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TOP 50 des meilleurs albums de rap français sortis entre 2000 et 2009 (de 10 à 1)
« NTM, Solaar, IAM : c’est de l’antiquité », nous connaissons tous cette punchline blasphématoire de Booba. Le rappeur du 9.2. rompt alors avec les vieilles idoles du rap français. Ils sont peu nombreux à avoir osé s’attaquer aux grands anciens du mouvement. Les artistes hip hop de l’hexagone ont toujours montré un grand respect aux patriarches. Les années passent, le rap évolue, et beaucoup voient dans la période que nous vivons une nouvelle époque glorieuse du rap. Il aurait connu un âge d’or dans les années 1990 et une nouvelle grande génération depuis 2015. Et les années 2000? Un trou noir dans la galaxie hip hop? Le passage entre les années 1990 et 2000 est considéré comme un tournant dans le rap français. Le bon rap aurait dès lors disparu, un passage à l’âge de pierre, une chute qualitative vertigineuse . Les albums des nineties sont érigés en religion inattaquable, le rap serait obligatoirement mieux avant. Ce détestable « avant » se réfère aux disques sortis entre la fondatrice compilation « Rapattitude » et « Le Code de l’Honneur » sortis en décembre 1999. Ces projets dominent la traditionnelle et incontestable hiérarchie du rap tricolore. Notre démarche vous permettra de voir autrement cette période souvent décriée. Il parlera aux natifs des années 1990 dont l’adolescence a été bercée par Rohff, Diam’s, Booba ou Sefyu… Découvrez le TOP 50 des meilleurs albums de rap français sortis entre 2000 et 2009.
Consultez également le classement de la place 50 à 41, de 40 à 31, de 30 à 21 et de 20 à 11.
Vous pouvez écouter l’album en cliquant sur la pochette.
10. Art de rue – Fonky Family
La Fonky Family est un emblème de Marseille au même titre que son club de football, le Vieux-Port ou encore René Malleville. La FF est un groupe légendaire de l’histoire du rap. La famille est composée du Rat Luciano, Sat l’Artificier, Don Choa, Menzo, Pone, Fel et DJ Djel. Il paraît que pour réussir à la télévision, il serait malheureusement préférable de gommer son accent. A l’opposé de cette affirmation, les membres de la FF ont fait de leur intonation une force. Impensable de renier ce qui fait la chaleur et la singularité de cette ville. Art de rue est le deuxième album du groupe sorti en mars 2001, il atteindra la deuxième place du top album en France et en Belgique. L’opus est entièrement produit par des membres de l’équipe, il rayonnera avec les titres « Art de rue » et « Mystère et suspense ». Il succède à Si Dieu veut…, le meilleur projet du groupe. Le titre « Art de rue » est un hymne chanté à la gloire du mouvement Hip-Hop dans son intégralité, le groupe rend homme aux « DJ, Breaker, Bboy, Graffeur, Beatbox ». Il faut relever la touchante punchline « Y’a aussi de l’amour partout même dans mon rap même si tu ne veux pas le voir » prononcée par Sat, un tacle adressé aux détracteurs du rap qui n’y voit que de la sauvagerie. Le public n’aura le droit qu’à seulement deux clips. Le premier pour « Mystère et suspense » et le second pour « Art de rue ». Ils sont parfaitement réalisés et n’ont pas pris une ride. Aucun titre n’est à mettre de côté lors de l’écoute de ce diamant de l’histoire de la musique française. Marseille est une ville de rap. La liste des artistes emblématiques de cette ville est longue : IAM, la Fonky Family, 3ème Oeil, Keny Arkana, Psy4 de la Rime, Soul Swing (Def Bond, K-Rhyme Le Roi et Faf Larage), Chiens de paille, Dadoo.
