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Dau : « 100% c’est le minimum »

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Dau Interview

À l’occasion de la sortie de son EP ÉTATS D’ÂMES, on a pu discuter avec Dau, un artiste qui s’adapte petit à petit à son nouveau statut. Interview.

Il y a quelques semaines, tu performais à la Gaité Lyrique. Raconte-moi un peu comment s’est passé cette soirée, et comment vous l’avez réfléchi afin de marquer le step-up comparé à La Maroquinerie quelques mois avant. 

Ça s’est trop bien passé. La Gaité c’est une très belle salle. On a passé un très très bon moment. Je savais vraiment pas ce que c’était avant qu’on me propose cette scène. On m’a montré qu’on pouvait jouer avec les écrans et faire quelque chose d’un peu plus cinématographique. La Maroquinerie ça a un esprit plus underground, vu que c’est une petite arène, comparé à la Gaité Lyrique. C’était clairement un step-up, on voulait montrer qu’on était pas juste une équipe qui fait juste du rap et qui crie sur le micro, on voulait rajouter de la cinématographie, un peu de théâtre, un peu de danse pour montrer que sur scène il n’y a pas que l’artiste mais aussi ceux qui l’entoure.

T’as l’air d’être un artiste qui accorde beaucoup d’importance à ses performances scéniques. est-ce que ça arrive que cette exigence s’invite aussi dans ton processus créatif. Est-ce que tu penses certains morceaux spécialement pour la scène ?

Ouais totalement. Il y a certains de mes morceaux, je sais qu’ils ne vont pas spécialement marcher en streams mais si tu le fais sur scène tu vas prendre une énorme baffe. Des fois, c’est vrai que je fais des sons spécialement pour la scène et c’est peut-être ce qui peut parfois porter préjudice à ma musique, parce qu’en vrai les gens ne sont pas là que pour être sur scène en soi, il y en a qui veulent écouter la musique dans le métro ou d’autres contextes. Et moi, je suis là à te mettre dans un thème ou tu dois t’imaginer dans un pogo (rires). Parfois ça peut être déroutant pour certains et je le conçois, mais ça fait quand même partie de mon process. J’adore ce truc là de m’imaginer déjà ce que ça ferait devant le public.

Est-ce qu’il y a une réelle volonté aussi de ré-interpréter certains morceaux différemment sur scène ?

On me dit souvent qu’il y a une énorme différence entre les sons sur scène et les mêmes sons dans leurs versions originales sur les plateformes, mais je ne sais pas si c’est vraiment de la ré-interprétation. Je pense que c’est juste parce que je suis hypé. Il y a du monde, ils sont en train de crier donc je vais leur crier dessus aussi. Mais je ne cherche pas vraiment à ré-interpréter. Je cherche juste à ce que les gens ressentent ce que je ressens quand je fais ce son là et la plupart du temps, ça marche.

Ton dernier projet, ÉTATS D’ÂMES, est sorti en deux volumes. Pourquoi l’avoir coupé en deux de telle manière ?

Ça montre qu’on charbonne. Dans le Volume 2, la plupart des sons je les voulais dans le projet mais on avait pas pu les mettre avant. Mais je voulais faire honneur à ces sons là parce que je les apprécie beaucoup. Et ça allait me donner une sensation de pas avoir terminé le projet si ces morceaux n’étaient pas sortis. Surtout qu’on a essayé de s’engager encore plus dans l’ouverture musicale, en essayant de voir jusqu’où on peut aller et jusqu’ou ça peut plaire.

En écoutant le projet, je me suis justement posé la question. Est-ce que ces morceaux un peu plus acoustiques, c’est des choses que tu fais depuis longtemps ou c’est relativement nouveau ?

Je fais de la musique depuis 6/7 ans mais musicalement j’ai toujours fait ce truc là. Je me suis présenté avec un personnage qui était un peu solide, avec une énergie brute mais de base ma musique est très éclectique, je cherche à toucher à tout. C’est ça qui m’intéresse, j’ai pas envie d’être mis dans une case et qu’on dise de moi que je fais telle ou telle musique. J’ai envie qu’on se dise que je cherche à sortir de ma zone de confort quoi qu’il arrive. J’aime bien prendre des risques.

