Interviews
Rencontre avec Chanje, nouveau visage du rap français
À l’occasion de la sortie de son nouvel EP Pacemaker et du clip de son titre éponyme, nous avons rencontré Chanje.
Dans les locaux du label Wagram Music nous avons découvert un jeune homme touchant, un artiste accompli et perfectionniste. Des projets et des rêves plein la tête, portrait d’un ambitieux qui n’entache pas sa modestie.
Salut Chanje, peux-tu nous resituer dans tes débuts. D’où est-ce que tu viens, où-as tu grandi ?
Je viens de Vélizy, Velzoo, 78 SANG 40 – il y a pas mal d’appellations. Plus sérieusement, je viens de Vélizy dans le 78.
Comment as-tu découvert la musique et depuis combien de temps fais-tu du rap ?
Je chante depuis que je suis tout petit, je viens d’une famille de musiciens. Ensuite, à l’âge de 10-11 ans, à peu près, j’ai pris une claque avec L’école des points vitaux de la Sexion d’Assaut. À l’époque, cet album était écouté partout, tous mes amis en parlaient. Peut-être un an et demi plus tard, il y a eu 1995. En fait, j’ai commencé à écrire bêtement. Quelque part, j’étais déjà musicien, j’écoutais beaucoup de musique et un jour je me suis dit « pourquoi pas essayer ». J’ai commencé à gratter puis, rapidement, j’ai créé mon groupe OBJ, avec l’un de mes potes, Diez. Lui aussi écrivait de son côté alors on s’est partagé des sons et on s’est poussé mutuellement pendant des années. C’est à peu près comme ça que je me suis retrouvé à écrire, à faire du rap.
Tu as fait beaucoup de scènes, pas mal de tremplins. Qu’est ce que ça t’as apporté, dans quel état d’esprit étais-tu ?
Les scènes, c’est quelque chose que j’ai toujours fait. Même avant que le rap devienne quelque chose de sérieux pour moi, j’en faisais avec la MJC. J’ai toujours beaucoup aimé ça. Après comment est-ce que je l’aborde, il y a de la pression évidemment. Je ressens encore plus de pression lorsqu’il y a dix personnes devant moi plutôt que devant une salle de 300 personnes. Finalement, la pression il y en aura toujours. Mais c’est important, ça donne la niaque. Jouer dans des bars où il y a 15 personnes, je te jure qu’il faut s’accrocher. Par exemple, si un concert se passe mal, ce qui m’est déjà arrivé, tu ressors t’es un petit peu déprimé et tu te dis « Ce soir, c’était claqué, mais sur la tête de ma mère, la prochaine fois tu verras ».
Tu parles beaucoup de tes influences, qui sont-elles et qu’est ce qu’elles t’ont apporté dans la musique ?
Je pense que mes influences principales, en tout cas en ce qui concerne le rap, ça doit être Niro et Youssoupha. Ce qui est drôle c’est que c’est vraiment très loin de ce que je fais. Pourtant, Niro je peux te citer toute sa discographie sans souci, c’est lui que j’écoute le plus, chaque jour. Quand bien même, ça n’a pas forcément influencé mon style. Après peut-être que dans certains placements, certains styles d’écriture on peut retrouver du Niro. Peut-être que dans certains thèmes abordés ou dans la façon de les approcher on peut retrouver du Youssoupha. Globalement, outre le côté artistique, c’est plutôt dans ma vie de tous les jours que ça m’a apporté. Quand tu es jeune et que tu écoutes des artistes comme eux, ça te construit. Niro et Youssoupha, notamment, sont vraiment des artistes qui m’ont influencé tant, dans ma manière d’aborder le rap que dans ma manière de voir les choses en général. Cependant, je n’ai pas l’impression qu’on les retrouve beaucoup dans ma musique.
Tu as fait la première partie du concert de Youssoupha à trois reprises. C’est l’une de tes idoles, comment l’as-tu vécu ?
