Interviews
Limsa d’Aulnay : «La musique m’a fait regagner espoir en la vie»
Après une absence de plus d’un an, nous avons retrouvé Limsa d’Aulnay pour la sortie de son dernier EP Logique, Pt. 3. Vous pourrez pour cette occasion, le retrouver au Trabendo le 24 Juin prochain pour la Release Party des EP Logique 1 à 3.
Rien de plus logique que la sortie d’un nouvel EP de Limsa d’Aulnay. Avec une musique en perpétuelle évolution, le rappeur du 93 a su livrer sur six titres un concours de style mêlant authenticité, prises de risques et surtout second degré, dont il est le seul à avoir la recette. Dernier volet de la trilogie Logique, ce projet a su éveiller notre curiosité et notre intérêt. Des sonorités aux thématiques, en passant par une rétrospective sur sa carrière et ses choix, Limsa a répondu à nos questions les plus… logiques.
Limsa, on se retrouve pour Logique, Pt. 3, qui sort un an après le deuxième volume. Tout d’abord comment vas-tu ?
Ça va super, je suis fatigué mais de bonne humeur et surtout pressé que ça sorte. Le moment entre celui où tu annonces le projet et celui où personne ne l’a encore écouté est plutôt désagréable. J’ai envie d’avoir l’avis des gens.
A l’heure où l’on se parle, le projet sort demain, mais tu n’as annoncé sa sortie que la semaine dernière. Pourquoi l’avoir annoncé aussi tard ?
La question, ce n’est pas de l’avoir annoncé aussi tard, mais plutôt de l’avoir sorti aussi tôt une fois qu’on a décidé qu’il était prêt. J’ai décidé de le sortir peut-être deux semaines après qu’il soit définitivement terminé. Ça faisait longtemps que les gens attendaient ce projet, j’essaie de me mettre à leur place et être un supporter de Limsa. Ca doit bien casser les couilles d’attendre un an et demi pour cinq sons. Je me suis dit que leur redemander d’attendre, ça serait un peu abusé.
On te retrouve sur six titres, sans feat, contrairement au volume précédent où l’on retrouvait Isha et JeanJass. Pourquoi ce choix ?
Il y a un morceau sur lequel je voulais inviter un rappeur, mais ça ne s’est finalement pas fait. J’avais un autre feat sur lequel ça a pris un peu trop de temps, qui sortira peut-être plus tard. Les feats c’est du feeling, ce n’est pas une obligation, l’occasion ne s’est pas présentée et c’est pas grave.
On te reconnait souvent un écrit bien particulier, à la fois introspectif et teinté d’humour noir, mais ce projet est plus mélancolique que les deux précédents.
Dans mes chansons, j’ai envie de parler de ce qu’il se passe dans ma tête, de mes introspections, des observations sur mon quotidien. Il y a ce truc de l’humoriste qui essaie de capter un peu toutes les situations pour en faire des blagues, moi j’essaie d’en faire des phases. T’es dans ma tête, sans avoir le coté chiant, en mode : «La vie c’est dur». J’essaie d’y mettre du second degré.
Tu parles majoritairement au passé et beaucoup plus des gens qui t’ont entouré que de toi-même sur ce projet, on pourrait même parler de « narrateur omniscient » pour te définir. Est-ce que tu es d’accord avec ce terme ?
Oui et non parce que je fais partie du roman, je ne suis pas que la voix off, mais c’est vrai que tu as accès à mes yeux et ma perception.
Il faut remarquer qu’en t’écoutant dans tes sons, ta musique peut ressembler à une vraie conversation avec Limsa à laquelle on assiste.
Je rappe comme je parle, à part le fait que je mets des rimes et du travail de formulation, parce que ça reste de la musique. J’essaie d’aller au plus simple en étant efficace, j’ai longtemps été obnubilé par le style et la technique, mais après je me suis rendu compte que dans mon art je n’avais plus à m’exprimer comme ça, au bout d’un moment je ne trouvais plus ça intéressant. J’ai plus le même recul que lorsque j’avais 25 ou 26 ans quand j’ai recommencé à rapper, où pour me rassurer j’essayais d’être le meilleur rappeur possible, en pensant que ça allait être une garantie pour faire des bonnes chansons. En vérité, la technique c’est un outil pour faire une bonne chanson, mais ce n’est pas une fin en soit. Je ne fais pas de chansons pour montrer que je sais rapper.
Peux-tu nous expliquer comment tu procèdes en studio ?
Ça dépend, mais depuis peu j’enregistre chez moi. Je me suis fait un petit studio, alors parfois j’allume mon ordi et j’écoute des instrus et si ça me parle j’écris ou parfois je me focus sur les mélodies en enregistrant d’abord des yaourts, j’ai pas de règles. Je suis vraiment tributaire de mon inspiration, quand je rappe de manière automatique sans forcément d’inspi, je trouve ça sans intérêt.
Cette manière de raconter le vécu de tes proches est assez bien reflété dans tes pochettes, qui mélangent photos du présent et du passé. Comment tu as choisi les images qui vont figurer sur tes cover ?
J’interviens surtout en donnant mes idées, je voulais des pochettes sans fioritures, pour montrer ce qu’est ma vie et les gens qui la composent. Et sur cette trilogie, la deuxième et la troisième pochette ont été faites par la même personne.
D’ailleurs Logique, Pt. 3 s’ouvre sur le morceau « Faux Départ » qui illustre parfaitement cette vision. Pourquoi avoir décidé d’ouvrir ton nouvel EP sur un morceau aussi mélancolique ?
