Interviews
Jimidjee : « Il faut travailler et se battre pour réussir »
Si vous vous êtes branchés sur la radio Hip-Hop Infos France ce mardi 3 mai, vous avez sans doute découvert le MC / producteur Jimidjee. Et bien, dans les coulisses de notre troisième émission, il nous a accordé une interview pour vous permettre de mieux le connaitre.
Jimidjee, de son vrai nom Jim Estay, nous a donné rendez-vous dans sa chambre, ou devrais-je dire son studio, pour se présenter lui, mais aussi sa musique et sa vision du hip-hop. Grâce à un flow percutant et une plume efficace, il a déjà posé les fondations d’un univers bien à lui. Après son passage sur nos ondes, le rappeur de 24 ans se livre sans artifice pour Hip-Hop Infos France.
Salut Jim ! Beaucoup d’entre nous t’ont découvert mardi pendant l’émission de radio 2HIF. Pour ceux qui t’auraient raté et ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur toi, peux-tu te présenter ?
Jimidjee: Je m’appelle Jim Estay, j’ai 24 ans. Par contre, je ne saurais pas te dire d’où je viens. J’ai trop déménagé pour ça. Je suis né dans le 93, mais j’ai vécu dans le sud ouest, en Bretagne, en méditerranée, pour au final descendre tout en bas (rires). Aujourd’hui je suis installé en Corse. J’ai commencé l’écriture à 11 ans. Si tu calcules, j’ai déjà 13 ans d’écriture derrière moi. A la base, je jouais de la guitare et c’est à 15 ans que j’ai commencé à me mettre à la prod et au beatmaking. J’avais même commencé à bosser avec un producteur, mais on ne s’entendait pas trop au sujet de ma direction artistique. Lui voulait en quelque sorte me vendre comme un produit et m’enfermer dans un style unique et définitif alors que moi j’avais envie d’aller voir un peu partout. Du coup, j’ai coupé les ponts et j’ai marché seul artistiquement. Depuis, je fais tout moi-même et j’ai même créé mon studio dans ma chambre. Petit à petit, je fais mon nid, mais je vous assure qu’il y a du lourd qui arrive !
C’est Eminem qui m’a fait découvrir et aimer le rap. Je veux être un digne représentant de son héritage.
Je vais donc revenir 13 ans en arrière. Qu’est ce qui t’as motivé à te lancer dans le rap ?
Jimidjee: C’est drôle parce que cette question je la sentais venir et elle me faisait un peu peur ! (rires) Je n’ai pas envie non plus qu’on sorte les violons, mais si tu veux, j’ai commencé le rap parce que j’idolâtrais certains artistes chez qui je me reconnaissais. A l’époque, j’étais un petit dans la merde avec ma famille, financièrement, c’était la dèche. Du coup, je me suis rapidement identifié à Eminem étant jeune, c’est lui qui m’a fait découvrir le rap, mais aussi 50 Cent. J’ai vraiment démarré avec eux. Je me suis dis que je voulais être comme eux, un symbole de réussite de parce que je vivais et ce que je pourrais partager via ma musique. L’essence de mon univers, c’est à eux que je le dois. Il faut travailler et se battre pour réussir et sortir de la merde, c’est mon cheval de bataille.
Une fois lancé, qui sont les rappeurs qui t’ont le plus influencé dans ton évolution ?
Jimidjee: Du coup, tu l’auras deviné, il y a Eminem. Il n’y a pas que lui, mais c’est pour moi le meilleur rappeur, il prend le top 10 à lui tout seul. Eminem, c’est ma religion. On a des similitudes au niveau du vécu. De la même façon que 2Pac l’a aidé à avancer, pour moi c’était Eminem. Il a fait le morceau « Legacy » (extrait de MMLP2 ndlr). Dans ce morceau, il dit qu’il laisse un héritage et ce que j’espère, c’est être le digne représentant de cet héritage. C’est pour ça que je ne peux pas me permettre de ne pas bosser. Eminem n’est pas seulement un génie de la musique, c’est un génie du travail, il ne s’est jamais arrêté de bosser. C’est pour ça qu’il prend énormément de place dans mon top. Eminem a réinventé le rap. Tous les rappeurs devraient prendre exemple sur son sens de la recherche et du travail. Cela dit, j’aime aussi Busta Rhymes et Tech N9ne qui techniquement, sont au dessus de tous les autres. Enfin, je dirais Cage. Il a beaucoup moins de flow que ceux que je viens de citer, mais il a un univers très sombre que j’aime beaucoup.
Pour moi, le rap est le fils du rock et je n’ai pas envie de voir mourir son géniteur.
Et en tant que beatmaker, quelles sont tes influences en terme de productions ?
