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Ce qu’on a aimé, ou non, dans l’album « 2.7.0 » de Kaaris

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kaaris 2.7.0

Malgré une promotion complète, 2.7.0 de Kaaris n’aura pas comblé toutes les attentes qu’on aurait espérées. Parlons-en. 

Sincèrement, depuis quand un album de Kaaris n’avait-il pas provoqué une telle agitation ? On se croirait quelques années en arrière, à l’époque où l’auteur d’Or noir planait avec une aisance ahurissante au-dessus d’un rap français qui s’est accroché à ses ailes pour ne pas manquer la tendance. Sept ans après son premier album, voir que l’artiste parvient toujours à provoquer de telles réactions, désormais contrastées, prouve son statut grandiloquent. Mais à l’écoute de 2.7.0, il est dur de constater que Kaaris ne maintient son cap qu’au rythme d’un puissant charisme et de fulgurances irrégulières. Au sommet d’une hype qu’il avait définitivement besoin de convertir, le rappeur a manqué de tranchant, errant entre coups d’éclat et certaines fautes de goût, au milieu d’une direction artistique nébuleuse. Parlons, donc, de ce que l’on a aimé, ou non, dans 2.7.0 de Kaaris.

Un essai à transformer

Les bras écartés, la tête vers le ciel, martelant un sincère «merci» : avec la sortie de « Goulag », le 3 juillet, Kaaris a semblé  raviver auprès de sa communauté une flamme considérablement atténuée. Après la sortie d’Or noir 3, cruellement décevant, surtout en considérant la prétention d’offrir un troisième volet à sa prestigieuse série, l’avenir de Kaaris s’est obscurci. Nous sommes en janvier 2019, l’artiste se prend les pieds dans le tapis dans le classement du Snep, au nez et à la barbe d’un Booba qui, en guise de pied-de-nez humiliant, positionne son « PGP » à la première place des singles hebdomadaires. Kaaris, lui, qui vient de dévoiler un album entier, rame derrière, à la 12e place, avec « Cigarette », en collaboration avec SCH. Le constat est délicat : si dans un octogone il aurait certainement sa chance, son statut dans le rap, lui, dégringole au gré d’albums de moins en moins pertinents.

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Mais « Goulag » est passé par là. Puis « NRV », puis un freestyle, puis « Illimité ». Et la hype a gonflé, encore et encore. Kaaris vient de réussir le meilleur démarrage de sa carrière et balance dans les temps le nom de son nouvel album : 2.7.0. Comme un clin d’oeil à l’ouverture d’un de ses meilleurs couplets dans « Kalash », avec Booba, justement. Écarté d’un projet de Sevran, moqué quotidiennement par son meilleur ennemi, Kaaris affiche une soif de répondre en musique avec une rage qu’il n’avait pas montré depuis longtemps. « Ultra », puis « Mandalorian » dessinent d’abord les contours d’un Kaaris moderne, à la froide verve retrouvée. Les sept premiers morceaux s’inscrivent dans une direction artistique pertinente, où les punchlines de l’artiste servent de ponts à des morceaux plus légers, mais bien abordés. Après l’entraînant « Illimité », l’album retombe dans une simplicité imparfaite. On a quelques surprises, de grosses déceptions, et les goûts et les couleurs formeront une sélection naturelle au milieu de cette dense tracklist de dix-sept morceaux.

Kaaris, une tracklist longue et irrégulière

Au même titre, le bilan des featurings est délicat. Puissante, la collaboration avec Bosh n’est pas vraiment surprenante. Dadju et Gims sont forts, mais auraient pu être mieux utilisés. Pire, le duo avec Imen Es, invitée comme une chanteuse R’n’B, offre un flash-back indésirable au bon milieu des années 2000. Finalement, seul Sid les 3 Élément et sa voix écorchée ravive un peu de folie au bon milieu d’invités en théorie bien plus prestigieux. Immanquable en collaboration à l’extérieur, Kaaris aurait mérité de mieux s’organiser à domicile. Et de manière générale, les cinquante-deux minutes d’écoute sont trop longues : l’album aurait mérité de perdre un ou deux titres pour gagner en justesse. Ça se joue à quelques détails, mais la plupart des sons marquants ont été dévoilés en amont, et l’auditeur se balade au milieu d’un univers où tout ce qu’il recherche réside dans tout (ou presque) ce qu’il a déjà écouté.

Mais parlons du positif. L’album est truffé de punchlines fortes, l’écriture est soignée et les choix de production sont bons. On retrouve tout ce qu’il fait la force du Dozo, de son coffre de flows à ses phrases qui font plisser les yeux à chaque écoute. « Bope » est très fort, « Big Riska » est une petite bombe. « Illimité » est, dans un autre style, tout aussi intéressant : on retrouve un Kaaris au chant plus moderne, à l’aise mélodiquement. On retiendra aussi, et surtout, « Réussite », une conclusion qui gonfle l’âme de l’album. Kaaris y a concentré toute sa rage, en retraçant son parcours semé d’embûches, en y laissant quelques punchlines à Booba. Une paraphe captivante, qui essuierait presque les larmes versés après l’outro « Comme un refrain », deux ans auparavant, où Kaaris entrecoupait un morceau tout aussi mélancolique d’un gimmick de très mauvais goût.

Si ce retour de Kaaris s’avère contrasté, l’artiste aura réussi à fédérer de nouveau sa fan-base autour d’un projet. Laquelle ne manque pas de commentaires dithyrambiques pour qualifier 2.7.0 depuis sa sortie, à minuit. On s’avoue plus partagé, voire pessimiste quant à l’avenir d’un artiste tiraillé entre ses tentatives modernes et l’insaisissable chimère Or noir qui plane au-dessus de l’attente de chacun de ses projets. Finalement, peut-être est-ce pas l’évolution de Kaaris qui pose problème, mais notre appréhension en tant que fan. Or noir est un game-changer inclassable, qui a profondément bouleversé le visage du rap français une décennie durant, et cette perpétuelle espérance de voir Kaaris sortir un projet aussi emblématique construit un certain blocage. Et personne ne conclura mieux que cet internaute : «Tu veux Kaaris de Or Noir, t’écoutes Or noir wesh».

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