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La polémique entre Roméo Elvis et les NRJ Music Awards montre tout le paradoxe du rappeur La polémique entre Roméo Elvis et les NRJ Music Awards montre tout le paradoxe du rappeur

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La polémique de Roméo Elvis avec les NRJ Music Awards montre tout le paradoxe du rappeur

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Après une publication branlante sur son compte Instagram, Roméo Elvis s’est attiré les foudres des médias généralistes. Justifiée ou non, cette polémique démontre surtout la bipolarité du rap en terme de succès médiatique.

«Condescendant», c’est en ces termes que Le HuffPost qualifie Roméo Elvis, après sa vidéo postée sur Instagram, en début de semaine. Le média regrette que le Belge dénigre ses concurrents, après l’annonce de sa nomination dans plusieurs catégories aux NRJ Music Awards. Et en effet, la vidéo de Roméo Elvis peut prêter à plusieurs lectures, au mieux remplie d’ironie, au pire ultra arrogante. Connaissant le personnage, on penche plutôt sur la première possibilité.

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Visiblement, ça n’a pas été le cas de la plupart des médias généralistes qui n’ont pas hésité à diaboliser l’artiste en s’appuyant sur des phrases éparpillées au cours de la publication. «C’est génial vous l’avez vu on est nommés aux NRJ Music Awards avec Bilal Hassani, Vitaa et Slimane, avec les Cafés Gourmands un truc, c’est ça hein ? Les autres je ne connais pas j’avoue», relève-t-il. Le HuffPost n’a d’ailleurs pas manqué de souligner que, en terme de ventes, les Trois cafés gourmands écrasent l’artiste bruxellois. Une condescendance apparemment miroir qui accouche de plusieurs faits.

La street-cred de Roméo Elvis

D’abord, parlons de street-cred, car c’est la source du problème. À travers cette vidéo, Roméo Elvis incarne l’incompatibilité entre street-cred et NRJ Music Awards. Ces derniers, rassemblant les gros noms musicaux français du moment, réunissent également la quasi-intégralité des artistes commerciaux. Pour la plupart, les rappeurs ne sont pas conviés, puisque les nominations se basent sur les titres diffusés à la radio, précisément sur NRJ. Un monde où Ninho ou Booba ne semblent pas exister.

Selon Roméo Elvis, intégrer les NRJ Music Awards conviendrait à faire une croix définitive sur sa street-crédibilité. « Est-ce que j’en avais avant ? », ironise le rappeur dans la description. Le name-drop de noms dans la vidéo n’a rien de condescendant, mais cherche à appuyer l’identité très « variété » de l’émission proposée sur TF1, à laquelle Roméo Elvis ne considère pas appartenir. Bilal Hassani, Vitaa, Slimane, Bigflo & Oli englobent une dimension musicale qui ne concerne que très peu d’artistes urbains.

 

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Merci @nrjmusicawards.tf1 pour la pub. Adieu la street cred. (Est-ce que j’en avais vraiment avant? Qui suis-je? Où vais-je?) lien pour voter en bio

Une publication partagée par Roméo Elvis (@elvis.romeo) le

Aussi, la quasi-totalité des médias ayant relayé l’information ont souligné la force commerciale de Trois cafés gourmands, triple disque de platine, soit bien meilleure que celle de Roméo Elvis. C’est profondément ridicule, surtout lorsque l’on sait que Ninho, PNL et Nekfeu, également triple disque de platine en quelques mois, ne figurent dans aucune des listes des NRJ Music Awards. Si l’émission reflétait légitimement les distinctions décernées par le Snep, les artistes issus de la sphère rap seraient bien plus représentés. Toutefois, ce n’est pas son objectif, puisqu’il s’agit de récompenses radio, là où les rappeurs sont beaucoup moins présents que sur les plateformes streaming.

A-t-on réellement envie des NRJ Music Awards ?

On en arrive toutefois au paradoxe où la sphère rap abrite une certaine tendance à se plaindre de son absence en radio et aux nominations similaires, tout en essuyant un malin plaisir à les tacler pour leur manque de crédibilité. En réalité, l’ironie de Roméo Elvis soulève plusieurs vrais problèmes. Il y a quelques mois, Booba dénonçait par exemple son absence en radio sous couvert d’un manque de mixité assez bancal. C’est bancal, parce que cette incompatibilité réside dans l’incapacité du rap a être « tout public ». C’est malheureux, mais c’est comme ça.

Peut-être serait-il plus pertinent pour le rap d’accepter ce dysfonctionnement, en prenant en compte qu’il dispose de plus en plus d’émissions télévisés « maison » et de récompenses décernées par des médias spécialisés. Là où la vanne de Roméo Elvis s’achève par sa proximité avec la sphère commerciale, naturellement liée avec sa soeur Angèle et son tube ultra populaire « Tout oublier », le problème se pose pour d’autres artistes. Invité aux NRJ MA, Ninho aurait-il fait le déplacement ? Si oui, comment sa présence aurait-elle été perçue par sa communauté et celle du rap en général ? Si non, comment son absence aurait-elle approfondie la fracture entre rap et médias ?

Quand on voit l’ahurissante difficulté des rappeurs à s’entretenir avec le monde médiatique, à commencer par des Victoires de la musique régulièrement polémiques, les NRJ Music Awards semblent être une autre paire de manche. Alors, Ninho et Nekfeu ne figurent pas dans les artistes masculins de l’année. « Au DD » n’est pas non plus nommé dans les clips français de l’année. C’est sûrement scandaleux, mais l’identité du rap fonctionne avec ce perpétuel clivage médiatique. Peut-être est-ce mieux comme ça. Et Roméo Elvis, invité dans un monde inhabituel, illustre plutôt bien ce paradoxe.

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