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Musique

Sheldon : «Parler de soi, c’est intéressant si les gens peuvent en retirer quelque chose»

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Sheldon sorties de la semaine

Sheldon a révélé son nouveau périple Spectre, long de dix-neufs morceaux, et construit en partie grâce à la générosité de sa communauté. 

Sheldon a quelque chose de solennel, d’inspirant, de contagieux créativement. Pionnier de la 75ème Session, il repousse sans cesse les frontières artistiques, imaginant des projets audacieux et originaux. C’est cette folie épidémique qui a certainement conduit sa communauté à faire exploser la cagnotte de sa campagne de crowdfunding, qui a permis le financement de son album. Une énergie chiffrée à 365% au-delà des espérances, que Sheldon a incorporé dans Spectre, un opus de dix-neuf morceaux où il ouvre les portes de son antre mystique. L’artiste s’offre un voyage personnel, comme pour rendre la pareille à son entourage, un entourage sur le quel il s’appuie pour livrer un projet riche et apaisant. Rencontre.

Ton album a été financé via un crowdfunding. Tu es allé faire écouter l’album en avant-première aux personnes qui ont participé au financement, quels étaient leurs retours ? 

On a fait l’écoute lundi dernier, c’était très cool. Tu es en peu en terrain conquis, ils auraient pu ne pas aimer l’album mais ils ont l’air d’avoir grave kiffé donc je suis content, c’est un peu sécurisant. Ensuite tu ne sais jamais trop, les gens du KissKiss qui étaient là, c’est des gens qui ont mis au moins 200€ donc c’est des gens qui ne sont plus à convaincre.

Est-ce que le fait qu’ils aient participé financièrement, ça te rajoute une pression ? On peut les voir un peu comme chacun des « mini-producteurs ». 

Ça me fout la pression pareil. Quand on a lancé le KissKiss, le projet était déjà bien avancé, on était sur la fin de la création, la fin des mix, des masters, ça met la pression de ouf car tu n’as pas envie de décevoir les gens et surtout que dans mon cas c’est un KissKiss qui a très bien marché même bien au-delà des attentes qu’on avait à la base. Donc ouais, j’avais la pression de ouf de leur faire plaisir. J’ai aussi fait le choix de faire le KissKiss tard pour ne pas être trop sous influence, pour faire l’album dont j’avais envie et moins être obsédé par la question de faire un album qui allait plaire, essayer d’être sincère jusqu’au bout dans la démarche. Après je ne te mens pas, j’ai un peu la pression quoi qu’il se passe, j’ai toujours essayé d’être juste avec les gens qui m’écoutent. J’ai toujours considéré que c’était une mega chance, donc oui, j’ai la pression, mais c’est une bonne pression. C’est de la pression saine.

On va tout de suite rentrer dans le vif du sujet, parlons de ton album. Il y a 19 tracks, comment on sort un projet aussi cohérent avec autant de morceaux ? 

Je pense que c’est une affaire de registre. J’ai un espèce de terreau dans lequel je fais ma sauce, même si les morceaux vont être différents les uns des autres. Je pense que tu retrouves toujours une histoire de style. Je ne sais pas très bien expliquer pourquoi c’est homogène d’autant qu’on n’a pas vraiment réfléchit le truc. Sur Lune Noire par exemple, c’était plus un projet où il y avait un fil conducteur réfléchi. Je pense que c’est un reflex que je dois avoir. Pas de faire des trucs qui se ressemblent mais être attentif à ce que tout s’emboîte correctement. Ensuite, il y a aussi les gens avec qui j’ai bossé. Le fait de bosser en circuit un peu fermé avec que deux producteurs : c’est soit des prods de Vidji ou d’Epeck, soit des prods des deux ensemble. 

 Tu étais présent à chaque fois lors des compositions des instrus ?

J’étais là tout le temps. Mais aussi parce que c’est un nouveau monde de confier les prods d’un projet à moi à d’autres gens, tout comme les mixs, ne pas avoir à s’occuper de ça. Donc j’étais là pour veiller au grain. Et puis même, c’est ce qui m’intéresse le plus dans tout ça, c’est le processus de création et le fait de faire de la musique. Je n’arrive pas du tout à avoir un rapport détaché à tout ça.

Tu disais dans l’argumentaire du KissKiss à propos de Vidji : «Il me permettra de prendre de la distance avec ma musique et de bénéficier d’une oreille différente». C’était important du coup pour toi de prendre un peu de recul et d’avoir l’avis d’autres gens sur ta musique ? 

Le recul, c’est hyper précieux. Après  j’ai eu la chance au Dojo d’être dans un vivier où il y avait beaucoup de rappeurs, beaucoup de beatmakers, beaucoup de gens tout le temps. Donc meme quand j’étais seul sur mes projets, j’avais énormément de gens pour m’aider, me conseiller ou avoir ce regard. Maintenant que le Dojo est fermé et que le nouveau studio n’est pas ouvert, je suis un peu plus isolé car il y a moins LE lieu où on se retrouve tous. Donc oui c’est clair que Vidji m’a amené ce recul. Je ne sais pas si j’avais besoin de faire ça, juste je trouve ça cool de ne pas avoir le même process tout le temps. 

