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Musique

Dawg Sinatra : «La suite, elle mettra une gifle»

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Après le subjuguant KON SINATRA, publié il y a quelques mois, Dawg Sinatra compte bien convertir son nom au sein d’une jeune scène virevoltante. Rencontre. 

Adossé sur une chaise de réalisateur, le nom de Sinatra floqué dans le dos revêt une symbolique iconique. Mais exit le chapeau incliné et les costumes trois-pièces de Frank, ici on parle de Dawg, ses durags, sa verve crue et sa folie micro en main. Sa filmographie s’est initiée il y a quelques mois avec le court-métrage KON SINATRA, co-réalisé avec Kon Queso. Un projet en noir et blanc, d’une puissance intrigante, qui dévoile l’éventail spectaculaire de ses auteurs. Jailli de Rennes, Dawg Sinatra est la branche fougueuse de l’auto-proclamée « nouvelle génération ». Il boucle une année 2021 qu’il considère comme sa plus «mature», et dirige désormais son regard vers un avenir qui promet d’écarquiller encore plus les yeux de ses auditeurs. Un, deux, trois : action.

Raconte-moi le début de l’aventure Dawg Sinatra. 

Au tout début, j’étais dans un groupe avec des potes. En fait, quand je suis arrivé à Rennes, j’ai rencontré, par le biais d’Andrew Magenta, une équipe qui rappait déjà depuis un moment. Elle était plutôt en place, alors que nous on en était qu’à nos premiers textes. C’était pas incroyable, sauf qu’eux rappaient déjà bien. Donc ça m’a inspiré et donné envie de pousser le truc. Alors j’ai commencé à écrire. Après, on a décidé de monter un collectif, ça a été mon premier groupe. Et à partir de là, on a pris du gallon ensemble, jusqu’à il y a quelques temps, où on s’est lancé vraiment en solo. Mais on a commencé en groupe, histoire de se rôder, de s’améliorer. On a fait quelques scènes, puis on est parti chacun de notre côté. Mais on est encore ensemble, on travaille en équipe. 

Tes premiers sons sont sortis sur Soundcloud ? 

Ouais. On était trop étranger aux plateformes, on ne connaissait pas les rouages. C’était le plus simple pour partager ses sons à l’époque, surtout que c’était en pleine expansion et qu’il y avait encore beaucoup d’auditeurs. C’était le meilleur compromis Soundcloud. 

Les artistes en dehors de la capitale ont tendance à nous répéter qu’il faut donner deux fois plus. Tu penses la même chose ? 

De base, oui, c’est totalement vrai. Quand tu n’es pas de Paris, généralement, tu te mets un truc en tête : les gars de Paris veulent pas écouter des gars de province. Pour moi, c’était vraiment ça l’image. Donc on s’est dit : il faut qu’on charbonne deux fois plus, sans savoir si ça allait vraiment intéresser. Mais en ce moment, depuis un an/un an et demi, j’ai l’impression que c’est vraiment en train de changer. Je me dis que, désormais, ce n’est même plus nécessaire d’être Parisien pour faire le bordel.

Regarde : on a eu l’explosion de Lyon, de Toulouse. Nous, on charbonne pour mettre Rennes sur la carte. Maintenant, j’ai l’impression qu’il y a moins ce délire de concurrence. On est plus dans un délire où à partir du moment où tu fais du bon son, on t’écoute. Comme je te disais avec Lyon, je pense que c’est eux qui ont lancé ce délire : «Province ou pas, on fait du son». Et maintenant, les gens écoutent plus par amour du son. Si tu fournis du bon son, on t’écoute. 

«Il y avait une volonté de ma part de me trouver musicalement»

On a l’impression qu’il y a une énergie commune avec cette nouvelle génération d’artistes. 

Exactement. Ça se sert les coudes avec ce que j’aime bien appeler la « nouvelle génération ». On se donne tous de la force. Tant que le produit est bon, que la musique est bonne, on va t’écouter. Après, ça passe aussi par les réseaux, mais ce délire de «Faut venir de Paris pour péter dans le rap», j’ai l’impression que ça s’efface petit à petit. Et ça fait du bien. 

Dans une interview pour CUL7URE, tu expliques que tu as « mis à jour » tes plateformes avant d’arriver avec KON SINATRA. T’as supprimé certains sons ? 

Pour te situer ça, je pense qu’avant KON SINATRA (parce qu’on a pris un moment à le faire), niveau rap, ce n’était pas encore mature. Pas encore au point. Le love qu’on avait pour la musique n’a pas changé, mais là, on a plus un niveau qui peut parler à tout le monde. Là, je n’ai pas honte de montrer mon rap à qui que ce soit en disant : «Vas-y écoute, c’est lourd». Avant, on a tout supprimé parce que c’était un step. KON SINATRA, c’était le passage de « rap pour le délire » à « produit mature ». Ce n’est pas terminé, on est toujours en recherche de soi-même, mais on est passé à quelque chose de professionnel. On s’est séparé de tout ce qui ne nous semblait plus vraiment au point, qui ne ressemblait plus à mon identité artistique actuelle. 

