Musique
Pour les 8 ans de « La Suite », on est retourné voir les membres de 1995 en 2012
Le 5 mars 2012, les rookies du crew 1995 sortaient leur deuxième EP La Suite. Un projet plein d’énergie, un classique sur lequel on appose, à ce jour, huit bougies.
Nichés sur un piédestal après le succès immédiat de leur premier EP La Source, 1995 balançait La Suite, le 5 mars 2012. À l’occasion de cet anniversaire, on est parti à la rencontre des six membres du groupe, afin de les redécouvrir à travers des archives. Sûrs d’eux, soudés et surtout très jeunes, plongeons nous dans les anecdotes et les ambitions du collectif, en 2012.
1995 : «On était pas forcément invité mais on était là, on s’invitait»
Le 19 mars 2012, quelques jours après la sortie de leur deuxième EP La Suite, Nekfeu, Sneazzy, Areno Jaz, Fonky Flav et Alpha Wann se sont adressés aux journalistes de ChronyxTV. Après un fast-flow mémorable d’Alpha Wann retraçant leur rencontre, les membres de 1995 expliquent avec beaucoup d’humilité comment ils ont commencé à travailler ensemble. Et surtout, comment ils se sont imposés.
Pour eux, tout était une question de viralité : «On était pas forcément inviter, mais on était là, on s’invitait », confie le groupe. De POS à 1995, le crew avait, d’ores et déjà bien évolué. Lorsque La Suite est dévoilé, 1995 est déjà fort d’une communauté de 140.000 personnes sur Facebook et approche les dizaines de millions de vues sur YouTube. De plus, le collectif bénéficie d’articles dans tous les magazines, remplit des salles, signe chez Universal et s’invite au Grand Journal de Canal+.
Nekfeu à propos des Rap Contenders : «On s’est amusé à faire ça, sans prétention»
Evidemment, 1995 est revenu sur les Rap Contenders, une étape importante de leur parcours. Pourtant, déjà à l’époque, participer à cette compétition «c’était pas forcément une fierté pour nous, c’est un délire qu’on a fait», précise Nekfeu, visiblement en train de rouler un joint. Déjà, 1995 exprimait sa volonté de s’éloigner de cette image de « clasheur », étiquette beaucoup trop réductrice.
Sneazzy avait d’ailleurs expliqué que 1995 avait déjà une certaine notoriété avant de participer aux clashs. Et d’ajouter : «Rap Contender ça nous a aidé un peu, nous on les a aidé beaucoup» (rires). Et derrière cette déclaration présomptueuse se révèle tout de même quelques vérités. En somme, le clash de Nekfeu contre Logik Konstantine a marqué un tournant pour la compétition francilienne, comme l’indiquait justement Wojtek, récemment. Non seulement en termes de vues, mais également en termes d’image.
Autre anecdote amusante : 1995 anticipait déjà l’ascension du rap belge, jugé très fédérateur. Ils citent notamment Caballero. «Le rap belge c’est du putain de rap, ils étaient même en avance sur la France d’une certaine façon», précisent-ils.
Areno Jaz : «On se dénude petit à petit, c’est un striptease musicale»
Modestement, les membres de 1995 n’oublient pas leurs ambitions personnelles. À l’époque, déjà, chacun avait ses petits projets en tête, quelques idées, plus ou moins nettes, de leur avenir. Nekfeu espérait déjà vagabonder entre ses différentes entités, le S-Crew, l’Entourage et sa carrière personnelle. Même constat pour Alpha Wann et sa carrière solo, «puisqu’il n’a pas d’ami», se moque Sneazzy, qui lui aussi se souhaite d’évoluer en solo.
Le groupe précise toutefois : «Nos projets solo ne sont pas un frein pour l’entité 1995, bien au contraire». Ils expliquent être durs les uns envers les autres et que d’avancer en solo leur permet de s’évaluer, de proposer de nouvelles choses et d’avancer quoi qu’il arrive. Avancer en solo ou avec 1995, en fin de compte, pour eux, c’est un peu la même chose. 1995 se veut, avant tout, être un groupe de potes qui vit et fait de la musique ensemble.
Il semblerait cependant que les progressions personnelles aient finalement freiné un retour de 1995. Comme l’avouait Alpha Wann récemment, les styles de chacun sont trop disparates pour espérer un retour. Sneazzy poursuit dans cette direction. «Je pense qu’il n’y aura plus de projet 1995, mais on n’est jamais à l’abri.» Il raconte que les membres du groupe savaient qu’ils allaient faire une longue pause après Paris Sud Minute. «Tout le monde avait besoin de respirer après ça. Et la vie a fait qu’on a ramé pour refaire des trucs ensemble.»
1995: «Ce qu’on veut c’est essayer d’apporter notre pierre à l’édifice»
Porté par une identité « néo-old-school » qu’ils refuse de porter, 1995 était en train de pénétrer dans une nouvelle sphère, après la sortie de La Suite. Watt’s In, en 2012, présente le groupe à la même échelle qu’une certaine Sexion d’Assaut. Lesquels sortiront d’ailleurs leur album L’Apogée précisément le même jour que La Suite. Mais la comparaison est rejetée par les membres du groupe qui témoignent tout leur respect à leurs aînés. «Si on nous prédit un avenir aussi radieux que celui de la Sexion d’Assaut ça nous fait très plaisir», s’amuse 1995.
Et au sujet de cette étiquette « néo-old-school », le groupe se justifie. «1995 se veut porteur d’une culture classique qu’on revendique mais on est également tourné vers l’avenir», précisent-ils. Avant d’ajouter : «On essaie de reprendre cet espèce de croisement dans le rap en prenant le chemin du bon son qui marche pour un public qui n’est pas seulement rap». Ambition fédératrice donc, qui portera ses fruits, évidemment. Non seulement 1995 a ouvert la voie à toute un nouvelle génération d’artistes mais, à également d’un nouveau public, beaucoup plus large et varié.
En revenant sur le chemin parcouru, les membres se félicitent. «On pense avoir apporté notre contribution au fait que de plus en plus de gens en France s’intéressent a cette culture.» Nekfeu précise par ailleurs : «Pour les français, le manque de culture rap c’est affligeant des fois.» Ironiquement, quelques années après, il dévoilait l’une des punchlines les plus prémonitoires du rap français : «Tu vois cette image qu’ont les gens du rap ? Nous, on va changer ça…». Ça, c’est clair.