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Passion, Pain & Demon Slayin’, la thérapie psychédélique de Kid Cudi

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Attendu au tournant depuis l’échec de son dernier projet, Kid Cudi nous revient de grâce avec Passion, Pain & Demon Slayin’, un album thérapeutique pour un artiste qui n’a jamais cessé de se battre contre ses nombreux démons.

Négliger l’impact de Kid Cudi dans la musique reviendrait à réécrire une page entière de l’Histoire du hip-hop, un monde qui sans lui n’aurait jamais été le même. Un héritage lourd qui aura malheureusement poussé l’artiste à se brûler les ailes. Après avoir quitté G.O.O.D Music, celui qui se fait désormais appeler « The Chosen One » s’enivre de son succès. Nouvellement indépendant et seul contre le reste du monde avec Wicked Awesome Records, il prend un virage à 180 degrés vers le rock alternatif. Un élan de créativité audacieux, mais qui n’aura pas été au gout du public, loin de là.

Si on peut aisément critiquer ces derniers choix musicaux, avec Passion, Pain & Demon Slayin’ nous savons exactement où Kid Cudi veut nous emmener. Le titre de l’album d’ailleurs, illustre parfaitement le tumulte de sa carrière. Scott Mescudi est un artiste passionné, un homme tourmenté, mais qui n’a jamais cessé de chercher à s’en sortir. Tel est donc le fil conducteur de ce sixième opus : une longue quête de paix intérieure mise en scène en quatre actes. Près d’une heure et demie durant laquelle Cudi, toujours aussi émotif et sincère, va progressivement passer de l’ombre à la lumière.

Acte 1 : Tuned

« Élargissez votre point de vue et adaptez-vous à ma musique. Écoutez-la seul pour bien l’apprécier et laissez-vous emporter par l’ambiance. » Le conseil et signé Kid Cudi lui-même dans « Frequency », le single d’ouverture de l’album. Aurait-il la rancune tenace ? Mister Solo Dolo s’adresse-il aux détracteurs de Speedin’ Bullet 2 Heaven qui selon lui, n’avaient pas compris le message de ce dernier ? Possible. Si tel est le cas, force est de constater que cela n’a pas empêché son auteur de se remettre en question tant cet album s’annonce différent du précédent. Pour sûr que sa musique, cette »Fréquence », comme il aime à l’appeler, est unique.

A l’image du visuel complètement psychédélique de cette introduction surprenante, les deux morceaux suivant de l’acte I confirment la tournure sombre de ce début de projet.« Vous pourriez essayer d’endormir la douleur, mais elle ne disparaîtra jamais », scande-t-il sur le refrain de « Swim In The Light ». C’est alors que l’on comprend sans peine pourquoi Scott Mescudi a choisi de s’interner en hôpital psychiatrique une fois l’album terminé. Contrairement à ce qu’il affirmait quelques années plus tôt, il est toujours dans le mal, en proie à la dépression et torturé par ses nombreuses addictions. Il essaye pourtant de s’en échapper, mais en vain. Notre héros du jour est-il pour autant perdu ? Non, car la musique est bien la meilleure des thérapies. Ainsi, sur « By Design », Kid Cudi change radicalement de registre. Exit la mélancolie, l’heure est à l’exaltation. l’artiste chante à pleine voix son bonheur d’être en vie et sa liberté de faire de la musique comme il l’entend. Sur ce beat funky aux notes de piano catchy produit par Plain Pat & Pharrell Williams, il est accompagné pour la première fois du grand Andre 3000. L’alchimie entre les deux est aussi limpide que leur vision de la musique est similaire. Encore une fois, leur prêche est claire : quand on est artiste, il faut oser la prise de risque.
Enfin, le premier acte se clôture sur « All In », second single produit par Mike WILL Made It dans lequel il évoque une relation brisée dont il essaye de recoller les morceaux. Parce que oui, Kid Cudi est aussi un grand romantique, mais nous y reviendrons.

Acte II : Prophecy

Ici, pas d’entracte, on enchaîne directement avec le deuxième acte. Cudder qui fermait pourtant le précédent sur une note joyeuse replonge immédiatement dans la dépression et les addictions, tels des images qui s’éclipsent et reviennent sans cesse nous hanter. Point positif par ailleurs : c’est bien sur « ILLusions » que l’on retrouve pour la première fois le Man On The Moon à ses débuts.

Rechute mise à part, si Scott Mescudi s’est auto-proclamé « The Chosen One » sur Twitter, ce n’est pas pour rien. Il est selon lui sujet à une prophétie divine. Une cartomancie qu’il énonce en grande partie en compagnie de la fille Smith, Willow sur le titre « Rose Golden ». Contre toute attente, on est bien loin de l’enfant star qui secouait ses cheveux quelques années plus tôt. Le jeune chanteuse a mûri et a aujourd’hui appris à poser sa voix. Les violons mélodieux sublime la production d’un morceau qui s’apparente alors à un nouvel éclat de lumière prêt à ronger les ténèbres à l’affût de l’Élu. Au cœur de ce deuxième acte se trouve donc la religion, autre pilier central chez Cudi. En témoigne également sa collaboration hypnotique avec Travi$ Scott, qui après l’avoir invité sur son album, figura pour la première fois sur un projet de son idole. Un échange de bon procédé en somme.

