Musique
Les meilleurs albums Rap US de l’année 2016
Une nouvelle année est sur le point de s’achever. Une année riche en sorties pour les fans de Rap US. Quels sont les albums qui ont marqué 2016 ? L’heure est au verdict.
Il s’en est passé des choses cette année aux Etats-Unis ! L’élection choc de Donald Trump certes, mais surtout, une cuvée fantastique en matière de hip-hop. Des confirmations, des consécrations, sans oublier son lot de surprises avec en tête, le retour inattendu d’A Tribe Tribe Called Quest, groupe mythique qui s’est malheureusement vu endeuillé par la perte de l’un de ses membres. Mais 2016, c’est surtout la suite d’un processus déjà entamé l’année passée : celui de l’effacement progressif des frontières de tout un genre. C’est un fait, le hip-hop n’a jamais été aussi varié et créatif. Beaucoup d’artistes ont choisi l’audace en proposant de nouvelles expériences musicales. Parlons peu, parlons bien, retrouvez ci-après notre classement non-exhaustif, des projets qu’il ne fallait pas manquer ces douze derniers mois.
Vince Staples – Prima Donna
Durant cette année 2016 riche en pépites musicales, Vince Staples nous a sorti Prima Donna, un petit EP de 7 titres. Le projet est concis et sans détour : deux featurings seulement (et encore, si on compte l’apparition de A$AP Rocky) pour des titres percutants, avec quelques interludes de transition. Ce projet montre avec brio la maturité acquise par le rappeur de Long Beach au fil des années : le flow est très bien maîtrisé, les instrus sont de qualité et assument leurs influences rock/électro. Les différentes chansons montrent d’ailleurs une grande diversité par rapport à ce que Vince avait pu nous montrer auparavant, aucun titre ne ressemblant à l’autre. Une énergie incontestable se dégage de cet album qui ne laisse que peu de moments pour se reposer, et c’était certainement là l’intention du jeune rappeur : un EP punchy, avec une production très bien assurée, une trame scénaristique pour lier les morceaux et une progression par rapport à ses projets antérieurs. On notera également la présence d’un court-métrage de 20 minutes accompagnant l’album, preuve que Vince Staples souhaite étendre sa créativité et son art. Si ce projet musical est incontestablement très court, il est principalement annonciateur d’un retour du rappeur en grande forme pour l’année prochaine.
Common – Black America Again
C’est très souvent dans une discrétion injustifiée que Common dévoile ses projets. Son dernier opus ne fait pas exception à la règle. Black America Again, dévoilé le 4 novembre, est le onzième album studio du rappeur de Chicago. L’an dernier, le MC s’est vu récompensé d’un Oscar pour son titre « Glory » avec John Legend, devenant ainsi le second rappeur solo après Eminem à remporter la précieuse statuette. C’est dans cette dynamique de combat pour la justice que ce disque a vu le jour. Black America Again est un hymne à la musique noire, et aborde des sujets sensibles : les violences policières, les incarcérations de masse, et le racisme en général. De la même manière que Kendrick Lamar avec To Pimp A Butterfly ou Beyoncé avec Lemonade, Common se veut porte parole de la communauté Afro-Américaine, lui qui est un artiste très engagé dans la cause Black Lives Matter. Les invités prestigieux ne font que confirmer cette pensée : Bilal, Stevie Wonder, John Legend, Marsha Ambrosius ou BJ The Chicago Kid pour ne citer qu’eux sont venus apporter leurs univers respectifs qui se mélangent parfaitement à celui de Common. L’album presque entièrement produit par Karriem Riggins, un artiste aux multiples facettes (batteur de Jazz, producteur, DJ et rappeur), se veut d’une rare richesse au niveau des sonorités, en proposant des influences Jazz, Soul et Gospel. A noter que l’opus est accompagné d’un magnifique court-métrage de 21 minutes à retrouver ici.
