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Chronique: Compton, l’ultime album de Dr. Dre

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Compton

Une semaine avant la sortie de Straight Outta Compton, Dre a quitté ses studios avec son dernier bébé. Compton, l’album que tout le monde attendait. Notre avis ? Sit back, relax and enjoy. 

Un raz-de-marée s’est produit cette semaine dans notre petit monde du Hip-Hop, Dr. Dre (Andre Young de son vrai nom), uns des rappeurs / producteurs / entrepreneurs les plus influents de toute l’histoire du Hip-Hop est enfin de retour à la surprise générale !

En effet, dire qu’il était temps est un euphémisme, car c’est bien depuis 1999 et son album 2001, que le Doc n’a plus été vu sur le circuit en solo. Si Detox a longtemps été nommé comme le successeur de l’album plébiscité comme étant le meilleur album rap de tous les temps, ce dernier a finalement été annulé après de multiples reports. (et ce malgré les singles promotionnels Kush et I Need a Doctor respectivement sortis en 2010 et 2011) Cette annonce récente de l’abandon pur et simple de Detox pouvait laisser penser que le « Grand Final » de Dr. Dre ne verrait finalement jamais le jour. Après tout, avec 16 ans d’absence et un business à son apogée depuis son partenariat avec Apple faisant de lui le rappeur le plus riche, il faut dire que beaucoup ne l’attendait plus depuis déjà bien longtemps…Et bien que nenni !

C’est le 1er Août que Dr. Dre sort du silence. En effet, c’est au micro de son émission de radio The Pharmacy qu’il annonce que Compton, album inspiré du film NWA : Straight Outta Compton, film retraçant le parcours de l’emblématique groupe de Gangsta Rap, est terminé. Plus que des mots, ce dernier annonce dans la foulée que l’album sera disponible le 7 Août, soit une semaine plus tard. Si beaucoup se refusaient d’y croire, l’apparition de la tracklist lève enfin le doute. C’est donc un jour historique pour le Hip-Hop, le légendaire Dr. Dre est bel et bien de retour, et cette fois c’est pour de vrai ! Cependant, gardons en tête que l’album n’a pas été fait pour le film ni en fonction de ce qu’il raconte. Dre le dit lui-même, il s’agit plutôt d’un album hommage ayant pour but de montrer à quel point son quartier l’a aidé dans sa réussite et l’a inspiré. Ce projet est dans tous les cas un des plus importants pour Mr. Dre puisque c’est avec celui-ci qu’il a annoncé tirer sa révérence.

Sur le papier, on se rend compte que l’album risque de peser lourd. Dans la lignée de ses deux opus précédents, l’album se compose d’un grand nombre de featuring avec des morceaux quasiment tous produits par le Doc.

Bref, tout ça donne envie, mais après coup, que vaut réellement Compton ? L’attente valait-elle le coup ? Andre Young va-il réussir le pari aussi audacieux que risqué de perpétuer le mythe après près de 16 ans d’absence ? Voici mon avis définitif sur l’album Compton.

