Musique
Pourquoi « TLOP » de Kanye West vient seulement d’être disque d’or en France ?
Près de quatre ans après sa sortie, The Life of Pablo de Kanye West vient juste d’être certifié disque d’or en France. Pourquoi si tard ?
252. C’est le nombre de semaines qu’il aura fallu à Kanye West pour être certifié disque d’or en France. Un laps de temps démesuré, alors que la plupart des gros vendeurs français s’adjugent la distinction dorée en une petite poignée de jours. Mais pour The Life of Pablo, dévoilé au début de l’année 2016, de nombreux éléments semblent expliquer cet échec commercial dans l’hexagone, et plus généralement celui de Kanye West. On vous a demandé votre avis.
Une stratégie incompréhensible
Kanye West a dévoilé The Life of Pablo en plein milieu de l’explosion des plateformes streaming. D’ailleurs, il avait comme ambition initiale de construire un album évolutif, capable d’être refaçonné avec le temps. Toutefois, excepté quelques modifications survenues après la sortie officielle de l’album, Ye n’a jamais vraiment exploité cette promesse. Plus que ça, l’album s’est imposé lui-même des barrières lors de sa sortie. «L’absence de version physique, encore très prisée en France et les multiples versions de l’album n’ont pas aidé à la promotion à l’époque», explique Thierry sur Twitter.
Autre explication commerciale : la sortie de l’album exclusivement sur la plateforme de streaming Tidal, très peu populaire en France. De quoi favoriser les téléchargements illégaux et la propagation de l’opus via des flux non comptabilisés dans les ventes. «Mon album ne sera jamais sur Apple. Et il ne sera jamais à vendre…», prévenait Kanye West à l’époque. Il est finalement revenu sur ses propos quelques semaines plus tard.
Kanye West, une vision biaisée en France ?
D’autres internautes évoquent également l’image de Kanye West en France. «Aujourd’hui, c’est d’avantage le personnage de Kanye West qui est mis en avant, non pas l’artiste. On parle de sa femme, de ses prises de position politiques, de ses sappes, de ses phases de dépression… En bref, de beaucoup d’éléments qui n’ont rien à voir avec la musique pure», relève David avant d’évoquer qu’«en France il est davantage perçu comme un personnage que comme un artiste».
Le phénomène n’est toutefois pas si récent. Selon les relevés du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), The Life of Pablo est le seul album de Kanye West certifié en France. Côté titres, l’artiste n’arrache que deux petits singles d’or : « I Love It » avec Lil Pump et « FOURFIVESECONDS » avec Rihanna et Paul McCartney. Un manque de prestance commerciale qui témoigne de la faible connaissance artistique de la France pour un rappeur calibré comme une référence américaine.
«Peu de monde écoutant du rap en France sont capables de citer plus d’un classique de Kanye West, il n’a jamais eu le public d’un Nas, Jay-Z ou encore Eminem, Dre, Snoop Dogg», ajoute Michael Laurent. En fouinant un peu, on se rend compte qu’excepté Eminem et quelques succès planétaires, rares sont les albums de rap américain certifiés en France. «Les albums de rap US ne se sont jamais bien vendus en France à quelques exceptions près. Je pense que les quotas de musique française dans les radios ont joué là-dedans», appuie Dominique.
«Retard» ou «désintérêt» ?
En réalité, si d’anciens opus pourtant classiques de Kanye West n’ont pas la moindre certification en France, c’est car les calculs précédant le streaming étaient moins souples. Mais là où le rap français a pu profiter de la révolution du streaming pour placer, chaque semaine, ses pions au sommet des charts, le rap US poursuit sa stagnation. Selon les fans, ce phénomène serait également dû à la très forte démocratisation de la scène française.
«Le rap français, depuis plusieurs années, est de plus en plus varié. Il y en a pour tous les goûts, on a jamais connu une période de rap aussi diversifiée», précise Thomas. Et il est vrai que si la multiplication des rappeurs français n’a pas l’air de se cannibaliser, elle semble en revanche faire de l’ombre au rap américain. «Les gens commencent à comprendre qu’en France, il y a du très bon rap et que c’est parfois pas la peine d’aller chercher outre-atlantique», poursuit Titouan.
Un avis clivant, car cet argument, outre la barrière de la langue, masque celui de l’inculture française en terme de rap. De nombreux fans évoquent un «retard» sur le rap américain, quand d’autres lui reconnaissent volontiers un«désintérêt». Le mot de la fin appartient à Lionel : «Parce que… Alpha Wann n’est toujours pas disque d’or avec UMLA ! » Les Français ne sauraient-ils pas reconnaître la valeur des choses ?