Jimidjee: Je ne peux pas ne pas citer Dre. Cela dis, bizarrement, je ne suis pas seulement influencé par le Hip-Hop. J’aime beaucoup le Rock. Dans mes derniers titres, j’incorpore beaucoup de guitare électrique. J’ai un guitariste qui vient. C’est le seul ajout que je fais qui n’est pas de moi. C’est un truc que je veux intégrer parce que je trouve que ça disparaît aujourd’hui. Pour moi, le rap est le fils du rock et je n’ai pas envie de voir mourir son géniteur. Je veux lui laisser une petite place dans mes sons. Il y a aussi la musique classique, j’aime beaucoup Chopin et son côté « piano qui te prend les tripes », même si je n’ai pas encore le niveau pour le faire. (rires) Cela dit, je ne sample rien, tout ce que je fais, c’est 100% de ma composition. Le seul morceau que je n’ai pas produit est « Superchiasse ».
Passer sur la radio Hip-Hop Infos France était vraiment une expérience enrichissante.
Je suppose que de passer à la radio était quelque chose de nouveau pour toi. Qu’as-tu ressentis au moment de passer à l’antenne avec Valentin ?
Jimidjee: Le coup du Roi Heenok (rappeur québécois ayant fait le buzz en France grâce à Internet ndlr), je ne lui pardonne pas ! (rires) Il m’a dit que ma voix lui faisait penser à celle du Roi Heenok, merde ! Moi je te cite des influences comme Eminem et lui il me dit: « tu me fais penser au Roi Heenok ! (rires). Blague à part, j’ai trouvé ça carrément cool de votre part, merci encore ! C’est une expérience enrichissante franchement. Déjà le coup du top tweet (#2HIF a fini top 3 en tendance France à la fin de l’émission ndlr), ça m’a mis une petite pression. En fait, je me suis rendu compte que du coup, il y aurait un retour alors qu’à la base je m’étais dit que ça serait secondaire. Après, il y a quelques personnes qui ont dérivé sur ma page Facebook sur Soundcloud. Tout a augmenté d’une cinquantaine, voire d’une centaine de vues sur certains sons. Ça fait vraiment plaisir parce qu’il n’y avait pas grand monde à la base.
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Comment tu travailles ?
Jimidjee: Je travaille seul dans ma chambre. J’écris sur mon bureau, je compose et j’ai le mic à côté. Je jongle entre bureau, ordi et micro, j’ai trois pas à faire (rires). Plus sérieusement, tu vois ce petit bout de papier sur le mur ? C’est un emploi du temps marqué de 9h du matin à 2h du mat. C’est un vrai taf pour moi le son, je veux réussir. Il y a des heures où je dois écrire, d’autres où je dois composer, lire, mixer etc. Je m’organise, c’est vraiment un sport. J’essaye de le respecter un maximum, mais ce n’est pas toujours possible. Surtout qu’en ce moment je suis en session studio. J’essaye quand même de garder un rythme pour ne pas rouiller. Si je ne passe pas la moitié de la journée à faire du son, je culpabilise. Je ne travaille pas en dehors, j’en reviens toujours au Hip-Hop. Je ne sais rien faire d’autre et je le redis: je veux réussir.
Un premier CD, c’est symbolique, tu ne peux pas te permettre de faire n’importe quoi.
As-tu déjà des projets derrière toi ?
Jimidjee: Non pas encore. Même les quatre titres disponibles sur mon Souncloud ne sont pas des versions définitives. Ils en sont proches, mais ça reste pour l’instant de simples démos. Je travaille en ce moment même sur le mastering de ces morceaux parmi autres. D’ailleurs pour l’anecdote, je me base vachement sur l’album d’Eminem, The Marshall Mathers LP. Je suis assez perfectionniste, j’essaye de tendre vers c’est ton là, mais putain c’est dur. La différence c’est que je bosse seul dans ma chambre et qui lui était avec Dr. Dre. (rires). Bien sûr, j’ai sorti plein d’autres sons, mais comme je l’ai dit, je suis un peu trop perfectionniste. Dès que je sors quelque chose de nouveau, j’efface tout ce qu’il y a derrière. Bien évidemment j’ai quelques traces de certains, mais rien de définitif. J’ai assez de sons pour sortir une maquette et j’aurais déjà pu le faire depuis longtemps, mais je veux être sûr de sortir un projet de qualité. Je ne veux surtout pas balancer des sons au hasard. Pour te dire, les quatre sons disponibles à l’écoute ne seront même pas sur mon futur projet. Quand je sortirai un disque, il correspondra vraiment à ce que je veux faire. Un premier CD, c’est symbolique, tu ne peux pas te permettre de faire n’importe quoi. Je veux arriver avec un truc béton.
Je les emmerde et je deviendrai celui que je veux être.
Quels messages veux-tu transmettre dans ta musique ?
