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All-Amerikkkan Bada$$ de Joey Bada$$, une sombre Amérique pour un album somptueux

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Joey Bada$$ - All-Amerikkkan Bada$$, une sombre Amérique pour un album somptueux

Revoilà Joey Bada$$ qui nous livre en ce vendredi 7 avril, son deuxième album All-Amerikkkan Bada$$, un projet prenant à contre-pied son travail passé. Et le résultat est somptueux.

Pour un artiste, un premier album permet généralement de forger son identité musicale. A partir de ces bases, assurer la transition avec le sophomore, comme on l’appelle outre-Atlantique, peut s’apparenter à un exercice délicat. Surtout quand on s’appelle Joey Bada$$ qui, avec B4.DA$$, avait d’ores et déjà placé la barre très haute en 2015. Le défi est alors double : proposer un album aussi bon, voire meilleur que son prédécesseur, tout en arrivant à confirmer et, osons le dire, à se renouveler. L’histoire nous aura enseignée que tous n’y sont malheureusement pas parvenus, mais force est de constater qu’avec All-Amerikkkan Bada$$, le rappeur de Pro Era a réussi son pari. Et avec la manière mesdames et messieurs.

Devastated, un premier single évocateur

D’autant plus que, ne nous mentons pas, Dieu sait à quel point ce deuxième opus était attendu, encore plus depuis son dernier freestyle. Mais déjà presque un an plus tôt, Joey nous présentait les premières ébauches de son travail. Retour en 2016, le 24 mai plus précisément, lorsque que le jeune new-yorkais jouait pour la première fois sur scène, « Devastated », pendant le festival Coachella. Premier constat : ce premier single marque une rupture énorme, quasi-totale, avec ses titres précédents. Ancré dans le boom bap, avec des productions et des textes très sombres, Joey Bada$$ propose cette fois une formule bien plus chaleureuse, tant dans ses lyrics que dans la musicalité. La raison est simple. En deux ans, Joey a grandi en tant qu’homme et en tant qu’artiste. Il est désormais reconnu, ce qui lui a définitivement permis de sortir la tête de l’eau. Le message ici sonne donc comme une ode à la persévérance pour son public. Comprenez, transformer vos galères quotidiennes, en une force qui vous permettra de tout surmonter.

Melodic Bada$$ entre en scène

Cette nouvelle facette plus mélodieuse est d’autant plus perceptible tant celle-ci est présente sur la grande majorité de l’opus, dès les premières notes d’ailleurs. Sans parler de l’introduction qui pose les fondations de ce que sera le ton et l’atmosphère générale du disque, quelle entrée en matière que ce « For My People », un morceau soft et jazzy dont les fulgurances de saxophone viennent sublimer le son léger, mais bienvenu des batteries. L’album se poursuit et tandis que nous sommes transportés par ce vent de fraîcheur, un sentiment délicieux nous envahit. Celui que l’été arrive. Une sensation de chaleur visible jusqu’à la cover.

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Mais par-dessus tout, Joey se sent vivant et nous le fait savoir. Il nous surprend même à pousser la chansonnette sur « Temptation ». Celui-ci n’a certes, pas une voix naturellement portée vers le chant, mais on sent dans la démarche, cette passion et cette volonté de déployer ses ailes en ne se mettant aucune barrière. Le résultat est même diablement efficace, tant la voix posée du rappeur et son flow puissant, se relaient en s’imbriquant parfaitement à l’instru chill et groovy concoctée par Kirk KnightLa rédaction est unanime, la production globale de All-Amerikkkan Bada$$ est prodigieuse. Changer de style tout en restant cohérent, il fallait oser, Joey Bada$$ l’a fait.

New-York State of Mind

Le chill et le chant, il nous a prouvé avec cette première moitié d’album, qu’il les maîtrisaient. Néanmoins, quand on écoute un album de Joey Bada$$, on est en droit d’attendre les influences new-yorkaises qui vont bien. Fort heureusement, le emcee de Pro Era n’oublie pas ses racines. Sur la seconde moitié de l’opus, on retrouve avec plaisir les sonorités sombres et plus boom bap, biens connues de sa discographie, « Ring The Alarm », You Don’t Love Me ? (Miss Amerikkka) », ou encore « Super Predator », avec la splendide production signée Statik Selektah. un coup de cœur probablement très subjectif, mais qui sera sans doute, du moins espérons-le, partagé par vous, chers lecteurs.