9. Panthéon – Booba
L’histoire commune de Booba et du 45 Scientific n’aura duré que quatre ans. Une courte aventure mais assez intense avec le premier Maxi de Lunatic sorti en 1999 et la réédition de Temps mort en 2002. Cette collaboration aura marqué l’histoire du rap français en deux albums. Le Duc créé son label Tallac Records, signe avec le Barclay, une page se tourne dans sa carrière, la suivante sera tout aussi belle. Terminé l’indépendance, virage plus bling-bling et égotrip : une partie de son public ne lui pardonnera jamais. Panthéon est un album charnière de sa carrière. Il est un carrefour entre Temps mort, son meilleur album et Ouest Side, une machine à tubes qui marquera une autre génération d’auditeurs. Il s’entoure d’une armée de Spartiates pour les productions : Skread, Medi Med, Kore & Skalp, Animalsons et Medeline. Il n’est alors plus le porte drapeau de l’indépendance du rap français. Les adjectifs les plus adéquats pour qualifier cet album sont « déraciné », « sombre » et « néocapitaliste ». Déjà très gourmand de punchlines dans Temps Mort, B2O en propose une ribambelle encore plus folle dans Panthéon. Booba invite Mala, Sir Doum’s, Nessbeal, le chanteur jamaïcain Wayne Wonder, I2S et Bram’s ainsi que la chanteuse Léya Masry. Les deux tubes de cet album sont « N°10″ et « Mon son ». Une mention spéciale à « Baby », un morceau drôle, pornographique vulgaire, une pépite dans l’immense discographie du DUC.
8. La vie avant la mort – Rohff
La pochette est magique, elle décrit parfaitement un artiste écorché vif, balafré par la vie. Il s’agit de son premier projet sorti sur un label non indépendant et cela se ressent. La présence des tubes « T.D.S.I » et « Qui est l’exemple » montre un passage de cap, une volonté de passer à la radio et de parler à un plus large public. Là où le Code de l’honneur était un album confidentiel, La vie avant la mort est une machine de guerre. Il sort dans les bacs le 24 septembre 2001, deux ans après le projet précédent. Il est composé de 14 titres dont cinq en featuring. La piste 10 a été modifiée lors du repressage de l’album. Il s’agissait initialement d’un morceau nommé « V », très virulent envers les forces de police. Rohff dénonce les violences policières avec verve et véhémence. Un morceau parfait pour Le Code de l’honneur mais apparemment pas pour La vie avant la mort, trop violent et pas du gout du CSA. Il sera remplacé par « Get down samedi soir » , qui était déjà présent sur la compilation A l’ancienne vol.II de DJ Abdel. Cinq tubes auront le droit à un clip, et « Qui est l’exemple ? » deviendra sans contestation possible le hit de l’année 2001. Ces clips seront les premiers de la carrière d’Housni. Il était déjà apparu sur celui du merveilleux « On fait les choses » issu de la non moins merveilleuse compilation Première Classe. Rohff réussit la prouesse de faire danser la jeunesse avec un discours moralisateur. L’album sera certifié disque de platine et contribuera à forger la légende du rappeur du 94. Il s’entoure d’une unité spéciale digne des Expendables pour produire le disque : Sulee B Wax , Kore et Skalp, Masta et Tefa, Yvan, Djimi Finger, DJ Mehdi, Pone. Qui dit mieux ? Personne à cette époque, car si Rohff est évidemment un rappeur de grand talent, cette armée donne à ce disque une autre dimension. Rohff réunit plusieurs membres de la Mafia africaine ainsi que le chanteur reggae français Tiwony sur le morceau « Le bitume chante ». Sont ainsi présents Karlito, Dry, AP, Mista Flo, OGB, Rim-K, Mokobé, Manu Key, Demon One et Popa. Les réunions de cette famille sont toujours des événements, et donnent généralement d’excellents morceaux. La quinzième piste de La vie avant la mort n’échappe pas à cette règle, ils livrent une chanson puissante de 6 minutes et 30 secondes. Tiwony apporte une touche ragga, façon Blacko de Sniper. Interdiction de résumer cet album à un projet commercial façonné pour Skyrock et NRJ. Interdiction de reprocher à Rohff le tube « Qui est l’exemple ? ». Amis puristes, comprenez que les artistes font de la musique pour qu’elle soit écoutée par le plus grand nombre. Bravo à Rohff si grâce à ce tube mainstream des gens ont acheté son album et ont découvert le rap. Enfin, nous souhaitons louer cette merveilleuse et riche année 2001, une année propice aux grandes sorties : Du rire aux larmes, Tous ensemble Chacun pour soi, Cinquième As, B.O.S.S. vs IV my people, Art de rue, Élévation, L’Amour est Mort, Asphalte Hurlante, Microphonorama, Si c’était à refaire, X Raisons…
