Musique
UMLA d’Alpha Wann est disque d’or : nos titres inoubliables
Après une grosse poignée de projets solo et en équipe, Alpha Wann a dévoilé son premier album, UMLA le 21 septembre 2018. Loué par la critique, mais traînant des pieds commercialement, l’opus s’est finalement orné d’or. L’occasion de le redécouvrir.
Peu de noms ronflants («pas d’featuring faut pas gaspiller l’euf»), pas de refrain chantant, pas de tube («encore un son qui passera pas sur Sky»), pas de promotion pour l’album : Alpha Wann a joué le jeu risqué de la sobriété à l’occasion de son premier album Une main lave l’autre. Du rap, du talent, et c’est tout. Peu à même de plonger tête baissée dans une industrie musicale qui court derrière les streams, l’artiste a suivi sa ligne directrice du début à la fin. Une ligne qui lui a permis de devenir un contre-exemple des codes commerciaux modernes. Désormais couvert d’or, on s’est posé quelques minutes pour faire un point sur quelques titres inoubliables de ce projet si singulier.
« STUPÉFIANT ET NOIR »
C’est le premier extrait paru du projet, présentant également son protagoniste, interviewé dans la rue, exposé à de nombreuses théories. Mais qui est-ce donc ? Comme l’explique Genius France, certains affirment qu’il pourrait s’agir de Joey Starr, de l’acteur Olivier Gourmet ou même du rappeur Sëar Lui-Même, dont la voix et la prononciation se rapprochent beaucoup de l’enregistrement, effectué par Alpha Wann. Après une série de punchlines, il en vient au refrain et le titre de la piste prend alors tout son sens :
«J’suis comme le shit, stupéfiant et noir»
Dans cette comparaison, Alpha Wann fait comprendre que, comme le cannabis, il est stupéfiant, et noir, comme sa couleur de peau, et au shit, lorsqu’il est malaxé. Le tout, en sous-entendant que, comme avec le shit, on peut devenir accro à ses textes. Bref, quand le titre d’un morceau est une punchline à lui tout seul, exposé à de multiples lectures, c’est bon signe. Et « Stupéfiant et noir » déploie toute la verve exceptionnelle d’Alpha Wann.
« UNE MAIN LAVE L’AUTRE »
Une instrumentale lente et old school nous accueille : Alpha Wann réalise une introspection de sa vie, de la sortie du ventre de sa mère jusqu’à aujourd’hui. Ce titre éponyme de l’album transporte à travers le rap qui l’a toujours tiré vers le haut. «On devrait se joindre comme les mains», explique-t-il. Tel qu’on le voit sur la pochette de l’album, Alpha Wann joint ses mains pour les apporter à son visage, comme un signe de réconciliation. Et on comprend sa philosophie de fraternité au titre de ce son, qui peut expliquer sa proximité et l’entraide qu’il a avec ses différents collectifs de rap et à qui il est toujours resté soudé. D’ailleurs, « une main lave l’autre » est un proverbe grec qui signifie se rendre service mutuellement.
« ÇA VA ENSEMBLE »
Deuxième extrait dévoilé et plus vieux titre de son projet (enregistré en 2016), « ÇA VA ENSEMBLE » apparaît comme une césure dans l’album. Il est composé de deux parties avec deux ambiances différentes. Les producteurs Hologram Lo’ et VM The Dn créent chacun leur tour une instrumentale permettant à Alpha Wann de jouer avec les mots. Le titre s’articule autour d’une thématique qui énumère des éléments qui vont ensemble. Par exemple : la sauce et le riz, ou plus profondément, quand il associe l’argent et le diable en expliquant que le 666 (le diable) et le 777 (le jackpot au casino) vont ensemble. La seconde partie, plus libre, est une exposition de punchlines sublimement efficaces.
« LE PIÈGE »
C’est l’introduction de cet album, où Philly Flingue arrive «en mode raptor, rap fort en mode débarquement sur les plateformes de téléchargement». Ce titre est éblouissant. Vraiment éblouissant. On est dans le tuto de rap, un flow virevoltant, une technique incontrôlable. Il se permet même de lâcher l’une des punchlines les plus iconiques de ces dernières années : «Tu l’appelles mère patrie je l’appelle Dame Nation». Rien de plus à ajouter.
« CASCADE (Remix) »
« Cascade » est fascinant à bien des égards. Ce titre est le pseudo-tube de l’album, celui, en tout cas, qui pouvait se couvrir du plus gros succès. Et vous savez quoi ? C’est aussi celui qu’Alpha Wann aime le moins. Peut-être s’est-il forcé à le clipper alors, ou à lui offrir une vie plus longuement méritée ? Aucune idée. Mais « Cascade » fascine, répétons-le. D’abord par son approche plus mélodique du morceau, qui aurait pu faire tourner le son en radio si Alpha Wann ne taclait pas Skyrock dans son refrain.
Il tourne autour de ses réussites et ses échecs, avec une allusion subtile aux Rap Contenders. Moins technique que les autres titres, « Cascade » donne presque l’impression d’être le trait d’union nécessaire du projet, où l’artiste, introspectif, expose son ressentiment vis-à-vis de son rap. On retiendra l’éblouissante punchline «J’ai gambergé sur le texte et je suis devenu le best quand j’ai mangé le fruit de ma réflexion», en référence aux fruits du démon de One Piece, déjà détaillée par Le Règlement. Un bonbon.
Bonus : « POUR CELLES »
Comment ne pas parler de ce morceau qui signe un retour au collège pour Alpha Wann, qui s’exprime alors sur sa jeunesse amoureuse, et son rapport aux femmes ? Philly Flingue explique qu’il est alors peu populaire dans cette période où il se posait déjà des questions sur le monde. «Ça c’est pour celle que je kiffais mais qui me kiffait pas».
Puis, passage par le lycée, ou il découvre la marijuana, et se met en couple, avant de quitter sa copine par manque de temps. Sur la fin de la musique, il explique qu’il prend soin de ne pas dévoiler toutes ses histoires amoureuses dans les détails, considérant que des jeunes sont susceptibles d’écouter sa musique. Encore, une prise forte de position et contradictoire du rap actuel. Un beau symbole.