Donc il y avait une vraie volonté de proposer autre chose et de se détacher de ta première image. Dans “ROBERT JOHNSON” tu dis d’ailleurs : « C’est le même Dau mais c’est plus la même chose ». Pourquoi ?

Je considère qu’on est en amélioration constante, et que si j’ai envie de créer et d’être en recherche, je pourrais toujours faire quelque chose de nouveau. J’ai pas envie qu’on me définisse en disant que je ne fais que du rap ou que du chant. J’ai envie d’avoir une carrière un peu à la Tyler The Creator. Dès que je fais un nouveau projet, tu vas découvrir une nouvelle facette. J’ai pas envie de laisser le temps à ma fan-base de s’ennuyer. Même si je sais que c’est un risque de vouloir toucher à tout parce qu’on peut s’y perdre mais c’est aussi mon identité.

Et est ce que t’as du mal à t’en détacher ? Sur le Volume 1, il y a par exemple un morceau comme “JANVIER/DÉCEMBRE” qui est carrément dans cette esthétique. C’est compliqué pour toi de t’en détacher à 100% ? 

En vrai, ÉTATS D’ÂMES, c’était plus une présentation de Dau, plutôt qu’un personnage que je mettais en place. C’est un CV à travers lequel je montre un peu tout ce qu’il peut y avoir dans ma musique. Donc c’est un petit voyage, des fois ça tape fort, d’autres fois c’est doux… C’est Dau. Mais dans les prochains projets je vais essayer de me concentrer sur un thème, pour bien montrer que je peux proposer un truc dans un style particulier.

À l’écoute du projet, ce qui m’a le plus marqué c’est une envie et un besoin de solitude. C’est quelque chose dont tu parles énormément. Est-ce que c’est quelque chose de nouveau pour toi en tant qu’homme et en tant qu’artiste ?

De base, je suis une personne très introvertie. Traîner avec beaucoup de gens, c’est pas vraiment mon délire. Je me suis rapidement contenté de ma propre personne. J’ai appris à aimer être tout seul, à être tranquille avec moi-même. Et dans le monde dans lequel je vis désormais, vu que je viens de rentrer dans un monde où maintenant j’ai un minimum de popularité, même si j’ai encore énormément de travail, il y a des gens qui m’écoutent, me reconnaissent dans la rue. Moi je suis un mec simple, le fait qu’on me reconnaisse quand je suis dans le tromé ça me fait bizarre. Avant d’être un artiste, l’humain qui s’appelle Dominique est introverti. Mais les gens ne connaissent que Dau, ils connaissent pas Dominique. Je dirais pas non plus que je porte un masque, quand je suis avec les gens mais, je suis mieux quand je suis tout seul. Quand il y a eu le boost de la carrière et que tout le monde s’est mis à me reconnaître, c’est là que j’ai compris que je ne suis pas quelqu’un qui aime me faire accoster par tout le monde ou être reconnu dans la rue. Même si c’est super paradoxal parce que t’es un artiste, tu fais du son, tu montes sur scène, les gens connaissent tes morceaux par coeur… C’est normal qu’après, s’ils viennent te parler c’est parce qu’ils apprécient ton travail.

Dau

Justement, ce boost de carrière, comment tu l’as géré musicalement ? Est-ce que tu penses que sans Nouvelle École, la musique que tu ferais aujourd’hui serait différente ?

Je pense que ouais. Quand tu fais de la musique et que personne ne te connaît, tu t’en fous un peu des avis des gens, tu fais ton truc. Mais, même si j’essaye de me détacher de l’avis de la populace et être fier de la musique que je fais, là je suis dans un thème ou la musique devient mon travail. Du coup, je vois aussi la musique comme un outil pour rentabiliser mon truc. Bien sûr que je ne dénaturerais jamais ce que je propose, mais je sais qu’il y a certains styles de sons qui parlent plus et d’autres qui parlent moins. Du coup, faut aussi se baser sur les bonnes recettes et essayer de créer du nouveau sur ces recettes là, plutôt que de se baser sur des trucs que personne n’aime. On finit par tomber sur des gens qui nous font comprendre que la musique parle à certaines personnes et pas à d’autres. Faut savoir lesquels, faut savoir les cibler.

Tout peut aussi dépendre aussi de ce à quoi tu veux aspirer en tant qu’artiste.