YG – Still Brazy
L’album pur West Coast de l’année, c’est bien lui ! Après avoir marqué l’année 2014 avec My Krazy Life, YG est revenu en 2016 avec Still Brazy. Ce projet se veut beaucoup plus construit que le précédent, et ramène au goût du jour la bonne vieille G-Funk de l’époque Chronic avec Dre et Snoop. Même si les influences Trap sont toujours là, elles ont laissé beaucoup plus de place aux sonorités West Coast qui fera des nostalgiques des auditeurs conquis. Le thème le plus récurent reste « Gangsta », YG expliquant que malgré le succès, il reste un Gangster, même si le projet a une petite touche engagée avec un morceau des plus provocateurs : « FDT », comprenez « Fuck Donald Trump ». Dévoilé en mars, la chanson a dû être modifiée dans la version finale de l’opus, suite à des plaintes du Gouvernement. Rien que ça. La cohésion impressionnante de Still Brazy semble importante à noter, puisque tous les morceaux s’enchaînent avec une relative facilité, formant un tout uniforme. Pour retourner aux fondamentaux du G-Funk, YG a délaissé son partenaire de toujours DJ Mustard pour faire appel à DJ Swish, à P-Lo du Heartbreak Gang, Ty Dolla Sign ou encore Terrace Martin, réputé pour ses nombreuses collaborations avec tous les membres de TDE ces dernières années.
Kid Cudi – Passion, Pain & Demon Slayin’
Pour la dernière grosse sortie de cette année, Kid Cudi a frappé fort. Attendu au tournant après l’échec critique et commercial de Speedin’ Bullet 2 Heaven, son précédent opus, Passion, Pain & Demon Slayin’ sonne délicieusement comme la renaissance d’un majestueux phénix. Sur cet album, l’artiste de Cleveland exorcise ses démons grâce à sa musique. Un univers à la fois fantaisiste et singulier dans lequel il relate sans tabou, tous ses états d’âme. Ainsi, il dresse sur ce sixième album son portrait, celui d’un artiste aux multiples facettes. S’il est simple, honnête, torturé, en recherche de plénitude, Kid Cudi est avant tout authentique. Musicalement sans faute, Passion, Pain & Demon Slayin’ se démarque par ses productions soignées, à la foi ténébreuses et chatoyantes, à l’image d’un artiste tiraillé entre l’ombre et la lumière. Mais comment parler de cet album sans en évoquer les featuring ? Pour ne citer qu’eux, Pharrell Williams prouve encore une fois toute l’étendue de son génie en signant le hit « Surfin' »et Andre 3000 vient conclure en beauté une année riche en apparitions. Cela peut sembler invraisemblable de dire ça, mais sans son internement et sa dépression, Kid Cudi n’aurait sans doute jamais concocté un tel chef d’oeuvre.
ScHoolboy Q – Blank Face LP
Après le bon Oxymoron en 2014 qui a fait connaître ScHoolboy Q à un plus ample public, le Gangster de TDE est revenu encore plus fort cette année avec Blank Face LP. Pour ce disque, nous suivons les aventures de Groovy Tony, un personnage à la Tony Montana qui baigne dans l’argent, la drogue et les femmes. Q a précisé que le concept entier de Blank Face LP a été inspiré par le membre du Wu-Tang : Ghostface Killah. Dès les premiers instants, on remarque que l’opus se veut mieux structuré que le précédent. Malgré un nombre impressionnant de producteurs (12 pour 17 titres) et même si chaque morceau arrive à se démarquer du précédent, la cohérence est toujours présente. Pour marquer le coup, ScHoolboy a dévoilé un grand nombre de singles, certains sous forme de court-métrage, notamment la sublime trilogie « By Any Means« , « Tookie Knows II » et « Black THougHts« . Les guest oscillent entre rappeurs durs (Jadakiss, Vince Staples, Tha Dogg Pound, E-40) et chanteurs (Lance Skiiiwalker, Candice Pillay, SZA, Anderson .Paak, Miguel), permettant d’avoir une large panoplie niveau ambiance des morceaux. Pas de doute, avec Blank Face LP, ScHoolboy Q confirme qu’il est le rappeur Gangsta de référence dans le Rap d’aujourd’hui.
Kanye West – The Life Of Pablo
Le 25 janvier 2016 à minuit, Kanye West tweet « Tellement content d’en avoir terminé avec le meilleur album de tous les temps » . Avec un peu de recul, on sait maintenant que Kanye a quelque peu eu la folie des grandeurs, même si son projet est réussi. TLOP, c’est aussi son lot de polémiques. D’abord une stratégie de communication douteuse, avec en tête, sa fameuse release party YEEZY SEASON 3. Souvenez-vous, Yeezy arrive au niveau des tribunes, branche son ordi à la table de mixage du Madison Square Garden, et ouvre VLC pour diffuser purement et simplement son album, même pas dans sa version finale qui plus est !. Le tout suivi par des millions de téléspectateurs. Des épisodes comme ça, on peut encore en citer quelques-uns. Le scandale autour de la sortie en physique ou non de l’album, la diffusion exclusivement sur Tidal, le clip du single « Famous » et sa célèbre punchline « I feel like me and Taylor might still have sex / Why? I made that bitch famous et on en passe. Cependant, ces épisodes d’aliénation n’enlèvent en rien la qualité du disque. S’il aura fallu plusieurs écoutes pour s’en rendre compte, les sonorités, les samples, les refrains et les productions sont extrêmement travaillés. On passe d’une émotion à l’autre à chaque piste, alors qu’il n’y a souvent aucun lien entre elles. La question, « coup de folie ou éclair de génie » revient sur toutes les lèvres quand il s’agit de Kanye. Elle est aussi légitime pour TLOP, bien que personne ne semble avoir la réponse. Sans compter que même lui ne semble pas savoir qui il est, Kanye, Yeezy, Pablo Escobar, Pablo Picasso, L’apôtre Paul ?