Passons sur KON SINATRA, ton projet en commun avec Kon Queso. Comment s’est faite cette collaboration ? 

C’est de l’initiative de Sely (ndlr. son manager). Il avait posé avec pas mal de têtes que j’aimais bien, dont « Low Bitch », avec Andrew Magenta, que j’avais adoré. Il m’a envoyé un pack de prod lors du premier confinement, on taffait en home-studio. Il y en a une ou deux que j’ai trouvé très lourdes. Je pose dessus et on fait un premier son. Et franchement c’était cool, ça nous plaisait bien. Du coup, on a continué à taffer sans parler de projet. Au fil des sons, on a commencé à bien s’entendre, donc je me dis : «Attends : j’ai besoin de prod, le mec fait des putains de prod, il y a une bonne alchimie, et je n’ai pas encore de projet en ligne». De là on en discute, et il était plutôt chaud, et Sely aussi. On s’est vraiment attelé à ça, on a charbonné et ça a pris un moment ! C’est un huit-tracks, mais ça a pris du temps à faire. Il y avait une volonté de ma part de me trouver musicalement. On prenait du niveau à chaque son, puis on est passé en mode propagande. 

«Quand j’écris un truc trop doux, j’ai vite tendance à trouver ça lisse»

Ça a pris du temps, mais vous en avez retenu que huit morceaux. C’était volontaire de votre part d’arriver avec quelque chose de concis ? 

On s’est toujours dit huit titres. Si on arrivait avec 15 ou 20 morceaux, ça fait vite insipide, surtout pour un rappeur qui arrive. Je sais que j’aurais moins tendance à écouter un premier projet de 20 titres. Alors que huit, c’est parfait, c’est léger, c’est concis. Et ça pousse à réécouter. Si les gens kiffent, ils en revoudront plus vite, parce qu’il y aura moins à se mettre sous la dent. 

On sent quand même que tu as voulu montré beaucoup de choses parmi la palette de productions choisies. 

En fait, c’est une carte de visite. Pour un premier projet, je me suis dit qu’il y avait moyen qu’il soit un peu entendu, donc je me suis dit : «Il faut faire ses preuves». Et comme je n’ai pas vraiment de style particulier, de style de prod, que j’aime toucher un peu à tout, le but, c’était de montrer l’étendu des capacités. Et avec un producteur polyvalent comme Queso, ça s’est fait vite. C’est selon la direction vers laquelle il m’emmène. Par exemple on a un « DAYSOFF » qui est beaucoup plus chanté, et je n’avais pas du tout l’intention de faire un son de ce genre-là. Je fonctionne vraiment au coup de coeur. Si la prod me plaît, je vois comment je pose dessus. Mais il n’y avait pas la volonté de faire un son pour tous les goûts. 

Tu ne lui donnais aucune directive, même selon tes inspirations du moment ? 

Franchement, il avait vraiment quartier libre. Après, « Keanu Reeves » par exemple, on avait déjà parlé d’un feat avec Tedax Max, donc il fallait une prod dans ce style, noire, pour que ça colle. C’est peut-être le seul truc où on l’a un peu aiguillé, même s’il avait déjà ça dans le sac. Comme c’est un projet commun, on ne voulait pas se borner. 

Tu as une écriture crue, provocatrice, même dans les images : d’où est-ce que ça te vient ? 

Ça a toujours été comme ça. Même dans mes premiers textes qui ne ressemblaient à rien, il y a toujours eu ce côté. Après, ce n’est pas provoquer pour provoquer, mais c’est ma manière de faire. Quand j’écris un truc trop doux, j’ai vite tendance à trouver ça lisse. Quand il y a des trucs un peu dégueulasses, c’est de l’égotrip, c’est de la provoc’, mais c’est comme ça que ça me vient. Après, il y a des phrases à la con, des trucs qui sont gratuits ou bêtes. Des fois, après la sortie je me dis : «Putain, cette phase elle était un peu stupide. À l’avenir, j’éviterai». Mais sinon, j’essaye de me borner dans mon écriture : j’écris comme ça me vient. Et si c’est dégueulasse, tant pis, c’est le personnage. 

Il y a certaines phases que tu regrettes ? 

La phase sur Feuneu, j’y ai réfléchis après la sortie, et je me suis dit : «Pourquoi j’ai mis ça ?». Le boug, je ne le connais pas, il fait du bon taff. Au début, quand j’écrivais, c’était en mode random. Ça a pris du level, donc forcément, c’est arrivé jusqu’aux oreilles d’un plus large public. Mais au début, tu te dis : «Je peux taper sur tout le monde, j’en ai rien à foutre, personne n’écoutera». Maintenant, je me dis plutôt : «Pourquoi je tape sur les gens gratuitement ?» Mais après, dans l’ensemble, je suis assez content de ce que j’écris. 

Maintenant que tu prends en notoriété, tu fais plus gaffe qu’avant ? 