Jimidjee: Je dirais « Je les emmerde et je deviendrai celui que je veux être ». Evidemment, je le dirais avec plus de tact, mais dans l’idée c’est ça. Comme tout le monde, quand j’ai commencé le rap, beaucoup m’ont dit « Non, le rap c’est pas pour toi, c’est pour les autres. T’es un rêveur, tu ne feras jamais rien de ta vie » etc. J’ai l’impression que quand tu es dans la merde, les gens veulent que tu y restes. Je me suis toujours dit. « Fuck, j’ai de l’énergie, je pense savoir écrire et composer. » J’ai envie moi aussi de me dire qu’on peut y arriver quand on veut. Avec ma musique, j’ai envie de sortir tous les gens de leur merde du quotidien. J’ai envie de croire qu’on peut sortir de la merde par la force de la volonté et que rien n’est jamais perdu.
« J’suis dans Mario Kart. J’suis en retard, alors je sors mon étoile et la cale dans le cul de Bowser, oh non, merde, c’est le cul de Booba ! » (Superchiasse)
Dans ton titre « Superchiasse », tu dénonces frontalement, mais avec une bonne dose de second degré, l’évolution du rap français en général. (Allant même jusqu’à lancer une petite pique à Booba). Pourquoi avoir fait ce morceau ?
Jimidjee: Le rap français, c’est de la merde (rires) donc forcément ! Je vais sûrement me faire tacler si je dis ça, mais il faut que ça sorte. Le rap en France, j’ai l’impression que c’est une connerie et ce depuis ses débuts. Tu prends n’importe quel rappeur américain, dans toute l’Histoire du rap français, tu n’en as pas un seul qui lui arrive à la cheville. En France, il n’y a aucune recherche aussi bien au niveau du flow que du texte. Au niveau technique, c’est un seul et unique flow qu’un rappeur garde tout le long, sans aucune contre rythmique ni rien. Au niveau des textes, c’est de la branlette lyricale. Aussi bien dans la construction qu’au niveau des rimes, il n’y a pas vraiment de recherche. Le rap français se dit intelligent, mais de par sa construction, pour moi, il ne l’est pas tant que ça. On idolâtre le Rap Français, Booba, PNL tout ça. Pour moi, ils ne représentent rien. Pour rebondir sur Booba, autour de lui, il y a toute une masturbation. Même les puristes qui disent que dans Lunatic, Booba ce n’était pas pareil, je ne suis pas d’accord. Mec, Dans Lunatic, même s’il remplissait un peu plus la prod, le message dans le fond a toujours été le même. Il a toujours revendiqué qu’il voulait de la thune et des meufs. Dès que je peux tacler le rap français j’y vais à fond. Dans Superchiasse, c’est Booba qui en a pris pour son grade, mais ce n’est pas le premier. J’ai fait un son qui n’est pas sorti, « Eh Gros Trip », dans lequel j’ai taclé Maître Gims. Il n’est pas le premier et ne sera pas le dernier.
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Au-delà de Booba et Maître Gims, il y a quand même une nouvelle génération aussi bien en France qu’aux US, qui tente de donner un second souffle au Hip-Hop. Que penses-tu de cette évolution ?
Jimidjee: En France, la nouvelle génération me fait quand même un peu peur et dans le mauvais sens du terme. On sent clairement que le côté industriel est plus présent que jamais en ce moment. Aujourd’hui, toute la compétitivité se fait autour de ça et c’est malheureux. A l’inverse, aux USA il y a d’innombrable jeunes talents très prometteur comme Token, Composition, Cryptic Wisdom etc… Tous possèdent un esprit de compétition basé sur la technique et la recherche musicale. Les places sont restreintes là-bas et le niveau est élevé. Du coup, forcément les gens travaillent beaucoup plus pour percer. En France, beaucoup se retrouvent sous le feu des projecteurs avant l’heure. Il y a moins de recherche et ils finissent par tous se ressembler.
Mes deux prochains projets refléteront les deux facettes de mon univers artistique.
De ton côté, peux-tu nous dire quelques mots sur tes projets futurs ?
Jimidjee: Mon premier vrai projet dans les placards est The Motherfucking J EP. Cet EP sera en quelque sorte une bande annonce à mon album. Un album qui lui, sera plus dans la lignée de morceaux tels que « La Goutte de Trop » ou « Reste en Vie ». Ce sont des sons qui reflètent Jim. Sur The Motherfucking J EP, l’ambiance sera plus « Jimidjee » en quelque sorte. Mon côté sans limite, je m’en fous et je fonce que tu retrouves dans « Superchiasse ». Jim, c’est la raison et Jimidjee, c’est la folie, l’artiste schizophrène en gros. Autrement dit, ces deux projets refléteront les deux facettes de mon univers artistique. Je n’ai pas encore de date à communiquer.
Pour finir en beauté, as-tu une exclue pour Hip-Hop Infos France ?
Jimidjee: J’ai bossé toute la nuit pour pouvoir finir ce son et vous l’envoyer ! (rires). Il s’agit du titre « Guerre ». N’hésitez-pas à me faire part de vos retours ! Peace.
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Propos recueillis par Jérémie Leger
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