J’ai hésité à le mettre en intro ce morceau, je me demandais quelle ambiance ça allait amener de démarrer le projet comme ça. En réalité, sur Logique, Pt. 3, il y a deux morceaux qui datent de 2020 : « Footballeur » et « Paradis vide », que j’ai réécrit au Costa Rica en novembre 2021. J’ai fait aussi d’autres morceaux dans l’année, en vérité j’ai fait plusieurs Logique, Pt. 3. Après avoir fait tous ces morceaux j’ai fait un tri et « Faux départ », que j’aimais beaucoup et que je ,e voulais pas virer, j’ai longtemps cherché sa place. C’est un parti pris, parce qu’il est différent des autres intros que j’ai faites, ce morceau il a un truc spécial.
Tu clôtures le projet avec « Comme la lune » et le bonus « Black Room ». Les deux morceaux ont des sonorités très éloignées du rap traditionnel, comment as-tu construit ces deux titres ?
En Janvier 2021 j’ai fait l’émission Chambre Noire avec Radio Nova. Je suis un peu superstitieux, quand je me dis que quelque chose a fonctionné par le passé, je vais le remettre. Par exemple, dans mes trois EP il y a un morceau avec un nom de film, ça me sert à rien mais ça me rassure. Dans les derniers lives que j’avais fait dont Grunt et La Nocturne, j’avais envoyé un couplet inédit et j’avais l’impression que ça m’avait porté chance. Je me suis dit que j’allais écrire un son inédit, j’avais une prod de Butter Bullet, en mode Griselda avec une seule piste. En plus, j’avais fait pas mal de morceaux rap et je voulais pas faire de boom-bap facile. Donc j’ai tenté « Black Room », mais j’était vraiment pas sûr de moi. Je l’ai fait écouté à Sopico et d’autres potos qui m’ont dit que le morceaux était chaud et je l’ai gardé, mais je l’avais écarté à plusieurs reprises jusqu’au moment où j’ai voulu rééquilibrer Logique, Pt. 3.
Comme tu en as eu l’habitude sur tes deux premiers EP, tu parles encore beaucoup de ta mère sur et de votre relation, qui n’a pas l’air d’avoir toujours été facile. C’était difficile de faire le choix d’en parler sans complexe ?
Non, parce que je parle de ce que je vis dans mes textes. Mais j’essaie de le faire de manière pas trop impudique ou racoleuse. Je m’interdis de parler en leur nom par exemple, c’est leur vie et pas la mienne. Je parle de mes ressentis, en mettant une distance avec ça pour pas empiéter sur leur intimité.
Tes morceaux sont donc une forme d’exutoire, malgré ton second degré ?
Même les morceaux très second degré ont une dimension exutoire, ça me fait du bien de faire des morceaux un peu plus légers où je suis pas en réflexion sur la vie et son sens. Quoi qu’il se passe, la musique restera une forme d’exutoire, peu importe la forme du morceau. Ca reste des émotions que je peux pas exprimer sans la musique.
Tout au long de tes projets, tu parles beaucoup des nouvelles générations, autant dans « Duper » sur Logique, Pt. 1 que dans « Comme la lune » sur ton dernier EP. Quel regard tu portes sur ces jeunes, t’as une expérience à leur transmettre ?
Pas vraiment, c’est plutôt de l’anti-morale. Le seul conseil que je donne aux jeunes générations, c’est de ne pas faire comme moi.
Si tu pouvais réécrire ta carrière, tu changerais certaines choses ?
Je pars pas du principe que tous les mauvais choix ne sont pas à retirer. Tu peux pas te satisfaire de l’arrivée ou de la destination sans prendre en compte le voyage. Mais en tout cas je suis vraiment content parce que c’était inespéré pour moi. Je suis très heureux de ce qui m’est arrivé, ça a changé ma vie et j’aurais jamais cru recevoir autant d’amour et mener la vie que je mène grâce aux trucs que j’écrivais dans ma chambre, c’est incroyable. La musique me fait regagner espoir en la vie.
J’ai longtemps été fasciné par les beaux perdants, mais le fait d’avoir réussi avec peu de projets à en être là où j’en suis, ça m’a longtemps laissé l’impression d’être une sorte d’imposteur. Mais en réalité, c’est la seule chose où je me suis vraiment investi et appliqué et c’est finalement pas si étrange que ça si ça marche. A un moment, j’envisageais comme impossible de gagner ma vie grâce à la musique et je me suis dit « Vas-y ! ça fait trop longtemps que tu te contentes de pas grand-chose ». J’ai un avantage qui est un inconvénient c’est qu’il ne me faut pas grand-chose pour égayer ma vie et maintenant que j’ai plus, je conçois que ce que j’avais avant c’était pas assez. Du coup je veux encore plus pour moi et pour tout le monde.
Comme on l’a dit ce nouvel EP est le troisième volet de la trilogie Logique, à mon sens il sonne comme la conclusion parfaite de ce chapitre de ta carrière, un premier clap de fin. Doit-on nous attendre à la sortie d’un plus long format à présent ?
On y arrive c’est sûr, avant d’arrêter je veux faire un album ! Mais je ressens déjà une espèce de lassitude, à cause de la manière de promouvoir et vendre la musique et pleins d’autres choses qui vont avec et pour lesquelles en vérité j’avais pas signé, parce qu’au fond, je voulais juste rapper.
Dans le reste de l’actualité : Nekfeu : un retour en rockstar