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J. Cole, 4 Your Eyez Only : entre qualité incontestable et autosuffisance
Dans un univers bariolé de cuivres et de délicieux samples, le nouvel album du Lyrical Genius s’inscrit dans la lignée du rappeur, sans réelle innovation.
Après un 2014 Forest Hills Drive couronné de succès, le nouveau projet du natif de Francfort enflammait la sphère rap américaine. Entre lyrics authentiques et beats épurés à la charleston des ’90, J. Cole retrace les traits d’un rap old school qui s’essouffle outre-Atlantique. Une semaine plus tôt, l’artiste présentait son quotidien dans un documentaire de 40 minutes pour teaser son projet. Une vidéo qui nous offrait en prime, deux morceaux inédits, dont le très controversé « False Prophets ». Actif à travers mixtapes et featurings, c’est aujourd’hui avec 4 Your Eyez Only que Jermaine attire de nouveau l’attention dans un album qui sent bon la magie new-yorkaise à l’ancienne.
Une boite à rythme mélancolique
Les rideaux s’ouvrent sur « For Whom the Bells Top » ; les trompettes raisonnent, J. Cole coule ses premières mesures et laisse entrevoir la continuité du dernier opus. « Immortal », second track, dévoile un Jermaine plus acide, plus critique, aux phases percutantes et rythmées. Ainsi, les deux premiers morceaux dessinent les horizons respectifs de l’album : mélancolique et véritable. Une dualité que le rappeur dépeint derrière une écriture quasi parfaite et des thèmes sincères entremêlés d’expériences personnelles.
Constitué de 10 sons, la tracklist, plutôt courte pour un album de rap, se suffit pourtant à elle-même. J. Cole recouvre plusieurs styles propres, et s’il apparaît sur une grande majorité des tracks à la production, c’est qu’il sait où emmener l’auditeur. Il vole, de ce fait, d’un univers à un autre tout en conservant sa boîte à rythme tel un fil conducteur. Il ajoute ensuite divers samples d’instruments, en passant d’un somptueux solo de guitare à quelques notes de saxophone dissimulées derrière une plume riche et puissante.
Sans extravagance, ni artifice
Pourtant, l’album semble admettre quelques suffisances. Si 4 Your Eyez Only suit le précédent opus, la ressemblance est presque trop prononcée. Certaines musiques témoignent d’une impression de déjà-vu, sans mauvais jeu de mot, et cet effet de bis repetita efface le charme de l’album au fil de l’écoute. On se confronte donc à une certaine monotonie quand quelques instrumentales construites sous formes de boucles sont trop plates, et que le niveau lyrical de J. Cole ne peut toujours relever, en particulier avec un flow souvent répétitif voire modeste.
Certains regretteront aussi le manque d’invités sur l’album, un principe propre à Jermaine, alors que les Américains tendent souvent à la surabondance de featurings. Une absence cependant palliée par d’excellents refrains, très mélodieux qui embellissent les contours de l’album en contredisant l’aspect parfois « fade » musicalement.
Enfin, J. Cole propose un nouvel opus à l’esthétique toujours très épurée et nostalgique. Sans réel coup d’éclat, 4 Your Eyez Only rafraîchit le rap américain en nous proposant, paradoxalement, un détour 20 ans en arrière.