Kaytranada – 99.9%
Kaytranada, c’est l’exemple type qui prouve que le Hip-Hop n’a aujourd’hui plus de frontières. C’est un fait : limiter ce dernier à cette seule musique serait faire injure aux talents du beatmaker en plus de faire une grossière simplification de son univers. Louis Kevin Celestin de son vrai nom est un touche-à-tout : jazz, du funk, du R&B, de la soul, du disco et du Hip-Hop. Bref, une formule 100 % Black Music qu’il exploite avec une aisance déconcertante. C’est ce cocktail détonnant que l’on retrouve sur son premier album : 99,9%. Si quatre des quinze morceaux que comprend le projet sont des instrumentales uniquement, pour le reste, ses lignes de basse profondes, ses rythmiques de batterie rapides et son clavier se voient habillés par une flopée d’artistes de multiples horizons. En voilà une autre force de Kaytranada : il est capable de trouver l’artiste qui saura s’imbriquer parfaitement à ses mélodies enivrantes. D’une part l’artiste sublime la musique, d’autre part celle-ci fait ressortir le meilleur de l’interprète. Une réciproque infaillible pour un projet que l’on peut sans se tromper qualifier d’oeuvre d’art. 99,9% n’est pas seulement beau musicalement, un soin particulier a également été accordé à son aspect visuel. En témoigne sa cover atypique et ses clips éclatants. Si vous êtes passés à côté, Kaytranada va réchauffer votre hiver.
Anderson .Paak – Malibu
Vous avez ici la première claque musicale de 2016. Malibu de Anderson Paak arrivait dans un contexte déterminant pour l’artiste. Brandon de son vrai nom fait partie de la très créative scène Low End Theory à Los Angeles, où Flying Lotus, Nocando, Gaslamp Killer ou encore Daddy Kev ne manquent pas d’inventivité dans la création artistique. Révélé en 2015 sur Compton de Dr Dre, l’artiste aux multiples talents était attendu au tournant pour son second album. Malibu met en avant toute l’expérience que Paak a apprise lors de son premier album studio et lors de son projet collaboratif avec Knxwledge. Le projet est un voyage musical qui nous emmène tout droit en Californie, à travers des productions parfaitement réalisées par Paak lui-même, mais aussi Madlib, Kaytranada, 9th Wonder, Dem Jointz, DJ Khalil, ou encore Hi-Tek pour ne citer qu’eux. Au programme, du Rap, de la Neo-Soul, du R&B, du Funk… il y en a pour tout le monde. Malibu, c’est aussi une oeuvre autobiographique. Le chanteur/rappeur raconte sans concession sa dure jeunesse, ses ambitions et ses déceptions. Le tout dans une ambiance qui reste toujours joyeuse qui donne un sentiment de liberté, à l’image de la Californie. Côté invités, Anderson a su s’entourer au mieux. The Game, BJ The Chicago Kid, ScHoolboy Q, Rapsody, ou encore Talib Kweli sont savamment répartis sur cinq des seize titres. Malibu a réussi à maintenir la West Coast sur le devant de la scène comme l’avaient fait The Documentary 2 & 2.5, Compton et To Pimp A Butterfly l’année précédente. Ce disque vous apportera votre dose de soleil en cette fin d’année frileuse.
