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Musique

Yass Sogo, le gagnant du 2HIF Freestyle Contest est aussi prof de français

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Après sa victoire lors du premier 2HIF Freestyle Contest, nous avons rencontré Yass Sogo. Yassine Boutahar de son vrai nom est rappeur, mais aussi professeur de français.

Grâce à votre soutien et à son talent indéniable pour le rap, Yass Sogo est devenu le premier grand gagnant du 2HIF Freestyle Contest. Un à un, marche par marche, il a pris le dessus sur ses adversaires CO2, Kipstone, Pasteur & LeNos. Vous qui avez suivi son ascension jusqu’au sommet, saviez-vous que Yassine Boutahar, 31 ans exerçait également en tant que professeur de français dans un collège de Beaulieu Sur Mer dans les Alpes-Maritimes ? Portrait d’un homme humble et sincère, mais surtout d’un artiste aux multiples facettes.

Le rap et la littérature, deux amours de jeunesse

Comme pour beaucoup de MC, le virus du rap s’attrape dès le plus jeune âge. Bien entendu, Yass n’a pas échappé à la règle et c’est à huit ans que le natif de Fréjus découvre ses premiers raps. Nourris aux textes d’IAM, de NTM ou encore d’Assassin, il n’aura pas fallu longtemps au jeune Yassine pour qu’il veuille apporter sa pierre à l’édifice. Sous l’impulsion de son grand frère DJ Blasdaa, c’est à l’âge de 12 ans qu’il monte la première fois sur scène. Les années passent et le rappeur va continuer à se nourrir de cette musique qui l’a façonné. Et pour parfaire ses talents de maître de cérémonie, rien de mieux que les soirées « open mic » organisée à Nice et dans sa région. Pour l’anecdote, il est même le recordman local en terme de victoire à ces concours. Trois sacres qui lui permettront de gagner en notoriété, mais surtout, de laisser ses mots s’exprimer.

Mais en parallèle de son amour des punchlines, il trouve un second exutoire dans un autre monde, celui de la littérature française. En effet, lorsqu’il était enfant, sa grande sœur lui lisait des histoires à son chevet. Histoires qu’elle lui présentait comme une récompense pour lui transmettre la valeur de la lecture. Au fil des années, son amour des livres a grandi en même temps que lui, au point qu’il dévora tout ce qui lui passa entre les mains. De Flaubert, en passant par Mallarmé, jusqu’à Proust, pour Yass, tout est bon pour s’enrichir de culture et de belles lettres.

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Credit photo: Sandryn D’Escrienne

Un homme complexé entre rap et études

Mais bon, un rappeur féru de littérature, ça fait tache, dans l’imaginaire collectif du moins. Ce fossé culturel entre les lettres porté par une élite intellectuelle et le rap, caractéristique de la vie des quartiers le marquera tout le long de sa jeunesse. « J’ai toujours été le cul entre deux chaises. D’un côté, il y avait mes camarades de Lettres Moderne à la fac qui n’aimaient pas le rap, car ils le considéraient comme vulgaire, et de l’autre mes potes de la cité. » Constatant cela, Yassine a du mal à assumer ses deux passions, qui pourtant, ont forgé son identité. Le malaise est tel que ce dernier éprouve même une certaine honte à porter sa casquette de rappeur devant ses camarades et ses professeurs à l’université, par peur d’être jugé négativement. « Le rap est souvent vu par ceux qui ne le connaissent pas, comme une musique vulgaire faisant l’apologie de l’illicite ». Il en va de même pour ses potes du quartier « moi qui aime le rap littéraire, arriveront-ils à me comprendre ? ». Ce n’est qu’après avoir gambergé quelques temps qu’il décida de franchir le cap. Pour lui qui avait peur des nuages noirs, le ciel s’est éclairci : aussi bien du côté de ses proches que de ses enseignants, ses fins talents d’écriture et d’expression ont fait l’unanimité. Certains de ses textes sont même utilisés par d’autres professeurs de français pendant leurs séquences sur la poésie. La consécration d’un homme longtemps hanté par la peur d’être incompris.

Yass Sogo, rappeur à la plume aiguisée

Cette névrose du langage et cette sensibilité accrue pour les mots se retrouvent donc forcément dans sa manière d’écrire. Pourtant, sa première référence musicale n’est pas un rappeur, mais un chanteur de variété française qui n’est autre que Georges Brassens. « Cet homme, c’est le summum. Il est capable de raconter des histoires à partir de rien du tout. Tout est basé sur sa langue et sur sa façon de jouer avec les mots. Je pense à un morceau qui s’appelle « Le Grand Chêne ». Dans cette chanson, il raconte l’histoire d’un arbre qui pleure parce que les roseaux se moquent de lui. C’est juste formidable ».

Néanmoins, le premier style qui a caractérisé le rap de Yass à ses débuts, c’est l’égotrip fait à la fois de punchlines poignantes et de jeux de mots poétiques. Loin de s’en être totalement détaché, son écriture a tout de même évolué, elle est aujourd’hui bien plus orientée vers le storytelling. L’art de raconter des histoires comme le fit, feu Georges Brassens, ou encore plus récemment Kendrick Lamar outre-Atlantique. « J‘aime dresser des portraits de monsieur et madame tout le monde. Récemment, j’ai écrit un morceau qui raconte l’histoire d’un petit vieux qui s’appelle M. René, d’une caissière qui s’appelle Mélanie, qui souffre de ses conditions de travail difficiles, mais qui finit par trouver l’amour. J’aime exprimer le point de vue de tous ces gens ». 