Les racines new-yorkaises de notre héros du jour se ressentent en terme de musicalité, c’est évident, mais aussi dans le choix judicieux des featurings. Sans parler de ses acolytes de la famille Pro Era, Nyck Caution et Kirk Knight (qui nous prouve par ailleurs, qu’en plus d’être un producteur prometteur, il est un excellent kickeur.), il a aussi fait appel à des noms emblématiques de la scène locale tels que Style PMeechy Darko (l’un des membres des Flatbush Zombies) et bien sur J. Cole, sur « Legendary ». Un morceau qui au passage, rappelle les sonorités jazzy propre au dernier album de Cole, 4 Your Eyez Only. Logique.

l’Amerikka, sa propre vision des Etats-Unis

Musique mise à part, n’oublions pas que Joey Bada$$ a surtout l’une des plumes les plus aguerris de sa génération. Ainsi, sur ce deuxième album, il se place non seulement en observateur, mais aussi en dénonciateur. Par la force de ses mots, il dresse un tableau noir de l’état d’urgence sociale dans lequel se trouve la société américaine en 2017. Pour sûr qu’il ne mâche pas ses mots : l’Amérique telle qu’il la voit est raciste envers les afro-américains. Sa communauté est gangrenée par les injustices sociales et surtout par les violences policières. Cette définition hostile de son pays est visible jusque dans le titre All-Amerikkan Bada$$. Si celui-ci renvoie symboliquement à l’album d’Ice Cube, AmeriKKKa’s Most Wanted, la référence initiale est quant à elle, bien plus explicite : vous aurez évidemment reconnu l’acronyme tristement célèbre du Klux Kux Klan, l’organisation suprématiste blanche des Etats-Unis.

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La voilà l’ultime force de cet album : son ambiance musicale majoritairement chaleureuse qui vient contraster totalement avec les sujets graves qu’il aborde. De plus, un titre symbolise parfaitement cette transition entre les sons chatoyants et les autres plus noirs : « Ring The Alarm ». Sous couvert d’un rap hardcore qui lui manquait grandement jusqu’ici sur cet opus, l’artiste sonne littéralement l’alarme face à la situation toujours plus critique de son pays. A tel point que le soleil va s’éclipser pour laisser place à un orage grondant. Il se pourrait même qu’un homme politique bien particulier y soit pour quelque chose.

Envers et contre Donald Trump

Comme si tous ces problèmes sociétaux ne suffisaient pas, voilà que l’Amérique se retrouve gouvernée par Donald Trump. Du haut de ses 22 ans, n’oublions pas que le rappeur de Brooklyn fut l’un des premiers à prendre position contre le républicain, et ce bien avant son élection. On peut donc affirmer sans trop se mouiller que la direction artistique du projet a été influencée par l’actualité et la campagne présidentielle. Si le « Fuck Donald Trump » crié haut et fort dans le banger « Rockabye Baby » avec ScHoolboy Q (qui par ailleurs se hisse indéniablement parmi les meilleurs titres de l’album), souvenez-vous que Bada$$ l’attaquait déjà frontalement dans « Land of The Free », un morceau qu’il dévoilait d’ailleurs le jour de son investiture, c’est tout dire. « Donald Trump n’est pas équipé pour être à la tête de ce pays. Soyons honnêtes, on sait tous quels sont les motifs réels », déplore-t-il. La seule chose que l’on peut regretter ici serait que son franc-parler n’ait pas réussi à empêcher son élection, mais passons.

Pour conclure, relevons tout de même les quelques défauts de ce projet, bien qu’ils soient minimalistes pas d’inquiétude. Parlons durée, car 12 titres peuvent effectivement sembler un peu court. Un manque de variété est également à souligner : le projet se découpe facilement en deux parties successives. la phase lumineuse au début et les morceaux plus sombres à la fin. Est-ce pour autant véritablement un défaut ? Clairement non, tant l’ensemble reste cohérent.

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En définitive, loin d’être fataliste, Joey Bada$$ cherche au contraire avec ce deuxième album, à fédérer le peuple américain en prônant la sagesse et l’ouverture d’esprit. J’en veux pour preuve ses propos publiés sur Facebook, quelques jours avant la sortie. Une phrase lourde de sens empruntée à Martin Luther King en personne. « Une justice trop longtemps retardée est une justice refusée ». Tout est dit.

Il ne vous reste maintenant plus qu’à vous faire votre propre avis. Vous pouvez écouter All-Amerikkan Bada$$ de Joey Bada$$ ci-dessous.

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