Interviews
DJ Elite, l’oiseau noir du rap français
DJ Elite accepté de s’entretenir avec Interlude à l’occasion de la sortie de son excellent projet Blackbird.
DJ Elite est partout mais on ne le voit pas. Ces dernières années, il s’impose comme l’un des producteurs les plus influents du rap français. S’il est très discret et préfère laisser sa musique s’exprimer, le beatmaker a toutefois accepté de s’entretenir avec Interlude à l’occasion de la sortie de son excellent projet Blackbird.
C’est la première fois que tu te mets autant en avant pour un projet, est-ce que c’est plus stressant d’être sur le devant de la scène ?
C’est la première fois que je sors un projet solo, mais j’ai pas vraiment le sentiment de me mettre en avant. Je suis toujours entouré de mes meilleurs potes.
Tu dis que c’est un projet de potes, c’était donc évident de choisir ces artistes là pour t’entourer ?
C’est des gars avec qui je travaille déjà, j’ai déjà bossé avec eux sur leur projet ou sur des morceaux, c’est des gens avec qui j’adore travailler, ça s’est passé très naturellement comme casting.
Le casting est assez éclectique, avec des personnalités comme Anaika par exemple. Ce qui est très intéressant c’est qu’il y a une vraie unité dans le projet mais en même temps chacun des morceaux auraient pu être sur le projet des artistes en question. Je pense à Changerz ou à Tortoz par exemple. Comment ça s’est construit ?
Tout à fait. Par exemple Changerz, j’ai fait leur EP, je savais exactement où ils voulaient aller. Je m’adapte aussi à chaque artiste. Moi j’ai ma patte, eux ont leur univers et j’essaie de mélanger le tout pour arriver à un truc qui s’imbrique correctement et qui plaise aussi bien à leur fanbase qu’aux autres. Sur Ormaz et Tengo John j’ai essayé de faire en sorte que tout le monde se retrouve.
Il y a des artistes qui reviennent plusieurs fois d’ailleurs, comme Anaïka, mais aussi Ormaz et Aaron Cohen !
Ça aussi c’était parfois assez naturel. J’ai fait une trentaine de sons pour cet album, et pour Ormaz on bossait ensemble tous les jours sur son projet, on a fait beaucoup de sons ensemble. Aaron Cohen pareil, il vient tout le temps à Paris donc on avait aussi une dizaine de sons.
Après j’ai juste eu à sélectionner, en vrai c’est aussi ceux que je kiffais le plus qui sont sur ce projet, donc c’est pas vraiment un calcul. Parfois c’était intéressant, parce que sur deux sons différents ça donne pas du tout la même chose.
Aujourd’hui il y a de plus en plus d’album de beatmakers, aux USA notamment. Est-ce que c’est quelque chose que t’as envie de voir plus souvent?
Grave, ça m’intéresse. J’aime bien l’idée de sortir du schéma un album, un artiste, j’adore les compilations par exemple. Bon, pas les compils fun radio hein ! Voir un bonhomme qui réunit plein d’artistes qui auraient rien à faire sur le même projet ça me plait énormément. Y’a des mecs comme DJ Weedim qui le font déjà, c’est vraiment bien que ça arrive en France.
« Pendant longtemps, ce projet c’était mon hobby »
Est-ce que les artistes du projets se sont fréquentés pendant la réalisation de l’album ?
Ils se connaissent déjà tous ! Mais j’ai pas voulu forcer, non plus, genre toi tu fais un feat avec lui etc. On a vraiment réfléchi ensemble, à se demander qui on imaginait sur ça, au studio ça passe, ça se rencontre, c’est vraiment naturel. Y a du partage dans tous les sens.
Tu te vois recommencer l’expérience avec autant d’artistes ?
Oui, pourquoi pas ! En fait ce projet pendant longtemps c’était mon hobby, je faisais ça sur mon temps libre. Sur la dernière année c’était plus sérieux, mais si l’idée de faire un projet solo est venue très vite, la réalisation a pris au moins 3 ans.