Mais qu’il s’agisse d’égotrip ou de storytelling, les caractéristiques stylistiques de notre rappeur restent les mêmes. Ecouter Yass Sogo, c’est prendre dans la gueule, une bonne dose de rimes riches, d’allitérations, d’assonances, de multisyllabes, de jeux de mots, de métaphores, de conglobations (Un procédé qui consiste à décrire un objet tout en le voilant, et c’est uniquement à la fin de cette description que l’on découvre l’identité de cet objet NDLR) et de bien d’autres figures de style insoupçonnées. Le tout saupoudré de punchlines toujours poétiques dont lui seul a le secret. Un jeu d’enfant lorsque l’on est professeur de français, n’est-ce pas ?

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Monsieur Boutahar, le professeur de français  

C’est bien là l’originalité de l’artiste frejussien : Yass Sogo quand il prend le micro, et monsieur Boutahar au collège de Beaulieu Sur Mer où il travaille. Comme pour le rap, si Yassine a fait ce métier, cela n’est pas dû au hasard. Fort de son amour pour la littérature française, il a toujours été admiratif de ses professeurs. « J’ai toujours voulu faire ce métier, c’était une vocation. Quand je voyais comment mes profs de français s’exprimaient, j’ai tout de suite voulu devenir comme eux ».

Un rêve qu’il a atteint il y a maintenant plusieurs années. Cela dit, il a longtemps caché à ses élèves sa double vie, et ce pour plusieurs raisons. D’une part pour ne pas influer sur la relation d’autorité élève / professeur, d’autre part, par peur une nouvelle fois que son statut de rappeur soit mal perçu dans l’Education Nationale. Sauf qu’un jour, ses lycéens découvrent une vidéo de lui kickant lors d’une battle hip-hop. Le masque tombe et ses craintes s’envolent. Il en fera même une force en proposant des enseignements innovants à ses élèves, avec par exemple des concours de slam. « Une manière ludique et familière pour ouvrir les jeunes à la richesse de la langue française », affirme-t-il. Sans surprise, la formule a porté ses fruits puisque bon nombre d’élèves habituellement désintéressés des cours de français y ont repris goût, par le simple fait que le prof soit un rappeur. Bien sûr, ce n’est pas pour autant qu’il se comporte en « copain » avec ses étudiants, et ce même si ces derniers apprécient sa musique. Sa conscience professionnelle et son amour pour son métier sont restés intacts. 

Crédit photo : Reportage « Travailler encore » (France 3 – diffusé le lun. 22.05.17 à 23h30)

Un ambassadeur du rap et de la langue française

Après tout ça, une question reste tout de même en suspens : l’amour de la langue de Molière et du rap sont-ils incompatibles ? Ce à quoi, Yass aime répondre que le rap n’est rien d’autre que la littérature des temps modernes. C’est pourquoi, il souhaite mettre un terme aux idées reçues qui gangrènent cette musique. Ainsi, de par sa légitimité d’artiste et d’homme de lettres, il se place en ambassadeur à la fois du rap et de la langue française. Autrement dit, il cherche à transmettre aux plus jeunes, cet amour de la littérature et de la langue française par le rap.

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Pour ce faire, celui-ci organise régulièrement des ateliers d’écriture avec son ami rappeur : Killian Alaari. À deux, ils s’emploient donc à démonter le postulat consistant à dire que le rap serait un genre musical vulgaire. Au contraire, il considère même que le rap est l’expression artistique la plus poétique qui soit. « Stylistiquement, rien ne m’a jamais autant impressionné que le rap. Le rap, c’est magnifique, tu peux réécouter un morceau cent fois et être toujours aussi impressionné. Il n’y a que cette musique qui peut te faire ressentir tout ça », confie-t-il. D’autre part, dans son combat perpétuel d’ouvrir la jeunesse à la littérature, il travaille aussi sur l’écriture d’une Histoire de la littérature française sous forme de rap. Comme si ses deux raisons de vivre ne faisaient plus qu’une, comme si aucune ne surplombait l’autre. « Je veux résumer les grands auteurs, les grands courants, les grandes oeuvres siècle par siècle. Comme un manuel à l’usage des lycéens qui vont passer le Bac ». En voilà une riche idée, on dit merci monsieur le professeur.

Quel avenir pour Yass Sogo ?

Remporter le 2HIF Freestyle Contest, c’est une chose, mais pour sûr que notre artiste du jour a plein d’autres projets dans ses cartons. Rappeur depuis des années, il admet lui-même avoir atteint une certaine maturité artistique. Une largesse d’esprit qui lui permet aujourd’hui de toucher à tous les sujets. Son dernier défi a été d’écrire un morceau qui s’appelle « Au Nom du Père et du Fisc ». Ici, il dresse le portrait d’un politicien qui parle de lui à la première personne. « Je souhaite avec ce morceau accumuler les clichés sur les hommes politiques pour que ce portrait ait une valeur universelle. Il ne reste plus qu’à l’enregistrer, je voudrais le sortir pour les élections législatives », déclare-t-il.

Par ailleurs, Yass Sogo prépare aussi un album, projet qu’il distribuera gratuitement comme il l’a toujours fait depuis ses débuts. Il ne manque plus que l’aval de son auteur pour que celui-ci nous livre tous ses secrets. « Je le sortirai le moment voulu, mais j’attends encore un peu car j’ai plein d’idées nouvelles qui me viennent chaque jour ». Allez, en attendant tout ça, on se remémore la finale 100% niçoise du premier 2HIF Freestyle Contest.

Vous pouvez aussi retrouvez Yass Sogo sur sa page Facebook.

Credit photo: Sandryn D’Escrienne

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