Faire la première partie de Youssoupha, évidemment, c’est que du kiff. Même si tu as le trac avant d’entrer sur scène quand tu y es, tu te donnes et c’est énorme. Et puis, il y a toujours ce truc, ce challenge. Tu te produis sur une scène et tu te dis « personne ne me connaît dans la salle, tous ces gens ne sont pas la pour moi. Il faut que je réussisse à les embarquer, là il faut que je parvienne à les prendre ». Ça, c’est super motivant. Et puis le graal, c’est lorsque tu sors du concert, que tu as réussi à emmener la foule, là tu te dis « ouais j’ai fait du taff, j’ai fait le bon ».
À ce moment là, lorsque tu fais la première partie d’un artiste, est ce que tu te dis il faut que j’impressionne celui qui passe après moi ?
En ce qui concerne Youssoupha, oui, pour le gosse de 14 ans qui fait la première partie de l’un de ses rappeurs préférés. Mais, de manière générale, je ne pense pas forcément à la personne qui passe après moi. Je pense aux personnes qui sont en face de moi, ce sont elles que je dois impressionner. Et puis, je sais comment se passe les premières parties. L’artiste est dans sa loge, il n’écoute pas forcément ce que je fais.
Parlons de ton projet Pacemaker, il est composé de 8 titres, tous dans des ambiances différentes. On peut même dire que tu as huit flows. Comment as-tu réussis à rester cohérent ?
Je saurais pas vraiment expliqué comment j’en arrive à créer des ambiances aussi « différentes ». J’écoute beaucoup de musique, j’ai pas mal d’influences et comme je l’ai évoqué, je chantais avant de rapper. Le fait de chanter c’est une bonne chose, ça me permet d’avoir une palette très large. Le souci, c’est que ça peut devenir un problème puisqu’il faut que ça reste cohérent. En effet, faire un projet où tu mélanges un morceau sur guitare sèche avec une petite voix puis enchaîner sur un banger où tu dis « Je viens de la west et je vous baise », c’est compliqué, il faut que ça reste logique. Cette cohérence on a réussi à la trouver, en partie, grâce aux prods. Avoir 8 flows différents, je crois que je le fais instinctivement, quand j’écris un son, je ne réfléchis pas à la cohérence. J’écris, puis ensuite on affine soit la prod, soit le texte, soit la façon de kicker afin que l’ensemble reste fluide.
En parlant de la prod, tu as, à nouveau, travaillé avec Herman Shank pour cet EP. Tu avais déjà bossé sur ton projet précédent uniquement avec lui. Comment est-ce que vous vous renouvelez ?
Le truc génial avec Herman, c’est qu’on travaille ensemble depuis 3-4 ans, on une « patte » commune. Lorsqu’on bosse tous les deux il n’y pas la « patte chanje » ou la « patte Herman », on a nos automatismes, on sait comment l’un et l’autre réagi, ce dont on a envie. D’un point de vue personnel, j’évolue musicalement. Herman et moi, on évolue de la même manière. C’est de cette façon qu’on brise les barrières. Pour l’instant, on n’a pas encore trouvé nos limites. Peut-être qu’il y en aura un jour mais pour le moment, nous sommes constamment en expansion, on trouve toujours de nouveaux trucs à faire, de nouvelles choses à tenter.
Tu es allé en Belgique avec une belle équipe pour élaborer Pacemaker. Peux-tu nous en parler un peu plus ?
C’était incroyable. J’étais avec Six à la réalisation, il s’occupe aussi de Green Montana, quelqu’un de très talentueux. Il y avait mon manager Léo, Cindy ma directrice artistique, Herman et Hervé, l’ingé son du projet. Le timing était difficile à tenir, on a tout étalé sur trois semaines. Enregistrer un projet sur trois semaines c’est compliqué. Heureusement, j’avais déjà quelques trucs, certains sons de « Pacemaker » datent de 1 ou 2 ans. C’était vraiment intense comme rythme, on travaillait environ 14h par jour. Mentalement c’était pas évident mais au final tout s’est super bien passé. En tout cas, on est satisfaits du résultat.
Tu as une connexion belge, un featuring avec Darell Cole. Il est incroyable, peux-tu nous expliquer comment ça s’est passé ?