7. Dans ma bulle – Diam’s
6 février 2006, Diam’s ne le sait pas encore mais à la fin de cette année, elle sera l’artiste qui aura vendu le plus d’albums en France, Dans ma bulle sera récompensé d’un disque de diamant quelques mois plus tard. Plus d’un million de copies vendues, à une époque où les maisons de disque tremblent face à la crise de ce dernier. Emule, Kazaa ou encore Limewire débarquent dans les foyers français, Hadopi n’existe pas encore, alors les consommateurs de musique tournent le dos à la Fnac et Virgin. Ils ne tournent pourtant pas le dos au rap de Mélanie. Ce disque est le seul du classement à avoir atteint le million. Diam’s rentre à la première place du top album dès la sortie du projet devant M. Pokora et James Blunt. Dans ma bulle quittera ce classement en 2013. Le mot morceau est trop faible, parlons plutôt de tube pour « La Boulette », « Jeune demoiselle » et « Confession Nocturne ». En retrait du monde de la musique depuis plusieurs années, Diam’s a marqué les mémoires et les cœurs. Sorti sous le label EMI, il s’agit du troisième album de l’artiste de l’Essonne. Il succède à Premier mandat et Brut de femme, et précède SOS son dernier projet sorti en 2009. En cette décennie, elle passe du statut de jeune rappeuse prometteuse à idole de la jeunesse de France. Cet album sorti en 2006 mélange des tubes aux colorations très pop, du rap politique et revendicatif, des titres très féminins. Un projet riche en sujet avec donc nécessairement un qui parlera à une catégorie de son public. Les puristes revendiquant connaître Diam’s depuis la Mafia Trece se retrouveront sur des titres comme « Petite banlieusarde » et « Me revoilà ». Sujet presque tabou dans le rap français, la réussite est obligatoirement le fruit d’une production commerciale made in Skyrock. « Les français sont jaloux » déclarait récemment Christophe Dugarry, « en France on adore que les nuls » déclare Diam’s dans une punchline qui passerait presque inaperçue dans la richesse du disque. Si Melanie a réussi à faire aimer le rap à des gens qui n’en auraient jamais écouté, disons lui merci. Diam’s est une putain de rappeuse, elle a dominé le game pendant des années, et comme toutes les idoles certains lui ont craché dessus après l’avoir adoré. Oui Dans ma bulle est un bon album de rap français, il a brisé des frontières, il a marqué une année. Et fais pas genre t’as pas envoyé un mail sur jeunedemoisellerecherche@hotmail.fr.
6. Ouest Side – Booba
« Boulbi » tourne en boucle dans les halls, les clubs et les soirées chicha. « Pitbull », « Lettre du front » mais également « Confession Nocturne » sont, à cette époque, les chansons préférées des adolescentes. Elles ont aujourd’hui entre 24 et 30 ans, et nous parions que vous retrouvez ces morceaux dans leur téléphone aujourd’hui. Ouest Side est l’album présent dans 80% des Samsung S400i et mp3 des jeunes banlieusards en 2006. Meilleur que Panthéon mais moins classique que Temps mort. Il atteindra la première place des ventes dès sa première semaine d’existence. Rappelons que la musique connaît sa fameuse crise du disque, l’ère du téléchargement légal ou illégal a débuté récemment. Les acheteurs de disques, avec la pochette et le CD, sont déjà la risée des progressistes qui trouvent l’idée de se déplacer et de dépenser plus de 15 euros dans un album ridicule. Laissez-nous tranquilles, si la mort du CD est programmée depuis cette période, nous avons le droit de l’accompagner avec tendresse vers sa dernière demeure. La pochette de Ouest side est belle, il s’agit d’un hommage à Malcolm X. Booba est photographié de profil, épiant à travers un rideau arme à la main. Tous les reproches ont été fait à Booba, mais n’osez jamais lui reprocher son manque d’amour pour la communauté noire. L’album est composé de seize titres, il sort sous le label