoute t’arrives à chanter le refrain tu vois. Et il y a encore pleins de gens qui sont dans les formats plus classiques. Mais vraiment dans la nouvelle vague chez les américains, il y en a pleins c’est : t’arrives, refrain-couplet-refrain ciao !

C’est qui les mecs que t’écoutes ?

Je dis pas ! Je me la bute mais je dis pas, je veux pas qu’on me copie (rires). Une fois qu’on sera installés, je dirais toutes mes références, mais là on va me voler tu vois.

C’est marrant t’as l’air super méfiant par rapport au rap game.

Ouais, parce que j’ai l’impression que je suis un gars avec des idées, et ça c’est la base de tout.

Après, là où je te suis, c’est qu’aujourd’hui il y a beaucoup de gens qui font des choses qui se ressemblent parce que ça marche. Et c’est bien d’avoir des artistes qui arrivent avec leur univers et leur proposition, quitte à ce que ça mette plus de temps à prendre.

Ouais c’est ça. Et une fois que ça sera en place et que les gens se seront rendus compte, ça bougera plus. Le rap français, parfois je le comprends pas. Et on dirait que ça ne changera jamais. Donc c’est pour ça qu’il faut arriver avec des concepts. On va me dire que je suis fou au début, et puis petit à petit ça va prendre.

T’écoutes quand même du rap français ?

J’écoute que Booba, SDM et Hamza, mais bon il est un peu américain dans son délire. Sinon, non, j’écoute rien d’autre.

Et malgré ça, t’as quand même l’esprit de compétition dans le rap français ?

A mort ! Moi, c’est que la gagne, ça vient pour éteindre ! J’ai jamais caché que je voulais réussir, être le meilleur, donc on bosse pour ça. C’est un sport. Fair play et bon enfant, certes, mais ça reste de la compétition.

Crédits: @denisepeiffer

Un de mes morceaux préférés, c’est « NOUVEAU MONDE », que t’as produit. J’ai été surpris par la structure de la prod, avec une grosse basse qui arrive et puis une petite mélodie assez douce. J’ai trouvé ça très réussi !

Ouais, mais c’est ça, il faut faire des prises de risques en fait ! Tout part de la prise de risque dans la musique et les gens aujourd’hui ils ne prennent plus de risques. Soit tu fais du Jul, soit tu rappes comme Ninho, soit tu fais de la zumba. Les chemins sont très clairs et ce serait bien de créer un autre petit chemin. Il y en a qui le font: un mec comme Hamza il essaie d’ouvrir des trucs, mais c’est dur et il faut du temps. Et si c’est pas nous qui profiterons de ça, ce sera peut-être la génération d’après tu vois. Après, c’est une course de fond, et il y en qui vont s’endormir avant d’autres. Et là, je viens d’ouvrir une structure qui s’appelle Nouveau Monde Riche. J’ai une vision où, si je passe, je peux changer le monde. Si on nous laisse, on peut faire des dingueries (rires).

L’esthétique de tes clips est très travaillée depuis ALASKA. A quel point t’interviens dans le côté visuel de ta musique ?

Sur ALASKA, pour tous les clips, c’étaient les réalisateurs qui faisaient des propositions, avec des images du son en tête, puis on adaptait en fonction de nos idées. Maintenant, on envoie les idées précises avec des références au réalisateur, qui doit s’en rapprocher un maximum. Donc là je suis beaucoup plus impliqué dans le visuel qu’avant. Avec des détails, mais qui pour moi changent tout.

C’est quoi pour toi le meilleur moment de la journée pour écouter MELANCHOLIA 999 ?

La nuit, s’il n’y a personne sur la route, avec juste les lumières qui éclairent. Tu vas te concentrer et penser à des trucs intimes. Je ne pas un lyriciste du tout mais il y a parfois un petit mot sur lequel tu peux bugger, des petits détails.

Tu vas essayer de faire une tournée quand ça sera possible ?

Une fois que ça réouvre, on est sur scène fort ! Je pense que ça va être un truc qui va encore me faire réaliser des choses. J’ai besoin d’être connecté avec mon public, se retrouver avec des gens qui t’aiment et qui chantent tes morceaux.

T’as déjà fait de la scène avant ?

Un tout petit peu, mais ALASKA n’était pas encore sorti. Donc je ne connais pas pour l’instant et j’aime pas trop avoir tous les regards portés sur moi, tu vois. Enfin, c’est un truc que je gère pas encore mais que je sais que je vais kiffer un moment donné.

Sur chacun de tes projets, t’as mis une couleur en avant: on a eu bleu, orange, gris, et là rose. Tu sais déjà vers quelle couleur tu vas aller après ?

Ouais, je ne dis pas trop, mais là j’évolue plutôt vers le violet. Un délire un peu psychédélique, j’aime bien. Déjà la cover de MELANCHOLIA c’est ma meilleure cover, j’espère que je ferais encore mieux sur la prochaine. Je trouve que c’est la meilleure cover du rap français (rires). Après, il n’y aura pas de vert, parce que Green ça fait trop évident. C’est toujours des concepts qu’on essaie de pousser un maximum sur chaque sortie.

Tu disais que t’es pas un grand lyriciste, et que c’est essentiellement la vibe qui caractérise ta musique. Est-ce que t’as prévu dans les prochains albums de te dévoiler un peu plus dans tes textes ?

Ouais, mais j’ai besoin de plus d’amour ! J’en reçois déjà beaucoup, mais pour me confier j’ai besoin que limite on me supplie pour que j’explique tout le mystère derrière Green. J’aime très peu aller en profondeur sur moi, même en interview par exemple, j’aime pas trop les questions personnelles tu vois. Et c’est pareil dans ma musique, même si paradoxalement je parle que de choses que je vis et qui me touchent.

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