C’est paradoxal. Plus tu montes en niveau, plus t’en veux. Personnellement je suis comme ça. 100% c’est le minimum. J’ai réussi à avoir une niche solide, des gens qui m’écoutent mais c’est jamais assez. On en veut plus. Et non pas par appât du gain, mais parce que ça me motive à vouloir proposer plus et faire grandir cette niche qui est petite de base. Si avec 1000 personnes je peux faire ça, imagine 10.000. Puis 100.000. Et ainsi de suite. C’est ce truc là qui me boost. Si il y a des gens qui croient en ma musique, moi je suis refait. Plus ça avance, plus je vois qu’il y a des gens qui apprécient, et plus je vois que les gens apprécient aussi mon ouverture musicale. Je sais que la musique ne plaît pas à tout le monde mais j’ai rarement eu de commentaires négatifs, en tout cas sur ce projet et sur celui qui va arriver. Donc je me dis qu’on est sur la bonne voie. Plus tu fais ce que t’as envie de faire et plus tu crois en ta vision, plus les gens qui le captent vont te suivre.

Ce que je comprends, c’est que naturellement t’aurais fini par tendre vers ça à un moment ou un autre, mais le fait d’avoir confronté ta musique à plus de gens, plus vite, t’a permis d’élargir ton champ artistique plus rapidement ?

Exactement. Ça m’a ouvert des portes, j’ai pu rencontrer des gens, beaucoup de très bons artistes, beatmakers ou pas, qui m’ont beaucoup enrichi en terme de connaissances parce qu’ils ont une autre façon de voir la musique et leurs propres expériences. J’aime bien apprendre de ce que les gens proposent.

ÉTATS D’ÂMES semble être définitivement le projet où tu fais le deuil de ton début de carrière plus confidentiel. Il a l’air d’être une passerelle entre le Dau d’avant et celui d’aujourd’hui, prêt à embrasser son nouveau statut. Et c’est notamment l’outro “WORKOUT MENTAL”, et le speeh à la fin, qui m’inspirent ça.

T’as tout dit (rires). C’est clairement ça. Pour moi, le projet ÉTATS D’ÂMES, même si je sais que c’est pas le projet où je suis à mon paroxysme et j’ai atteint tout ce que je voulais faire musicalement, c’est une page qui se tourne. À l’heure de ce projet là, les choses se sont passées comme ça, il y avait des gens que j’avais avant et que j’ai perdu, je me suis senti comme ça ou comme ça… Mes états d’âmes, tout simplement. Ce projet là est terminé, bien sûr que je vais quand même le défendre à toute patate mais je sais que ce que je veux proposer par la suite, va être une amélioration. C’est la prétention que j’ai. Je sais vraiment ou je veux aller d’entrée, je sais déjà comment ça va se passer ou comment le projet est susceptible de s’appeler. Là par rapport à ÉTATS D’ÂMES je me sens vachement plus prêt. Donc on va défendre le projet, on a quelques petits festivals et quelques petits trucs ; c’est lourd mais la suite, je suis tellement impatient de m’y mettre parce que je me dis que si j’arrive au bout de ce que je veux faire, je suis refait.

Est-ce que la suite c’est un premier album ? Je sais que c’est un step un peu sacralisé chez certains artistes, mais est-ce que t’y penses déjà ?

Je veux passer ce step de premier album, mais je me pose la question de savoir si c’est le bon moment. En vrai, je travaille déjà dessus, pour voir jusqu’où l’album peut aller. C’est un travail de longue haleine, des essais, des essais, des essais. Mais je me base surtout sur le timing. Faut savoir à quel moment arriver, avec qui se mélanger dans ces moments-là… C’est sur ces trucs là que je réfléchis, pour faire vraiment quelque chose de qualitatif. Et pas seulement miser sur un empilement de noms. Faire en sorte que la rencontre entre ces deux noms là, ça valait le coup de le faire. Je veux qu’on se dise que je me suis pris la tête. Et ce dès le premier son. Je veux leur faire comprendre que j’ai compris. Et tant que j’y suis pas musicalement, parce que ça prend du temps, je vais pas leur montrer. En tout cas cet album, ça ne sera pas mon dernier, mais si c’est mon premier je veux que ce soit un album qui fasse en sorte que ma vie change, et que celle de tous ceux qui bossent sur ce projet change. C’est l’objectif pour moi.

ÉTATS D’AMES de Dau est disponible partout

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