du rappeur Tallac. Cinq singles seront mis en vente : « Garde la pêche », « Boulbi », « Au bout de mes rêves », « Mauvais garçon » et « Pitbull ». Productions et paroles parfaites, le disque est d’une rare justesse. Le rap de Booba s’est enrichi, il livre des morceaux très personnels avec « Pitbull » et « Je me souviens ». Le génie DJ Mehdi ne produit qu’un seul morceau de Ouest Side, il n’est pas surprenant qu’il soit le meilleur du projet. Il porte le titre « Couleur Ébène », le D.U.C. Le flow du rappeur est martelé sur une production composée d’une guitare électrique de synthétiseurs et de percussions. Après deux syllabes, le rappeur s’arrête un court instant avant de reprendre une rythmique peu fluide mais terriblement efficace. Pour réussir un bon morceau de rap, il faut un bon texte, une production originale et qui se marie bien avec les mots, le flow et l’intonation de la voix du rappeur fait le reste. La deuxième piste de l’album est produit par Jaynaz, un nom bien moins cliquant que celui de l’ex membre Idéal J. Il s’agit du titre « Le duc de Boulogne » rappé dans une ambiance baroque, qui colle à la perfection avec le titre de noblesse qu’Elie Yaffa s’accorde. « Tes grosses merdes se coupent en deux, essaye sans ton string ficelle » constitue un tacle non dissimulé à Rohff et ses doubles-albums. Le disque est une machine à punchline : « Si t’es sérieuse t’es ma meuf, sinon t’es ma pute », « Je fais des dons d’urine pour que la France entière se désaltère », « Selon mes calculs si j’t’encule bien, c’est minimum l’hernie discale », « Sur le plus haut trône du monde, on est jamais assis que sur son boule », « MC t’as trop traîné ton cul sur les bancs de la fac, je vais faire un manteau de fourrure avec les poils de ta chatte ». Indémodable album de cette génération, il vieillit aussi bien qu’un bon vin. 0.9 et Lunatic n’auront pas le même nombre d’étoiles au guide Michelin du rap.
5. Du rire aux larmes – Sniper
L’année 2001 est riche en très bons albums de rap français : Salif, Ness&Cité, MC Solaar, Fonky Family, Akhenaton, Rocca, Oxmo Puccino, La Caution, Passi, Triptik, Kery James, Rohff, Saïan Supa Crew etc. Ils sont nombreux à figurer dans notre classement, et d’autres figureront très probablement dans vos réclamations, mais rédiger un top 50 équivaut à faire des choix et certains bons albums sont restés aux portes de notre hiérarchie. Le premier opus du groupe du Val d’Oise paraît à la vente le 30 janvier 2001 sous le label Desh Music. La première apparition du groupe ensemble sur un morceau, avant même d’adopter le nom de Sniper, remonte à 1997. Le titre pré fondateur sera « Je viens du 9.5.1.7.0 », nous le trouvons sur l’album Tu disais quoi? du groupe du 95 M-Group. Méconnu du grand public, mais très estimé par les amateurs de rap tricolore ce disque sort sous les labels Kool & Radikal et Night & Day. Un excellent sept titres facile à écouter, où se révèle donc Tunisiano, Aketo et Blacko. A la fin des années 1990, les collectifs et groupes de Deuil-la-Barre se mêlent et s’entremêlent autour du collectif Le Comité qui est présent sur ce morceau. L’histoire retiendra que le groupe Sniper fut créé lors du festival des Francofolies de La Rochelle en 1997. La première apparition sous le nom Sniper se fait sur une compilation Power of Unity sortie par Polydor en 1999. Ils poseront deux morceaux sur le projet : « Le 95 » et « Association de scarlas ». Power of Unity réunit des artistes de différentes nationalités comme Hamma, Dynamax, Eternal Science, Pellicule 24, Baja Fronte, Daara J et Royal Cobra Naja. Les rappeurs montent en puissance et la reconnaissance ne tardera pas à arriver. Le label B.O.S.S. est créé en 1998 par Joey Starr, DJ Spank et DJ Naughty J. Deux albums de la moitié de NTM sortiront sous cette maison : Gare Au Jaguarr en 2006 et Egomaniac en 2011, mais également Irony de Iron Sy. Il sortira trois volumes de Boss Of Scandalz Strategyz, albums collectifs, en 1999, 2000 et 2004. Sniper sera présent sur la dernière piste du premier opus avec le titre « Exercice de style ». Ils ne sont pas membres du B.O.S.S., mais ce morceau sera choisi pour porter la compilation. L’influence