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Comment « FLIP » de Lomepal a tout retourné ?

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lomepal flip
© Raegular

FLIP, le premier album de Lomepal vient d’être certifié triple disque de platine, l’occasion de revenir sur l’impact de l’album dans la carrière de l’artiste.

Si FLIP a permis à Lomepal de se révéler au grand public, l’opus marque surtout l’origine d’un tournant pris par l’évolution du rap de Lomepal, dont les influences sont font désormais ressentir. En affichant et revendiquant sa « fragilité”, il assume son personnage torturé et pathétique en constante recherche de la reconnaissance et de l’affection qu’il est sûr de mériter. Si l’égo-trip était déjà une base de son rap, l’expression exaltée des sentiments les plus honteux eux se faisaient plus rares, moins assumés et surtout difficilement associables à un véritable succès.

Un éloge à la vulnérabilité humaine

Dans FLIP Lomepal assume son côté schizophrène, à commencer par le titre de l’opus en référence à une figure de skateboard qui consiste à faire vriller la planche : on peut alors voir les deux faces du skate. Il introduit cette notion dès le premier titre avec « Palpal » dans lequel il se sent comme «un connard et un mec bien dans le même corps». Ces deux entités vont s’affronter tout au long de l’album, et les passages de remise en question profonde et d’ego-trip exacerbé résultent de ce dialogue interne qui le rend fou. Sa réflexion reflète le malaise d’une génération entraînée dans système comme seul chemin menant à la réussite, qu’elle se sent obligé de suivre mais qu’elle sait inégalitaire et injuste. Comme il le dit dans « Ray Liotta »: «C’est pas gentil d’être méchant, mais c’est plus rentable que le bonheur des gens». Il compatit et condamne l’indifférence dont tout le monde fait preuve et les grands discours stériles sur la paix dans le monde : «Tout le monde souhaite un monde meilleur et au final, qu’en est-il ?» et «T’es différent, arrête tes blagues, t’es mignon. Même toi, tu feras tout pour avoir des milliards si un jour, tu gagnes des millions» dans « Lucy »

Lomepal est donc désabusé, mais il fait aussi part de la soif de vivre insatiable et dangereuse qu’il tente d’assouvir, en commençant pas le skate. Thème central de l’album, cette discipline réunit plusieurs choses chères à l’artiste : ses amis, avec qui il la pratique et le danger qu’elle représente. L’adrénaline et la douleur que lui procure ce sport à risque le font se sentir plus vivant, carrément immortel dans l’ode à la planche « Bryan Herman »: «Ça rend immortel, au-d’ssus des autres, faut rouler pour le croire». Il est conscient que la vie est belle et veut en profiter. Il ne veut pas avoir de regrets, quitte à se faire mal, l’échec étant plus à même de le faire avancer, comme il le dit dans « Lucy » : «Pas de pause, même si les pneus crèvent. On papote on verra ce que nos erreurs créent. Bad boys ne connaissent pas les regrets »». Mais l’artiste a tendance à s’annihiler dans sa passion :  «Aujourd’hui ça va skater comme un autiste», révélant son coté pervers que l’on retrouve d’autant plus dans son approche de l’amour.

© Raegular

Sa conception ambivalente de l’amour

Quand Antoine parle d’amour, c’est peut être le moment où il se montre le plus vulnérable. L’amour reste son jeu favori, car il lui apporte tout ce dont il a besoin : le risque, l’affection et la confiance en lui. «Si je regarde ses yeux c’est peut-être juste pour y voir mon reflet». Il a besoin de combler le vide avec les sensations brutes de la passion amoureuse et l’adrénaline. Mais là encore, il aime se faire mal. Blessé et désillusionné , il aime jouer avec le feu et les sentiments de ses partenaires.  Il faut aussi que les autres ressentent cette douleur, comme faire souffrir celle qu’il aime, capable de lui retirer sa souffrance et sa frustration. Le point culminant en terme d’émotion reste évidemment le morceau « Sur le sol » où il parle de la complexité de sa relation avec sa mère, s’ouvrant sur ces mots : «T’es tu déjà dit que la mort de ta mère te ferait du bien ? Moi, oui. Pourtant qu’est ce que j’l’aime».

Voir aussi: Lomepal raconte le jour où il a fait écouter “Sur le sol” à sa mère

Dans FLIP, Lomepal se combat lui-même, nu aux yeux des spectateurs tout en les invitant à effectuer eux aussi ce dialogue intérieur. Il revendique alors cette folie, présente chez chacun d’entre nous et à laquelle on peut tous s’identifier. Une délivrance personnelle, qui a su atteindre une communauté presque envisageable. Disque d’or en décembre 2017, platine en février 2018, double platine en octobre 2018 et désormais triple disque de platine : FLIP a connu un succès aussi linéaire que phénoménal. Cela, il le doit tant à son talent qu’à son introspection. Mais également à sa stratégie commerciale finement calculée, avec sa version Deluxe, fin 2017.

lomepal sur le sol flip

© Raegular

Un projet fondamental du rap français

Une très belle performance donc, pour un premier album sans aucun doute fondateur de sa carrière, qu’il chérit lui-même particulièrement. «Tu peux cracher sur mon nom mais tu touches pas à FLIP c’est un monument», demande-t-il avec toute la subtilité qu’on lui connaît dans « Ma cousin ». Après plusieurs projet très axés sur la technique, l’artiste a choisi de laisser libre court à l’expression de ses sentiments. Lomepal a toujours revendiqué des influences fortes en terme de travail des rimes et de style comme le rappeur Nubi, qu’il cite régulièrement en interview. Sur cet album, il n’est plus dans l’optique de prouver à tout prix qu’il sait rapper. FLIP est sentimentalement décomplexé et mature. C’est un bon équilibre entre technique et créativité, en témoignent aussi les versions acoustiques de certains morceaux sur FLIP Deluxe. 

Sur cet album on retrouve des classiques de l’artiste comme les titres d’or « Palpal », « 70″, « Lucy », « Bécane », « Danse » et « Club » et surtout « Yeux disent », son single de lancement aujourd’hui certifié diamant. Le succès de ce dernier a de toute évidence inspiré des morceaux comme « Trop Beau » et « Beau la folie » qui seront les grands succès de son prochain album. Le travail d’introspection effectué sur FLIP mène Lomepal à définir ce qui lui plait à lui et à son public et à se construire artistiquement. Il délaisse alors peu à peu cette folie schizophrénique et l’ego-trip pour se livrer avec beaucoup plus de douceur et de mélancolie, affichant encore plus cette vulnérabilité sur Jeannine.

Mais cet album est aussi fondateur pour les générations futures. Grâce à la réussite de FLIP, Lomepal ouvre une brèche dans le rap français dans laquelle bon nombre de rappeurs de la nouvelle génération s’engouffrent. Il y clame un message important haut et fort : il n’y a plus besoin d’être street-cred pour réussir et être pris au sérieux, message qu’il affirme d’autant plus dans son dernier album. Lomepal en parle notamment dans une interview pour LesInrocks en se revendiquant comme un artiste « fragile”. «Aujourd’hui, les jeunes aiment les êtres humains imparfaits mais qui brillent grâce à un talent ou un génie particulier. Le nouvelle idole contemporaine, c’est un Monsieur Tout-le-monde qui a une touche de génie et qui ne se prend pas trop au sérieux.» Ce Monsieur Tout-le-monde avec son skate, son impulsivité dérangeante et son souris niaire devant la caméra, le visage grimé d’un maquillage exagéré. Rien n’est « rap », rien n’est crédible, rien ne va. Mais Flip, c’est ça.

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