On l’a dit, il y a 19 morceaux, est-ce que tu as toi un morceau coup de coeur dont tu voudrais nous parler ? 

Le morceau qui me plait le plus c’est « Mon amoureuse ». Je suis content d’avoir fait et mis un morceau comme ça dans l’album car, forcément, ça m’évoque des choses cool donc c’est égoïstement mon morceau préféré. Je comprends que si les gens l’écoutent ça ne leur fasse pas tiquer mais moi il me ramène à quelque chose de positif. Globalement, ce qui est très different dans le fait de bosser avec des gens, de ne pas avoir à assurer tes mix et tout, c’est que je suis beaucoup moins soulé de l’album que je peux l’être quand je fais tout. C’est le premier  projet que je sors que j’arrive à écouter et que je suis content d’écouter. Pas que je ne suis pas fier des autres, mais en général, surtout au moment de la sortie, juste après qu’il soit fini, quand c’est moi qui fait tout, je l’ai écouté beaucoup de fois. Et là, le fait d’avoir été soulagé de ce truc là, je prends encore du plaisir à entendre les morceaux et à les écouter. 

C’est un album très personnel avec justement des morceaux comme « Mon amoureuse » ou « Caverne », tu t’imaginais il y a quelques années être capable d’écrire et de sortir des morceaux comme ça ?

C’est différent de ce que j’ai fait avant. J’ai essayé de ne pas trop faire de calculs avec ça, j’ai essayé d’attendre le moment où j’avais envie de parler de moi pour parler de moi. C’est arrivé naturellement et peut-être que dans le prochain album je ne parlerai pas du tout de moi. Pour cet album, je ne sais pas si j’en avais besoin, je me suis dis que c’était un moment où ma vie qui était suffisamment cool et où j’avais suffisamment de trucs à dire. Parler de soi, c’est interessant si les gens peuvent en retirer quelque chose, donc j’ai juste attendu que ce soit naturel de le faire. Et est-ce que ça m’a fait du bien ? Oui j’imagine, après je crois que faire de la musique c’est un peu thérapeutique pour tout ceux qui en font. Donc clairement ça m’a fait du bien, je suis content de ce qu’il y a dans l’album et ensuite ça ne m’appartient plus, c’est aux gens de dire si parler de moi sur un album c’est des choses qui leur font écho quand ils l’écoutent. 

Sheldon

Il y aussi pas mal d’ambiances dans l’album (bruit de pluie, de voitures, etc.), comment s’est passé toute cette partie réalisation du projet ? 

C’est spécial car quand j’ai fait Lune noire, il y avait beaucoup ça car il fallait que ce soit cinématographique et sur ce projet c’est moins mes idées, ce sont plus des idées qui vont venir notamment de Vidji. Il aime bien avoir des espèces de socles ou de textures dans les prods qui viennent un peu trancher avec le côté numérique d’une prod de rap. Et moi quand c’est un truc qui ne m’est pas complètement étranger, et comme j’étais aussi dans l’optique de me laisser guider, il y a eu aussi beaucoup de moments où je les écoutais et leur laissais me dire. Je pense même qu’il y a certaines choses dont on n’a pas parlé.

Parlons des feats, la connexion avec Isha est incroyable. Vous vous connaissez depuis longtemps ? 

On se connait depuis un petit temps, c’est un mec que je kiffe grave. Ce nest pas un mec dont je suis hyper proche mais avant tout je suis ultra fan de ce qu’il fait. On s’était capté au Dojo au moment où je faisais Lune Noire, on s’était fait écouter des trucs, on avait bien discuté et ce projet c’était l’occasion de l’inviter car j’avais très envie de faire un morceau avec Isha mais je n’avais pas envie de le trainer sur un terrain où c’est peut-être moins son truc comme RPG et FPS par exemple.

Cet album c’était un bon prétexte, il y avait un terreau pour le recevoir et du coup assez simplement, je lui ai envoyé un message. Je ne savais pas du tout s’il allait avoir envie et il a été archi chaleureux dans sa réponse, on s’est capté en stud’ à Paris, j’ai passé un bête de moment. C’est vrai que c’est moins mon cercle intime comme les autres feats du projet par exemple avec qui je suis tout le temps mais c’est un vrai feat de coeur.

Dans le morceau Isha dit : «Isha est trop chaud, t’as l’impression qu’jsuis un mec du dojo», je pense qu’on pouvait pas te faire meilleur compliment ? 