du Suprême NTM, un an seulement après l’immense dernier album du groupe, est sans limite dans le milieu du rap. Poser sur une compilation étiquetée Joey Starr augmentait considérablement les chances de percer. Chose faite pour Sniper, le titre « Exercice de style » entrera en playlist sur Skyrock. Parmi les artistes présents sur ce premier B.O.S.S., ils auront la carrière la plus riche. Lord Kossity, Mala de la Malekal ainsi que Serum se feront un nom dans le rap après leur apparition sur la compilation. L’année 1999, année du lancement de la fusée Sniper avec une nouvelle apparition sur une autre compilation mythique, surement la meilleure du rap français. A la différence de B.O.S.S., elle accueille également des rappeurs déjà confirmés, il s’agit de Les Sessions Première Classe Vol. 1. du label Première Classe. Produite par une dream team : Djimi Finger, DJ Maître et Tefa, Chimiste, DJ Mehdi, Pone mais également DJ Mars, elle marquera l’histoire avec des titres comme « On fait les choses », « Atmosphère suspecte », « Animalement vôtre », « Nautilus: Black December ». Le morceau des Sniper porte le nom « Même pas 20 piges » en collaboration avec Scalo et Prodige. Ils font office de jeunes très prometteurs, il faut dire que les noms des rappeurs présents donnent des frissons tant ils sont impressionnants : Neg’Marrons, Mystik, Pit Baccardi, Rohff, Don Choa, Le Rat Luciano, T. Killa, L’Skadrille, Kery James, Rocca, Shurik’N, Hamed Däye, Casey, Akhenaton, Ärsenik, Karlito, MC Jean Gab’1, Fabe, Eben, Ekoué, K-Reen, 113, Rocé, Oxmo Puccino et Passi. Qui dit mieux? De 1997 à 2001, l’ascension de Sniper aura pris quatre ans. Du rire aux larmes demeure le meilleur CD du quatuor, les tubes « Pris pour cible », « La France » ainsi que « Aketo vs. Tunisiano » installeront Sniper dans la cour des très grands.
4. La fierté des nôtres – Rohff
Dans quel état était le monde en 2004 ? Facebook connaît ses premières heures, la guerre d’Irak bat son plein, l’Assemblée nationale vote la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques, Noël Mamère célèbre le premier mariage homosexuel, le FC Porto remporte la finale de la Ligue des champions face à l’AS Monaco. En France, Les Choristes dominent le top album, la bande original du film sera certifiée disque de diamant, tout comme Michèle Sardou, Chimène Badi et Yannick Noah. Quelques bons albums de rap en cette année, un mois après Panthéon de Booba, Rohff sort dans son premier double album intitulé La fierté des nôtres. Il s’agit du troisième album du rappeur du 94, il sort sous les labels Hostile Records et Delabel. Trois morceaux seulement seront mis en clip sur les trente qui composent ce disque monumental. Ils choisiront le tube « Le son qui tue » avec Natty, « Zone internationale » avec le rappeur cubain Roldán González Rivero et l’hymne à son département « 94 ». En dehors des collaborations déjà citées, nous retrouvons une liste prestigieuse d’artistes qui se sont joint à Housni sur cet album légendaire : Intouchable, Janice, Koffi Olomide, Kayna Samet, Mohamed Lamine, Wallen, Kery James, Admiral T, J-Mi Sissoko, Kamelancien, Alibi Montana et Sefyu. Lancé dans la musique par le groupe Expression Direkt pionnier du rap du 78, il les invitera également sur « Le son de la hagra », un morceau malheureusement gâché par l’utilisation ratée du sample du classique de Tupac Shakur « Hail Mary ». L’album sera certifié double disque d’or avec plus de 280 000 albums vendus dans l’hexagone. L’écoute d’un double album n’est jamais aisée, soit vous êtes un réel fan de Rohff alors une écoute d’une traite vous sera facile, harmonieuse, et confortable. Si vous avez plus de mal à écouter Rohff rapper pendant 138 minutes alors voici un petit guide pour une écoute fluide et piochée : Commencez par « Intro – La fierté des nôtres » puis enchaînez sur « Ça fait plaisir », ne zappez pas le titre suivant « Dur d’être peace », passez directement la piste 13 et écoutez jusque la fin du premier disque. Cinq morceaux indispensables sur le second disque : « Sincère », « Zone internationale », « 94 », « Code 187 » et enfin « Outro – J’rappe mieux que toi ». Un classique indispensable.