A Tribe Called Quest – We Got It From Here… Thank You 4 Your Service
C’est sans aucun doute la plus grosse surprise de cette année, un cadeau de noël en avance que nous a offert A Tribe Called Quest. En plus d’être un excellent album, We Got It From Here… Thank You 4 Your Service est historique. Ce projet qui sera également leur dernier, marque le retour du groupe mythique du Queens, après 18 ans d’absence. Un disque qui se verra chamboulé par le décès brutal de Phife Dawg. Fort heureusement, ce dernier était encore en vie pendant la conception du projet. C’est pourquoi, Q-Tip, Jarobi White & Ali Shaheed Muhammad, ont choisi de conserver les couplets de leur camarade, en plus de lui rendre un ultime hommage sur le morceau »Lost Somebody ». Par ailleurs, et sous couvert d’un rap / jazz dont ATCQ seul a le secret, le groupe nous livre un denier opus politique, soulèvent de nombreux sujets de sociétés. Parmi eux figurent l’intolérance de la société américaine ou encore la jeunesse et ses illusions. Côté featuring, c’est encore une fois prestigieux : on y trouve entre autres Busta Rhymes, qui nous revient au meilleur de sa forme, la présence surprenante d’Elton John, Kendrick Lamar ou encore la collaboration historique avec Andre 3000, décidément sur tous les fronts cette année. We Got It From Here… Thank You 4 Your Service ferme donc le rideau en beauté sur l’un des groupes les plus importants de l’histoire du hip-hop.
Chance The Rapper – Coloring Book
Chicago est décidément à l’honneur de cette année. Point supplémentaire pour Chance The Rapper qui réussit en plus de ses camarades Kanye West et Common, à hisser une mixtape parmi les meilleurs projets de l’année. Avant que vous nous le fassiez remarquer, oui ce n’est pas un album, mais ce projet aura tellement marqué l’année de son empreinte que nous avons finalement choisi de l’intégrer dans notre selection. Une mixtape qui sera d’ailleurs consacrée comme la meilleure de l’année aux derniers BET Hip-Hop Awards. Cérémonie durant laquelle son auteur a de plus été reconnu comme l’artiste masculin de l’année. Bref ces deux arguments suffisent pour affirmer que Coloring Book mérite amplement sa place dans notre classement. Un projet qui à lui seul, donne ses lettres de noblesse au Hip-Hop orienté gospel, avec tout de même quelques morceaux trap. Mais Coloring Book, c’est surtout une ode à la joie retrouvée d’un artiste qui, quelques mois auparavant, chantait surtout sa solitude et sa détresse. Non content d’avoir donné au Hip-Hop une nouvelle dimension, Lil Chano s’est également mis en tête de jouer l’intégralité de sa mixtape en live à la télévision. Un défi déjà bien entamé qui ne demande qu’à se prolonger l’année prochaine. Et dire qu’il n’a toujours pas sorti un seul album studio en solo. L’avenir semble radieux pour Chancelor Bennett qui poursuit son irrésistible ascension.
Bonus : Childish Gambino – Awaken, My Love
Cela faisait plusieurs années que Donald Glover nous le répétait : il ne souhaite pas être considéré comme un rappeur. Effectivement, au-delà du rap sous l’alias de Childish Gambino (qu’il a failli abandonner), l’homme a de nombreux talents qu’il serait trop long de citer. C’est pourquoi la nouvelle tournure de sa carrière musicale avec Awaken, My Love, si brutale soit-elle, n’était au final pas si surprenante. Et s’il a délaissé le rap pour la funk, le résultat n’en est pas pour le moins brillantissime. Quel tour de force pour un artiste de réussir à moderniser et remettre au goût du jour un style vieux de 40 ans dès son premier coup d’essai. Si les fans ont pu être déboussolés à la première écoute, la sphère musicale est quasi-unanime : de Questlove à Usher, en passant par Zoe Kravitz, Drake ou encore George Clinton, l’amour porté à ce disque semble ne pas avoir de limite. Et les raisons sont évidentes : au-delà de la prouesse vocale surhumaine (pour rappel, Childish n’a pas utilisé de vocodeur ou de modification pour rendre sa voix plus aiguë) qui nous apporte une grande diversité dans les voix utilisées, la production est impeccable. Si, avec des productions comme « Zealots of Stockholm (free information) », nous savions Donald Glover et Ludwig Goransson capables de créer des instrumentales de qualité avec des changements de rythme et d’ambiance, la barre est ici poussée encore plus haut. Les instrumentales sont extrêmement évolutives, complimentant avec brio la voix. Le succès mainstream de Childish est aussi à son paroxysme, avec des ventes qui dépassent les 100 000 exemplaires et une représentation chez Jimmy Fallon. Grâce à cet album, Donald Glover nous prouve qu’il est capable de réussir les plus grandes surprises, et nous pouvons nous réjouir qu’il consacre son talent en partie à la musique, lui qui va être occupé à jouer dans un épisode de Star Wars et à écrire et produire la seconde saison de sa série à succès Atlanta. Bien malin serait celui qui peut prédire à quoi s’attendre avec son prochain projet…