Les thèmes abordés

Comme pour illustrer la cover de l’album représentant un plan aérien de Compton maquillé à la manière d’Hollywood, l’album s’ouvre en fanfare avec un jingle faisant immédiatement penser à une grosse production cinématographique. L’intro est nourrie par une voix-off racontant l’histoire et le fait que la municipalité de la banlieue de Los Angeles (Californie) soit considérée comme un Eldorado pour les populations afro-américaine qui avaient fuit la ségrégation des années 50. Malgré ce tableau idéalisé, la présentation n’oublie pas pour autant de souligner les problèmes sociaux dont souffraient et souffrent encore ces quartiers. En effet, Compton reste encore à ce jour, un des quartiers où la criminalité est des plus importantes aux États-Unis.D’ailleurs, cette problématique sera un des nombreux fils conducteurs de l’album. Si nous avions auparavant du mal à imaginer Dre, dans un autre registre que celui du Gangsta Rap des années 90, ce dernier nous a prouvé qu’il était capable de se renouveler. Bien loin de faire du rap passéiste, il a trouvé le parfait équilibre entre son héritage Gangsta Rap de la West Coast, sa réussite personnelle et les problèmes contemporains dont souffre Compton. (Pauvreté, criminalité violences policières etc…) En effet, s’il se livre à un véritable égotrip à la gloire de sa réussite dans des morceaux tels que « Talk About It » ou « For The Love of Money », d’autres morceaux plus engagés évoquent cette violence omniprésente à Compton. comme « Génocide » et « One Shot, One Kill ». La visée de ses textes peut parfois dépasser les frontières de sa ville natale, dans un contexte ou les violences perpétrées par la police envers les noirs-américains sont de plus en plus visibles aux États-Unis. Dans un registre plus personnel cette fois, Dre va exprimer le fait que malgré sa fortune, il continue de garder les pieds sur terre et de travailler dur. Enfin, nostalgie oblige, ce dernier évoque son passé en racontant la rencontre avec certains de ses amis fidèles comme Snoop Dogg dans « It’s All on Me ». Enfin, dans le morceau « Talking to My Diary », qui clôture l’album, Dre nous offre sa seule performance en solo dans laquelle il fait en quelque sorte le bilan de sa carrière, en relatant une nouvelle fois son passé gangsta et en remerciant ceux qui l’ont aidé à arriver là où il est, sans pour autant tomber dans l’excès de nostalgie. Une bien belle façon de fermer le rideau !Entre nostalgie, égotrip, et messages politiques, les thèmes de cet album sont variés et prouvent bel et bien l’impact réel qu’a eu Compton sur l’artiste. A noter néanmoins que si Andre Young interprète la plupart des morceaux, ce n’est pas lui qui les écrit. Cela n’est pas une nouveauté puisque ce dernier a toujours utilisé des Ghostwriters pour écrire ses paroles.

Les productions

Soyons honnêtes, si Dr. Dre était attendu au tournant, ce n’était pas spécialement au niveau des textes mais surtout au niveau des productions car c’est dans ce domaine qu’il excelle. Alors que beaucoup auraient souhaité un retour de ses productions à la Still Dre, composées en majorité de piano et de basses bien grasses, c’est une toute autre chose dans Compton. Cela n’a rien d’étonnant lorsque que l’on sait que 16 ans séparent les deux albums. Cette fois, les beats sont plus sombres qu’auparavant. A l’écoute, on s’aperçoit qu’en dépit des années, le maestro sait toujours autant proposer des instrumentales travaillées et minutieuses avec des samples bien utilisés. Il est perfectionniste et on le sait !Et pourtant tout n’est pas réussi. En effet, après une telle introduction, tout le monde s’attendait à un premier morceau de qualité. Grosse déception… En effet, celui-ci nous propose un beat plutôt trap, bien loin de ce que Dre pouvait nous proposer habituellement. Non pas que la trap ne soit pas agréable à écouter, mais ici le morceau ne colle pas à l’ambiance générale de l’album. Cela laisse perplexe, d’autant plus que Justus, dernière recrue artistique du docteur pose sa voix sous des aires d’autotune comme pour répondre à la tendance musicale actuelle. Or, ce n’est pas ça que l’on attend d’un album de Dr. Dre. C’est la première piste de l’album, celle-ci est censé accrocher et donner envie d’écouter la suite. L’album va-il être entièrement comme ça ? C’est finalement plus de peur que de mal puisque la qualité des productions revient dès le morceau suivant et ne baisse pas en qualité. Ouf !Globalement, les productions sont donc de très bonne qualité. On a plaisir à réentendre le piano de Dre comme à la grande époque dans Darkside / Gone. Pourtant, c’est bien la variété qui est au rendez-vous puisque aucun morceau ne se ressemble. On a droit à un morceau avec une ambiance Smooth qui est des plus appréciables (« It’s All on Me »), en passant par des morceaux plus Jazzy (« Just Another Day ») et des morceaux plus rocks avec des guitares électriques donnant une ambiance énergique aux morceaux (« Issues » & « One Shot, One Kill). Mais bien entendu, ce sont les productions Hip-Hop qui restent majoritaires et ça fait vraiment du bien ! Du grand Dr. Dre ! Comble du bonheur, sur le morceau « Animals », a été composé par Dre et DJ Premier, son homologue de la East Coast. Cette collaboration entre les deux plus grands producteurs de tous les temps est attendue depuis longtemps et met tout le monde d’accord. On en voudrait plus souvent ! Seul bémol : on aurait quand même souhaité entendre un morceau G-Funk, style démocratisé par NWA qui a fait les beaux jours de la West Coast dans les folles années de Dr. Dre. Dommage.