J’étais en studio avec Six qui le connaît très bien. On a écouté ce qu’il faisait, il m’a demandé si je voulais collaborer avec lui. Evidemment, j’étais au taquet, on s’est appelé, il était sur le coup aussi. Voilà, c’est comme ça qu’on a plié le morceau. C’est la première fois que je me retrouve sur un titre anglophone. Ce qui est incroyable c’est que lui il a fait ses placements très lents, moi je suis arrivé comme un enragé à la Fianso. C’est ça qui est mortel, lui il arrive avec un truc très smooth et moi je pète un plomb. Ensuite, sur la deuxième partie, je prends un petit peu de son flow. Il a des placements très intéressants, ultra recherchés et il fait ça instinctivement. C’est impressionnant, ça montre son professionnalisme, il prend le micro, il écrit son truc en 15 minutes même pas et quand il le pose c’est presque parfait, one-tape. C’était vraiment un plaisir de travailler avec lui.
Et Sabrina Belahouel ?
J’ai écouté ce qu’elle faisait et j’ai trouvé ça énorme. On s’est rencontré pour faire connaissance, discuter de ce qu’on allait pouvoir faire ensemble. Elle m’a envoyé une maquette de ce qu’elle avait fait sur mon son puis on a enregistré à Paris. Ensuite, je suis retourné à Bruxelles pour le mix mastering et la réalisation du morceau. Avec Sabrina, on a tout de suite accroché. C’est une personne adorable, humainement elle est incroyable, c’est une artiste talentueuse, elle a une voix folle. Le courant est directement passé c’est pour ça qu’on a fait un morceau.
Ton clip « Pacemaker » vient de sortir. Les visuels ont-ils une place importante dans ton univers ?
J’ai toujours eu un problème avec l’image parce-que ce n’est pas du tout mon truc. C’est absolument pas mon domaine, je ne sais pas comment on fait mais j’adore les clips, les beaux clips, les beaux films, les belles photos… Fin les beaux visuels, j’adore. Du coup, pour « Pacemaker » je voulais vraiment quelque chose qui représente l’esprit du morceaux, un truc spécial, un mood. Alors oui, les visuels sont vraiment importants pour moi, j’ai toujours des idées. D’ailleurs, j’ai dû mal à me canaliser donc heureusement que j’ai une équipe pour m’aider à travailler dessus.
A ce propos, avant tu étais habitué à travailler en petit comité. Avec ta signature chez Wagram, c’est différent, il y a plus de monde autour de toi. Comment le vis-tu ?
Alors il y a du bien et du moins bien. Dans la création, je préfère être en équipe réduite. A ce moment là, j’aime bien quand il n’y a pas beaucoup de monde dans le studio, s’il peut y avoir que Herman et moi c’est le top. Après sur la réalisation c’est bien d’avoir plusieurs personnes, surtout lorsqu’elles sont talentueuses. L’avantage, lorsque tu travailles en groupe, avec des personnes qui s’y connaissent, c’est qu’elles voient des aspects que toi tu ne saisis pas forcément, dans le marketing, par exemple. Etre entouré de personnes talentueuses dans des milieux où moi je ne le suis pas, ça ouvre des portes. Je suis vraiment reconnaissant de ça.
Si je comprends bien, être chez Wagram ça t’a aidé ?
Tu n’as pas idée à quel point. Déjà il y de l’argent, ça change beaucoup. Ça me permet de vivre, je n’ai pas besoin de faire des missions d’intérim ou de demander des aides. Mais le plus important, c’est la concrétisation des projets. J’évolue professionnellement avec des personnes qui, en plus des moyens, ont des connexions que je n’aurais jamais pu avoir. Grâce à Wagram, j’ai passé un step, une étape et ça change tout. Le fait d’être dans un environnement comme ça, artistiquement ça te pousse, tu te dis : « J‘ai des moyens, je peux faire tellement de choses » et à partir de là tu step-up aussi sur la partie artistique.
Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
Pour le moment, je ne sais pas trop ce qui va arriver, j’enregistre beaucoup mais je ne sais pas ce que ça va donner, soit un EP, soit un album. On verra, quoi qu’il en soit on peut me souhaiter santé et bonheur. Et le reste on l’achètera, comme on dit.
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