3. Temps mort – Booba
Médaille de bronze pour cet album de Booba sorti le 22 janvier 2002 sous le label 45 Scientific. Il atteindra la deuxième place du top album lors de la semaine de sa parution et sera certifié disque d’or. Retour sur cet album mythique avec un top 5 des meilleurs morceaux de ce disque mythique :
- 1. « On m’a dit » : le morceau s’ouvre sur une alarme stridente rejoint par une production boom-bap qui sent bon les années 1990. Booba règle ses comptes avec les personnes qui l’ont découragé dans sa jeunesse. Ils ont dit ces choses à Booba, mais à travers lui, le rappeur dénonce les discours trop souvent prononcés aux jeunes de banlieue.
- 2. « Jusqu’ici tout va bien » : « C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de cinquante étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute se répète sans cesse pour se rassurer : jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien. Mais l’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. » Avant SCH et son « se lever pour 1200 c’est insultant », le DUC tenait un discours similaire en France : « 6000 balles pour travailler tout le mois je m’en bats les couilles, moi ». B2O avait-il déjà prévu le prénom de son fils en écrivant son morceau? La phrase « Wesh Omar, finis les cauchemars » est flippante de prémonition.
- 3. « Ma définition » : « J’voulais savoir pourquoi l’Afrique vit malement, du CP à la seconde ils m’parlent d’la Joconde et des allemands » une des lignes les plus fortes de la carrière du rappeur des Hauts-de-Seine. Punchline d’un réalisme froid. Booba regrette que l’école ne s’intéresse qu’à l’histoire de France, des guerres mondiales et de la culture de l’Hexagone, sans jamais lever les yeux vers l’Afrique, l’histoire coloniale et locale.
- 4. « Repose en paix » : Morceau clippé de l’album où Booba enterre le rap français. Les premières mesures du titre sentent le soufre, le feu crépite pour introduire de la meilleure des façons le couple unique du rappeur. « Je suis venu marquer mon temps malgré mon teint », s’imaginait-il une telle carrière? Son leitmotiv d’entourer les MCs à la craie blanche, combien de carrières ont-été enterrées par le DUC.
- 5. « Strass et paillettes » : Trois couplets dont un de son partenaire du groupe Lunatic, le duo n’a pas perdu de son alchimie, la teinte de Mauvais Œil est percevable et plaisant. « C’est le festin des deux Lunatic, tu veux en teste un, si tu en tues un, protège ton dos ! Il en reste un« .
2. Si c’était à refaire – Kery James
Kery James a débuté son immense carrière au début de l’adolescence, à un âge où faire du rap n’est pas une préoccupation essentielle et à une époque où cette musique ne coulait pas à profusion comme le lait et le miel sur la terre promise. Le jeune Daddy Kery forme Idéal Junior au début des années 1990, il cumule presque trente ans de carrière dans l’industrie. Kery James a su faire évoluer sa musique en fonction de sa vie. Une vie brutale, marquée par la perte de proches dans de sombres conditions mais aussi par un tournant spirituel important avec une conversion à l’islam. Un destin incroyable ponctué par des rencontres décisives : MC Solaar lors d’un atelier d’écriture dans une MJC de la ville d’Orly, avec DJ Mehdi qui contribuera au succès de son groupe renommé alors Idéal J. Ils sortiront deux albums, le premier O’riginal MC’s sur une mission en 1996, et le second Le combat continue en 1998. Membre phare de la Famille africaine, Kery James reprendra avec brio le rôle de représentant du 94, après que des anciens comme EJM en ont posé les fondations. En 2001, après une pause dans sa carrière, il sort Si c’était à refaire, un disque aussi beau que pur, aussi fort que triste.