Les invités

Comme à son habitude, Dre qui n’a jamais aimé rapper seul, n’a pas plaisanté sur le nombre d’invités. Une nouvelle fois, celui-ci s’est entouré de tous ces anciens amis tels que Eminem, Snoop Dogg, son compère de NWA Ice Cube, Xzibit ou encore The Game. (On déplore l’absence de 50 Cent sur le projet) Bref, tous les artistes qui ont fait les beaux jours du Hip-Hop dans les années 90, 2000. Une gimmick d’Eazy E a même été utilisé dans un des morceaux. Un bel hommage offert au co-fondateur de Death Raw Records, décédé en 1995. A ce casting de rêve se sont rajoutés les nouveaux artistes d’Aftermath. Si Kendrick Lamar a déjà percé auprès du grand public, les noms tels que Justus, Jon Connor et King Mez ne demandent qu’à exploser ! A ce casting très hip-hop s’ajoute les artistes telles que Anderson .Paak, Candice Pillay et Marsha Ambrosius qui poseront des refrains R&B qui pourront sonner faux aux oreilles des puristes.
Pour un projet d’une telle envergure, il est évident que chaque invité se doit de donner le meilleur de lui-même. Et bien le résultat est au rendez-vous puisque le travail fourni ainsi que les couplets sont de grande qualité.Si nous avons trouvé que l’univers de Justus ne collait pas forcément à l’univers de Dr. Dre, (dommage car l’artiste dispose d’un univers bien à lui et d’un certain talent) le jeune Jon Connor a brillé de son talent (notamment dans One Shot One Kill), Kendrick Lamar a quant à lui montré une nouvelle fois l’étendue de son talent en nous offrant une série de couplets mémorables. Dre ne s’est décidément pas trompé au sujet de ce prodige et peut prendre sa retraite l’esprit tranquille, la relève d’Aftermath est assurée ! Que dire à propos de sa performance personnelle ? Rassurez-vous, il n’a rien perdu de sa voix rauque de baryton, même si ce dernier se plaît à user le vocoder pour certains passages. Pour les anciens, on apprécie d’entendre à nouveau Ice Cube et Dre rapper ensemble tout en relatant le bon vieux temps. D’autre part, si Xzibit n’avait pas rencontré un réel succès énorme avec son dernier album Napalm en 2012, il a signé un couplet remarquable sur « Loose Cannons » A noter le retour d’un rap énervé de la part de Snoop Dogg sur « One Shot, One Kill ». Il nous manquait dans ce registre. Enfin, si on attendait beaucoup de la collaboration avec Eminem, les avis sont partagés. En effet, si le couplet de Marshall est d’une qualité impressionnante techniquement, la production n’est pas assez efficace pour propulser cette collaboration au-dessus du lot. Dommage quand on sait ce que le duo est capable de faire ensemble. Si le morceau reste néanmoins de qualité, on aurait bien évidemment souhaité qu’Eminem soit plus présent sur le projet.

Bilan

Avec l’attente qu’il nous a fait subir et l’annonce subite d’un tel album, il est évident que Dr. Dre était attendu au tournant. Le risque était grand, mais Andre Young se devait de finir sa carrière sur une note positive. En définitive, le Godfather of Rap nous offre un projet de qualité avec des performances et des productions très travaillées aussi bien de sa part que de ses invités. Si cet album est bien entendu loin de ressembler à The Chronic et 2001, il n’en souffre pas. En effet, Dr. Dre a su se renouveler avec brio même si l’album n’est bien évidemment pas parfait.A noter d’ailleurs que les fonds récoltés par les ventes de ce qu’il a appelé « son grand final », seront reversés pour venir en aide aux quartiers défavorisés de Compton. Un beau geste.Cependant, il faudra attendre quelques années avant de connaître l’impact réel d’un tel projet. Il est encore trop tôt pour juger s’il s’agira ou non d’un classique. La postérité nous le dira…Dans tous les cas, le rideau se ferme sur un album audacieux, surprenant et réussi. Clap de fin pour une légende qui marquera à jamais de ses pas l’histoire du rap et ce dans le monde entier. Merci Andre Young.

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