Sauf qu’on se rend bien compte que ni la musique, ni la religion n’arrivent à exorciser totalement ses fantômes, sinon notre ami ne serait pas passé par la case HP. Reste néanmoins encore une solution pour sortir la tête de l’eau : celle de s’extirper dans l’espace. Si beaucoup d’entre nous rêverions de franchir le cap, la démarche est devenue monnaie courante dans la discographie du natif de Cleveland qui s’offre cette fois, un voyage en deux-temps avec « Flight At First Sight/Advanced ». Une fois là-haut, il n’oublie pas pour autant ses haters et leur fait même part de son mépris dans le planant « Does It ». A force d’explorer son monde, Kid Cudi se rapproche du but, dans sa quête perpétuelle de liberté.

Acte III : Niveaux de l’amour

Si les drogues font partie intégrante de l’univers constellaire de Kid Cudi, l’amour est également l’un de ses plus grands principes spirituels. Un thème titré dans la langue de Molière qui sera sans surprise, au cœur de ce troisième acte. N’est-il pas vrai que l’amour est le sentiment le plus fort du monde ? C’est pourquoi, alors que l’album est déjà à moitié écoulé, nous sommes en droit d’attendre de Cudi qu’il nous transcende enfin, car si Passion, Pain & Demon Slayin’ tient la route, on peut tout de même lui reprocher un certain manque de fougue. Telles est la source de frustration de cet album : il ne décolle pas vraiment tant sa musicalité reste constante. A l’image du morceau « Enter Galactic » extrait de MOTM, dans lequel le l’artiste réussissait à nous mettre en transe, il n’y parvient pas suffisamment avec « Danse For Eternity », pourtant clairement placé sur les traces de ce dernier.

Nous le disions plus haut : Kid Cudi est un grand romantique et on sent bien que l’amour passionnée a des allures d’échappatoire pour son esprit possédé. Ainsi, l’artiste nous fait naviguer sur le fleuve tumultueux de ses fantasmes. Au travers ses romances qu’il relate avec une sensualité appréciable, Scott Mescudi  semble enfin avoir trouvé le moyen d’atteindre la plénitude. Un gage de sécurité émotionnel qui va lui apporter une détermination nouvelle pour surmonter ses blessures et passer outre ses troubles mentaux. Bien qu’une fois sorti de son monde idéal, une relation s’avère pour lui, difficile à entretenir dans la réalité.

Acte IV : It’s Bright and Heaven is Warm

Les amoureux de hip-hop l’auront noté : le titre de l’acte final de Passion, Pain & Demon Slayin’ est une référence directe à l’album de DMX sorti en 1998, It’s Dark and Hell is Hot. Clin d’œil subtil mis à part, nous approchons de la fin de la pièce. Maintenant que Scott a fait face à ses nombreux démons, le guerrier cosmique qu’il est devenu semble, à ce stade de l’album, plus que jamais proche du but. Dans son ultime étape avant d’atteindre son paradis spirituel, il est une nouvel fois épaulé par Andre 3000 dans « The Guide », morceau qui expose une nouvelle passion amoureuse avec une femme à fort tempérament. Une personne que Cudi considère comme son idéal féminin. La connexion entre les deux sur un tel sujet n’a rien de surprenant quand on sait qu’Andre Benjamin a lui aussi souvent explicitement parlé de sexe, notamment sur le mythique album d’Outkast Speakerboxxx/The Love Below. Voilà qui élève à deux le compteur de collaborations entre les deux artistes, décidément fait pour travailler ensemble.

Alors que l’album s’est finalement un peu trop enlisé dans des notes sombres et psychédéliques, quoique illustrant les états d’âme troubles de son auteur, le contraste est total lorsque l’on arrive au dernier morceau. Si l’on aurait souhaité que celui-ci décolle bien plus tôt, quel dénouement que nous offre Kid Cudi & Pharrell Williams avec « Surfin' » ! Une ode à l’indépendance et à la liberté retrouvée qui signe la fin du voyage pour un artiste qui s’est donné corps et âme pour atteindre son jardin d’Eden. Le rideau s’abaisse et Passion, Pain & Demon Slayin’ se termine sur un ton bien plus positif et enjoué. Écrase les idées noires, Kid Cudi a enfin tué ses démons et se dresse désormais en artiste affirmé, brillant et surtout maître de sa destinée.

Vous pouvez acheter Passion, Pain & Demon Slayin’ sur ITunes ou l’écouter en streaming sur Spotify.

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