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Le génie incompris de JeanJass en cinq punchlines

© maxdehulster

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Après l’écoute de la mixtape High & Fines Herbeson s’est senti comme obligé de rendre un hommage à la plume bourrée de second degré et de références feignantes de JeanJass. 

JeanJass n’est certainement pas un fin lyriciste, conscient, technique ou virevoltant. Mais sa nonchalance assumée et son flegme contagieux en font le roi conquérant d’un rap absurde. Simple, le Belge écrit ses vers comme un one-man show, où son égo-trip s’illustre avec des images parlantes et réelles, où ses sentiments se perdent dans des métaphores bancales mais fines. Sur High & Fines Herbes, JeanJass semble définitivement avoir abandonné ses tentatives d’extravagances techniques au profit d’une verve je-m’en-foutiste qu’il maîtrise à la perfection. Et, qui plus est, vient parfaitement compléter l’approche plus vive de Caballero. Illustration en cinq punchlines.

«J’vois tout en grand comme si j’avais des jumelles, j‘m’inquiète deux fois plus comme si j’avais des jumelles»

Derrière cette phrase qui, malgré sa simplicité, nécessite plusieurs lectures pour être pleinement comprise, JeanJass joue avec le caractère polysémique de « jumelles ». Comprendre : deux définitions d’un même mot. Dans un premier temps, il explique voir les choses en grand. Une marque d’ambition, illustrée par la vision à travers des jumelles qui grossissent la réalité. Il reprend ensuite l’exemple des jumelles, cette fois-ci sous la forme de deux petites filles et se fond dans le rôle d’un père protecteur. Un père doublement inquiet pour ses jumelles. Logique.

«Souvent, les gens ratent la première phase du texte, du coup, j’passe direct à la suivante»

Illustration parfaite d’une écriture façon one-man show : se baser sur un fait de la vie réelle, le remodeler, et s’en servir pour envoyer sa punchline. Dans celle-ci, balancée évidemment en ouverture, JeanJass prend le contre-pied d’une phase d’introduction forte. Car, selon lui, les gens ne l’écoutent pas. Ainsi, il se contente sobrement d’expliquer sa manière de penser et de manquer délibérément et parfaitement son intro. Laquelle prend une autre envergure puisque la fin de sa mesure se conclut en point d’orgue égo-trip : «Merde, t’as que deux followers, ton disque a fait six ventes».

«Ma vie, c’est un film français, j’me fais trop chier»

S’inspirer de la réalité pour exprimer son propre sentiment. Plutôt cool. D’ailleurs, derrière l’aspect plutôt stéréotypé de la punchline, JeanJass tend à balancer une mince opinion, égratignant la pertinence des films français. Son avis étant complètement déconstruit par son expérience personnelle, qu’il qualifie de tout aussi nulle qu’un film français : «J’me fais trop chier». Une auto-dérision savoureuse. 

«Viens sur la tournée, sûr qu’tu vas trouver Caba’ marrant, j’donnerai ton nom à mon futur catamaran»

Cette punchline est d’une absurdité tellement folle qu’on sait déjà que notre analyse dépassera sa conception. Mais quand même, parlons-en. Car elle traverse deux thématiques fidèles de l’univers de JeanJass : le comique et l’amour. Là, l’artiste se lance dans une tentative de déclaration d’amour bancale, en invitant sa dulcinée à le rejoindre dans son univers, celui des concerts. Et comme on présenterait une femme à ses parents, JeanJass évoque Caba’. L’absurdité est appuyée par la rime improbable, presque honteuse avec catamaran. Une rime riche, trop évidente pour être assumée. Pourtant, on pourrait y voir un cheminement logique : la tournée entraîne argent et voyages, l’argent entraîne catamarans. Si facile, finalement.

«Parfois l’amour ça dégoûte, comme les nœuds dans les écouteurs»

La meilleure pour la fin. Dopé au burlesque et aux références douteuses, JeanJass a osé une punchline digne d’une phrase inspirée d’un pauvre influenceur Twitter, relayé massivement par un public large de 12 à 15 ans. Mais, étonnamment, dans le morceau, ça fonctionne. L’artiste fait décrocher un sourire. Et peu importe le sourire : moqueur, absurde ou épuisé, ça fonctionne. Car l’image est populaire et évidente : les nœuds d’écouteurs constituent un véritable problème de société. Les comparer à l’amour se révèle aussi branlant qu’efficace. Alors, moins ronflantes que quelques approches baudelairiennes, certes, mais tout aussi efficaces.

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