Ca fait trop plaisir ! Pour moi c’est l’un des Padré, c’est une flatterie énorme en même temps que c’est une marque d’affection à notre égard que je trouve maxi touchante donc trop cool. Ca fait trop plaisir.

D’un point de vu extérieur tu es le mentor de beaucoup de personne via ta position à la 75ème Session, est-ce que toi justement tu as aussi des « modèles », des gens qui t’inspirent ? 

Je suis déjà très admiratif de mes gars en tout premier lieu avant même d’aller chercher à l’extérieur, ce sont des gens avec qui j’apprends déjà quotidiennement. Évidemment, Népal parce que c’est un rappeur immense et le fait de l’avoir vu et le fait d’avoir été à son contact tout le temps renforce encore ce truc. J’ai commencé le rap avec lui, il m’a beaucoup aidé sur plein de trucs donc je pense en premier à lui. Il y a Limsa aussi, Flynt également, une énorme inspiration et aussi un mec qui m’a donné de la force. Des mentors j’en ai plein, tous les gens que j’ai énormément écouté y compris ceux que je ne connais pas.

Une passage qui m’a marqué dans le morceau « Skyline » c’est quand tu dis : «J’suis juste un roi sans royaume». Parle-moi de ça car selon moi, tu as un royaume.

Roi sans royaume c’est trop stylé, tu as tout les côtés nobles de ce que peut évoquer un roi sans tous les aspects négatifs du pouvoir. C’est ça que je veux dire. Effectivement on a un petit monde la 75 – c’est d’ailleurs très prétentieux de ma part de m’auto-proclamer roi – je suis éventuellement roi de mon studio car c’est moi qui éteint les machines. Mais en soit, « roi sans royaume », ça veut juste dire que j’ai conscience que j’ai une parole entendue et que plus le temps passe plus je prends conscience des responsabilités que ça implique mais j’essaye de ne pas m’en servir comme un roi. 

Plutôt que de parler de pouvoir, le royaume je le voyais plus comme des terre

Même des terres, je n’en ai pas. J’ai eu le Dojo à un moment, mais le Dojo vécu de l’intérieur c’est pas du tout mon royaume, c’est un endroit où on est tous, qui appartient à personne et certainement pas à moi. C’était un espèce grand bac à sable dans lequel on a pu tous évoluer. Je ne revendiquerai donc pas souverain de ces terres (rires).

Tu dis aussi dans Fumée : «J’suis plus efficace quand je suis moins visible». C’est vrai que dans la 75ème, il y a toujours eu des zones d’ombres et vous avez toujours laissé parler la musique avant tout.

Pas forcément. Quand on nous demande de parler, on parle, mais c’est simplement que nous ce qu’on aime, c’est faire de la musique. Ensuite, on est très en retard si tu regardes notre génération sur tout ce qui vient une fois que la musique est faite. Je pense que naturellement ça nous intéresse moins, nous notre truc c’est de faire des choses. Je ne sais pas si ça intéresse beaucoup les gens de savoir qui je suis et je ne sais pas, quand bien même ça les intéressait, si moi ça m’intéresserait qu’ils sachent. Ça ne m’empêche pas notamment de dire des choses sincères dans Spectre mais en tous cas, moi j’aimais bien quand j’écoutais de la musique plus jeune, j’aimais bien le côté mystérieux et notamment comme je suis la génération charnière entre les réseaux / pas les réseaux. J’ai commencé à faire de la musique quand il y avait les réseaux, mais quand j’ai commencé à en écouter, il n’y en avait pas. J’allais acheter mes skeuds’ et le maximum d’infos que tu pouvais glaner sur un artiste ou un album c’était si tu allais acheter un magazine et lire une interview, c’était le meilleur accès.

J’ai toujours trouvé ça très cool que les artistes soient mystérieux et avoir accès qu’à l’oeuvre. Moi je suis un fabricant de musique, j’ai pas de volonté particulière à être une personne public, je suis pas non plus dans le rejet de ça mais ce n’est pas mon objectif premier. Mon objectif premier c’est de faire des chansons et faire kiffer les gens. Il y a de fortes chances que les gens qui m’aiment, m’aiment car je passe énormément de temps au studio à faire de la musique.

Pour conclure, c’est quoi la chose qui te fait plus plaisir en ce moment en lien avec ta musique ? 

Quand les gens écoutent… Non, en fait, moi ce qui me fait vraiment le plus plaisir c’est quand ça donne aux gens envie de faire des trucs, c’est ça la consécration. Si je reçois un DM de quelqu’un qui me dit : « Ça me donne envie de faire des prods » ou « Ça me donne envie de rapper » ou « Je t’écoute en dessinant mes BD », ça c’est les mots qui me font le plus chaud au coeur. Ça fait direct écho à ce que je suis, au besoin d’écouter de la musique pour avoir envie d’en faire. Quand j’ai l’impression que ça sert de moteur à d’autres gens c’est très gratifiant. 

Spectre de Shelon. 

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