C’était évident de nommer le projet Blackbird, comme ta structure ?
Oui, parce que ça rassemble tout ce monde, tout ce projet. Les artistes, le studio… J’avais pas envie de donner un autre nom parce que c’était une évidence.
« À l’époque, je me voyais bosser dans le monde entier. »
D’où vient ce nom, Blackbird, de la chanson des Beatles ?
(Rires) Non, bien que j’adore cette chanson. À l’époque je cherchais un nom qui soit facile à dire en français et en anglais, et qui ait de la gueule. J’aime bien l’idée de l’oiseau noir.
Un peu dans l’ombre quoi.
Exactement.
T’as choisis un nom facile à dire en anglais parce que tu te voyais bosser à l’international ?
À l’époque je me voyais bosser avec le monde entier, aujourd’hui je suis très bien en France, mais on sait pas de quoi est fait demain, peut être que je serais obligé de me délocaliser. Je voulais pas jouer à l’américain, c’était juste au cas où.
Qu’est-ce qui à changé depuis que ta structure a été créée ?
Entre temps tout à changé, j’ai fondé blackbird en 2011, il y a presque 10 ans, et maintenant le rap c’est la nouvelle variété française. On est en train de prendre de plus en plus de place.
Pour revenir sur le projet. Quand on a un projet all-star, comment on réfléchit à l’ordre de la tracklist ? L’intro “la raison” avec ft. Jaaz par exemple je la trouve assez étonnante, elle détonne un peu avec le reste de l’album.
Le premier track, c’était évident car j’avais envie qu’on ait besoin de se concentrer pour rentrer dans le projet, et après j’avais envie qu’on se détende. Mais au début je voulais un truc plus “à l’ancienne”, plus brut, et Jaaz que j’adore est très fort pour ça. J’avais pas envie de commencer le projet sur un truc trap super actuel.
Alors que le deuxième son est beaucoup plus actuel, très trap. Et pour l’outro avec Anaïka, Morning Mist ?
Après, pour l’outro j’avais envie de dire “voilà, maintenant calme toi” ! J’avais l’intro et l’outro, et le reste j’ai du changer l’ordre. Ces deux-là j’étais sûr de l’emplacement.
Pour parler de l’aspect visuel du projet, t’as révélé un trailer assez incroyable pour annoncer ta tracklist, ou chaque artiste est associé à un produit dans un supermarché. Comment t’as créé l’association artiste/produit ?
En fait l’idée est venue pendant le design de la cover avec mon graphiste qui s’appelle Nathaniel, et donc j’avais donné plusieurs références de pochette que je kiffais pour qu’il s’inspire. Il m’a fait plein de proposition et au final il y en avait une qui ressemblait pas mal à la pochette finale. Petit à petit, les personnages qui étaient fait via de la découpe, moitié dessin moitié collage sont apparus et du coup je lui ai demandé de sortir tous les personnages dont les corps appartenaient à des pubs, du coup on s’est dit “ah ouais mais on devrait faire ça nous aussi !” Après j’ai fait appel à deux réal bien barrés pour leur expliquer le concept et voir si ils étaient chauds de m’accompagner dans ce délire là.
D’ailleurs y a un côté très cinématographique dans le fait d’avoir un casting all star !
J’y ai pas réfléchi parce c’est mes potes, mais maintenant que tu le dis ! Moi j’ai fait une école de ciné. Je suis fan de ciné, surtout de cinéma anglais, et je regarde des films en boucle.
Le trailer c’était un peu Lois de Malcolm qui rencontre Black Mirror.
(Rires) J’ai surtout des influences anglaises, j’adore l’imagerie anglaise plus que les autres, notamment dans le traitement des couleurs par exemple.
Comme le cinéma de Guy Richie par exemple ?
Exactement.
Merci pour le temps. Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter Dj Elite ?
Je ne sais pas… Bonheur et santé ?
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