Le monde du rap était longtemps resté orphelin de ses textes et de sa voix, son retour était très attendu. Cet album a le goût de la nostalgie d’une jeunesse qu’il n’a pas vécu. Les productions simples permettent à chaque mot du MC d’Orly de résonner dans nos têtes. Terminé le Kery James énervé du classique « Hardcore », l’heure est la sagesse le long des douze morceaux du meilleur projet de sa carrière en solo. Dans ce titre, il déclarait d’ailleurs « Hardcore comme reconnaître ses tords », trois ans de retraite spirituelle lui ont permis de dépasser cette affirmation, et de ne pas souffrir d’assumer les erreurs du passé. L’album pose la question philosophique des regrets, des erreurs commises : est-ce que l’Homme peut changer? Pacifiste et nouvel apôtre de la solidarité, le rappeur se mue en l’apôtre du rap aux bonnes paroles. Dès la deuxième piste, il anticipe les critiques en répondant pendant de longues minutes à la question : « Ok ! A l’écoute de l’album, il est clair qu’un véritable changement s’est opéré. Ne craigniez-vous pas que les jeunes ne se reconnaissent plus dans vos propos ? Qu’ils vous jugent trop moraliste ? Enfin, pourquoi un tel changement ? ». Le morceau porte le juste nom « Parce que », il déclare sa fameuse phrase: « Je suis pas là pour leur dire ce qu’ils veulent entendre ». Le cœur de cet album bat plus fort lorsque nous arrivons à la sixième piste, le beau « Deux Issues ». Une grande partie de la Mafia K’1 Fry, renommée pour l’occasion Famille africaine, est présente sur le titre « Ce qui nous perd », rappé sur un beatbox d’Eklips. Rim’k, Selim du 9.4, Karlito, Dry, Yézi L’escroc, Mokobé, Popa, Manu Key, Teddy Corona, Mamad, OGB, Mista Flo, Demon One, AP, Jessy Money et Rohff enchaînent chacun un complet sur ce morceau sans refrain. « Des Terres d’Afrique » est un diamant moins connu que les titres cités auparavant, le refrain chanté en arabe apporte une teinte orientale agréable.
1. Mauvais oeil – Lunatic
La chanson française est belle parce que des artistes comme Léo Ferré, Edith Piaf mais aussi Charles Aznavour, Serge Gainsbourg, Georges Brassens et Daniel Balavoine ont jalonné son histoire. Ils ont créé des musiques immortelles, des refrains connus de tous. La France est une terre artistique, l’air français fait naître des inspirations géniales. Le rap français est grand, beau et fort, ce genre musical encore aujourd’hui insulté par beaucoup, domine l’industrie de la musique. Le rap français est la chanson française. Le sulfureux Serge Gainsbourg n’était il pas un rappeur avant le rap ? Le revendicatif Daniel Balavoine a pour héritiers Rockin’ Squat et Kery James, des rappeurs engagés et politiques.
Nous plaçons à la première place du classement l’album du duo Booba et Ali. Sorti le 28 septembre 2000, ce disque fait du rap français un mouvement encore plus beau qu’il ne l’était. Il est le pont entre les années 1990 et notre décennie d’étude. Album intemporel, Mauvais Oeil n’a pas connu le succès dans les ventes de Première consultation, de Dans ma bulle ou de L’école du micro d’argent. Ils ont fait disque d’or en indépendant, sans soutien des radios, sans Internet, juste avec le bouche à oreille. L’équipe formée par Booba et Ali est légendaire, le disque ne contient même pas le meilleur morceau de leur carrière « Le crime paie », un chef d’oeuvre même pas clippé, impensable de nos jours pour une chanson aussi réussie. Aucun titre du projet n’est à mettre de côté. Pendant un peu plus d’une heure Lunatic balance un rap impeccable sur des productions parfaitement sombres. La fusion Lunatic est scientifique.
Dans la lettre que nous écrierions à Booba et Ali, en guise d’intro nous leur dirions que nous regrettons l’époque où ces têtes brûlées originaire du 92I crachaient sur la concurrence avec des textes sortis tout droit de l’HLM3. Mais pas l’temps pour les regrets, seulement un peu de nostalgie de ce son qui met la pression et fait battre nos cœurs d’amoureux du rap. Ali, tu le sais mieux que nous le silence n’est pas un oubli, définitivement pas strass et paillette, ton nom restera comme l’un des plus grands du mouvement. Vos chemins avec Booba sont différents, mais vous garderez toujours le même groupe sanguin, le sang noble des bâtisseurs du rap tricolore. Nous ne réclamons pas un retour de Lunatic, il serait utopiste que de l’espérer, et sans trop y croire, nous demandons à Zoxea, que nous adorons, de leaker le premier enregistrement du groupe enregistré chez toi. Zoxea, si tu kiffes pas notre demande nous le comprenons, et nous respectons ton choix. Nous nous repasserons Mauvais Oeil en boucle, cet album si peu civilisé mais tellement formateur. Il nous a appris à faire l’effort de paix, Booba et Ali à jamais des avertisseurs. Ainsi se termine notre classement des 50 meilleurs albums de la décennie, sans oublier de dire: T’aimes ou t’aimes pas, dis-moi, toi qui sais tout, si tu kiffes pas tu lis pas et puis c’est tout.
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