Ouais. Je sais que je fais écouter généralement à Sely direct après et quand il me dit : «Cette phrase t’es allé trop loin», je la change. On se fixe des petites barrières. Je n’ai pas envie de travestir mon son, c’est quand même moi, mon image, ce que je dégage. Mais je me dis que ça peut tomber dans les oreilles de tout le monde maintenant. J’ai une mini-notoriété, je ne peux pas me permettre de rapper comme si personne ne m’écoutait. Il y a même certains trucs que j’ai dit dans KON SINATRA que je ne me permettrais pas de redire maintenant. 

«Quand tu as un projet qui fonctionne bien, forcément, tu as peur de la suite»

Dans KON SINATRA, on a un sacré paquet de références cinématographiques, avec Gogo Yubari, Keenu Reeves ou Travis Bickle. Ça te vient d’où ? 

Par mon père, je suis un énorme fan de cinéma. Je suis tombé là-dedans depuis que je suis petit. Les références, là-dessus, c’est ce qui me vient le plus facilement. Le cinéma, c’est ma base. C’est l’un des sujets sur lequel je suis le plus à l’aise. 

Qu’est-ce qui t’a le plus marqué ? 

Quentin Tarantino à mort. Martin Scorsese aussi. Ce sont mes deux réalisateurs références. Travis Bickle, Gogo Yubari, ce n’est pas étonnant que ça se ressente dans mes sons, car ce sont des choses qui m’ont marqué. Et qui me marquent encore. 

Ce sont des éléments qui t’inspirent pour tes visuels, tes propres clips ? 

En fait, pas vraiment. On a fait pas mal de clips avec des délires cinématographiques, avec des fils rouges en référence à certains films, mais ce n’est pas spécialement que l’on recherche en particulier. On a pas mal poncé le délire, et je pense peut-être qu’on va retourner sur de beaux visuels, mais pas forcément à scénario. 

Au-delà des références brutes, tu as peut-être plus de sensibilité au niveau de l’imagerie ? 

C’est vrai que niveau esthétique, j’essaye de faire très attention. L’avantage, c’est que j’ai travaillé avec de très bons clippeurs, et des gens qui ont à peu près la même vision que moi. Donc à ce niveau-là, c’était très respecté, je n’ai pas eu énormément de choses à dire. Je suis très pointilleux : s’il y a des détails qui ne me plaisent pas, ça ne sortira pas. Il faut que ça me ressemble. C’est dans la continuité de ce que j’écris : il faut que ce soit adapté de A à Z. Et le moindre truc de travers, ça va forcément bouger. 

D’ailleurs, Sinatra, c’est pour la liaison entre cinéma et musique ?

Ouais. En fait, à la base je m’appelais O Dawg. En me baladant sur Instagram, je vois qu’un autre enfoiré s’appelle O Dawg. Je me dis : «Arrête de te foutre de ma gueule !». Je ne pouvais pas m’appeler comme lui ! Alors, j’ai du enlever le «O», mais il fallait quelque chose qui colle avec. Et ça s’est fait bêtement, il me fallait une grosse icône. Je me suis dit : «Attends, on aspire à devenir quoi dans la musique ?» – sans prétention ! Ça collait bien. Mais il n’y a pas de sens hyper profond. 

Quelques mois après la publication de KON SINATRA, quel recul as-tu sur le projet ? 

Je le trouve toujours très bon. Après, faut savoir que je l’ai saigné de malade. Donc forcément, je commence à en avoir un peu marre. C’est vrai que j’écoute beaucoup mes sons, pour m’assurer que tout est carré. Par contre, c’est un projet dont je suis très fier. Il a plutôt bien fonctionné pour un premier projet. Dans l’ensemble, je suis content des retours, il y en a plus que ce que je pensais. Mais musicalement parlant, ça se sent que c’est un premier projet. 

Quand j’y repense, il y a des sons où je me disais : «Franchement, je ne sais pas si je pourrais faire mieux». Mais maintenant, c’est hyper motivant, parce que je sais qu’on peut le faire. Largement. Là, j’ai fait quelques sons dernièrement, et sans prétention, je sais qu’il y a un step-up. J’ai rebossé avec Queso, et je sais que la suite, elle mettra une gifle. Quand tu as un projet qui fonctionne bien, forcément, tu as peur : «Est-ce que je vais pas envoyer un truc plus naze ?». Si c’est le cas, je suis foutu.

La suite, c’est quoi pour l’instant ? 

On a pas mal de sons coffrés. Je sais que le prochain son s’appellera « Salem ». Je trouvais qu’il y avait un fil conducteur, c’est comme une série de freestyles. Quelques singles, avant de balancer la suite. On commence à bosser sur le prochain projet, mais ce ne sera pas pour tout de suite. Je veux vraiment qu’il fasse quelque chose de grand. On va le bosser minutieusement. Tant que ce ne sera pas parfait, ça ne sortira pas. On va faire patienter avec quelques singles, des clips : l’agenda, est bien rempli. 

KON SINATRA est toujours disponible.

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