Culture
Nekfeu, déjà 7 ans de combats politiques, entre polémiques et justice sociale
En s’affichant avec un gilet jaune ce week-end, Nekfeu a pris un parti rare et tranché dans le rap. Un engagement qui colle avec son personnage, adepte des combats sociaux.
Gilet jaune sur les épaules, Nekfeu a choqué la France, ce week-end. Une France finalement peu habituée à voir un artiste si influent s’exposer publiquement au profit d’une cause sociale. Car même si les idées du mouvement coïncident avec ses propos, Nekfeu s’est toujours montré politiquement engagé. Parfois même un peu trop, s’obligeant à atténuer ses prises de position par la suite. Zoom.
Nekfeu et la polémique des « Enfants de la patrie »
Nous sommes en 2012. La rupture entre Guizmo et L’Entourage vient d’être prononcée. Le premier du nom, qui conserve certains droits de studio, exploite les derniers vestiges de ses années de collaboration avec Nekfeu. C’est ainsi que voit le jour « Enfants de la Patrie », un morceau vertement engagé. Les mots employés par les deux artistes sont forts : eux qui refusent de chanter la Marseillaise au profit d’une « Parisienne » virulente, pointant les défaillances de l’État.
Après la publication d’un clip auquel il n’a pas participé, Nekfeu communique, regrettant le titre du morceau et « l’utilisation démagogique et totalement cliché » du visuel. L’auteur de Les étoiles vagabondes n’a alors que 22 ans, mais se dresse déjà face à un gouvernement qui l’étouffe.
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Les regrets de Charlie Hebdo
Certaines prises de position forcent parfois les regrets. En 2015, les locaux du journal Charlie Hebdo sont victimes d’un sombre attentat. La France entière porte alors l’étendard « Je suis Charlie », en hommage à la liberté d’expression du journal satirique mais polémique. Confronté à plusieurs scandales racistes, l’hebdomadaire s’est heurté à quelques pics virulentes du rap. Et notamment Nekfeu, en 2013, dans le titre « La marche ».
Je réclame un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo
Après l’attaque meurtrière, l’artiste s’est exprimé dans la foulée sur son compte Facebook. « Certaines personnes ont cru pertinent d’associer mon nom à cette horreur, en rappelant une pseudo-polémique dont j’ai fait l’objet il y a plus d’un an, note-t-il. (…) Je n’appartiens à aucune communauté religieuse et je n’ai aucune prétention politique, je suis juste un rappeur sincère issu du monde du clash. » Car s’il s’avoue rattrapé par la « polémique », l’artiste explique toutefois vouloir « soutenir la liberté d’expression », quelle qu’elle soit.
Nekfeu debout, surtout la nuit
En mai 2016, c’est à travers un concert gratuit et en plein air que l’artiste s’est imposé politiquement, toujours dans l’actualité. Nekfeu a soutenu, artistiquement, le mouvement Nuit debout, qui cherchait à construire une « convergence des luttes », avec des manifestations en extérieur après l’annonce de la loi travail. Le 1er mai 2016, il improvise donc un concert, place de la République.
“Ici ça parle de choses dont personne ne parle, des réfugiés, des gens qui sont dehors, des dérives de l’état d’urgence, d’islamophobie”, souligne le rappeur avant de commencer sa performance. L’initiative fait beaucoup parler, jusque dans les colonnes des Inrocks, à travers un éditorial de Pierre Siankowski qui n’hésite pas à titrer : « Pourquoi les artistes doivent suivre l’exemple de Nekfeu à Nuit debout ». Fort.
Une tribune contre l’islamophobie
Cette fois-ci, c’est sans prononcer le moindre mot que Nekfeu a pris une imposante position, dans les colonnes du Monde. Comme de nombreux artistes, le rappeur a paraphé une tribune contre l’islamophobie après l’agression de Julien Odoul, un élu du Rassemblement national.
Celle-ci, adressée à Emmanuel Macron et intitulée Jusqu’où laisserons-nous passer la haine des musulmans ?, a été publiée le 15 octobre, sous l’égide de 90 personnalités, parmi lesquelles Omar Sy, Géraldine Nakache… et donc le rappeur parisien. « Nous demandons à Emmanuel Macron de dire que les femmes musulmanes, portant le foulard ou non, et les musulmans en général ont toute leur place dans notre société », relève la tribune.
Déjà généreusement impliqué dans la lutte contre l’islamophobie, Nekfeu avait explicitement donné son opinion sur le port du voile, notamment dans le morceau “Reuf” : «Ma meilleure amie porte le voile, elle est mignonne.» Une punchline placée dans un morceau mainstream, en collaboration avec Ed Sheeran, qui fait toujours autant écho, trois ans plus tard.
Nekfeu en gilet jaune
Le Point, Valeurs actuelles, Le Figaro, etc. : tous ont relayé l’image de Nekfeu, gilet jaune sur les épaules, aux côtés du mouvement social célébrant son premier anniversaire. Si certains artistes ont apporté publiquement leur soutien aux Gilets jaunes, peu d’entre eux ont pris part aux manifestations. Nekfeu, lui, a sauté le pas, s’affichant ce fameux week-end du 16 novembre.
L’engagement de Nekfeu dans ce mouvement clivant a partagé sa fan-base, certains s’avouant choqués d’un tel soutien, d’autres fiers que l’artiste allie ses textes avec son combat social. Finalement, la prise de position du rappeur est parfaitement en adéquation avec les valeurs qu’il porte depuis le début de sa carrière, celles d’une représentation équitable et juste des classes sociales, ainsi qu’une lutte éperdue contre le racisme.