Interviews
Achile : «J’avais plein de mini-rêves»
Avec Pas si simple, Achile est allé au bout de son exploration musicale, variant du gospel au cloud rap. Un grand écart qui résume son monde hybride.
Beaucoup de couleurs, beaucoup de grandeur : finalement, la pochette qui habille Pas si simple est une belle métaphore d’Achile. Cet artiste si particulier, qui a très vite assumé ses distances avec le rap sans renier ses influences, est parvenu à enfermer dans une petite capsule de quatorze morceaux son si vaste univers. Vaste, pas tant dans sa lecture : Achile est un personnage clair, sobre narrateur de son quotidien et ceux qui l’entourent, capturant avec universalité des tranches de vie spontanées. Vaste, plutôt par ce besoin de retranscrire en un seul tableau tant d’influences, de désirs, de fantaisies. Pas si simple est une chevauchée au coeur d’une peinture aux mille coups de pinceaux ; du pointillisme par-ci, du cubisme par-là. Un art plein, que son auteur résume en une accumulation de «mini-rêves». Rencontre.
Ton premier album est enfin dispo, on l’attendait depuis longtemps, il y avait eu une première annonce, puis il a été décalé de quelques semaines. Comment tu l’as vécu ce report ? Plus de pression ?
Il fallait décaler l’album. On m’a expliqué pourquoi il fallait le faire et on l’a fait. Et heureusement, car on n’était pas vraiment prêt. On a vu tous les retours que ça a amenés après, même d’un point de vu personnel, je n’étais pas prêt. L’annonce du décalage a presque plus marché que l’annonce de l’album, on a fait un post interactif, c’est trop bien, je suis content qu’on ait réussi à faire ça.
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Quel sentiment ça te fait de savoir que les gens vont écouter un projet que tu bosses depuis des années. Du jour au lendemain tout ce travail va être rendu public.
Quelques semaines avant sa sortie, je n’écoutais plus l’album. Je ne l’écoutais que des fois, pour me rassurer sur certains trucss. Par contre, il n’y a plus trop de stress. Je suis plus en mode : « Allez, écoutez-le ! ». J’ai envie que les gens l’écoutent. Je vais pouvoir parler des sons avec le public.
Parlons du projet. Tu abordes pas mal de thèmes universels, comment s’est passé toute la phase d’écriture ?
Il y a eu plein d’étapes d’écriture. L’étape où je parle de moi, ça a marché pendant quelques années, je pouvais exploiter ce fil-là. Mais il y a un moment où je voulais aller plus loin pour l’album, donc il y a eu de nouvelles manières d’écrire. Il y a aussi eu une étape importante : raconter des choses pour les autres comme dans « S’en aller » ou « Vie géniale ». Je me reconnais dans certaines choses mais c’est assez large quand même. Dans « Seul », ça aurait pu être mon histoire ,mais j’avais juste envie de raconter ce truc là.
Il y a donc eu cette phase-là où je parlais un peu des autres, pour aussi changer de style d’écriture car je pense que tu n’écris pas de la même façon quand tu racontes des histoires autres que les tiennes. Ça rend la chose beaucoup plus universelle que quand tu parles de toi, c’est peut-être moins « sincère », mais ça fonctionne assez bien. Dans le morceau « Pas si simple », j’ai l’impression d’avoir passé un cap d’écriture dans la profondeur. Il y a plein d’anciens morceaux aussi, comme « Croire » ou « Assez ». Il y a « Kappa » aussi, écrit en 45 minutes, mais qui est là. C’était pleins d’étapes, mais toujours liées au feeling. Il faut que ce soit spontané. Si ça ne l’est pas, je ne le fais pas. Si en 45 minutes il y a rien qui se passe, je le sentirais beaucoup moins bien.
Peux-tu nous raconter comment est-ce qu’on réalise un album, comment tu y réfléchis et les différentes étapes de création ?
J’ai un espèce d’album-type que j’aime. Je l’ai vraiment vu comme ça. L’intro je savais que ça allait être « Pas si simple » parce que j’ai ce truc d’intro un peu rap – même si je me dis que je ne suis pas rappeur – mais ce truc-là, je voulais le garder car c’est hyper important pour moi. Même le morceau « Nevada » fait parti de cet album type, un peu cloud rap, c’était obligatoire pour moi. Et deux chansons qui se suivent aussi, je l’avais depuis longtemps, ça a donné « Vie géniale » / « Vie normale ». C’était assez évident.
Le processus parfait pour un morceau c’est : je fais mon truc dans mon coin sur Logic avec une prod un peu pétée, un refrain et un couplet mal écrit. Et après, si c’est vraiment bien, on le finit avec mon équipe. On fait la base ensemble, et on le retravaille pour l’album. C’est ce qu’il s’est passé avec « Croire » : il y a eu 1000 versions ! Je l’avais fait au début un peu en mode électro et au final ça se termine en acoustique. Il y aussi le fait que j’ai envie de bosser avec plein de gens. Il y Dani Terreur, on a fait « Seul » au tout dernier moment, c’était un peu une évidence ce morceau. Une fois qu’on a l’idée, c’est assez facile. Je savais aussi que je voulais des gospels, j’ai cherché le bon morceau, on l’a mis sur « Assez ». J’avais plein de mini-rêves comme ça.
Parlons de « Insomnie », un morceau assez personnel mais en même temps très universel. Musicalement très fort avec une vraie maîtrise vocale..
C’était très spontané. « Insomnie », en maquette, on l’a fait en live : on était quatre musiciens, tout le monde jouait en live en même temps, il y avait une basse, une guitare, un piano et une batterie. On construisait le morceau comme ça. Je l’adore, c’est vraiment très bien joué. J’étais trop content de la manière avec laquelle je posais, ça rendait un truc un peu sexy. Je ne pensais pas le faire un peu soul comme ça. Le solo de trompette à la fin aussi, c’est du kiff, je voulais un solo dans mon album. Je ne sais pas comment les gens vont le recevoir, j’en ai aucune idée mais c’est un kiffe énorme cette chanson, ça fait du bien. Ça m’enferme moins dans un truc, il y a quelque chose de beaucoup plus libre que les autres. Je ne sais plus comment je l’ai écrit mais je me souviens que j’étais à Tours, c’est l’un des derniers morceau que j’ai écris. C’est un thème qui parle à tout le monde, c’est chiant de ne pas dormir (rires). C’est un sujet simple ) aborder et le rendre un peu sexy en en parlant comme une meuf je trouvais ça marrant. C’est le moins douloureux à écrire, c’est une balade, il y a juste à écrire, c’est trop bien.
Parlons de « Assez », deuxième morceau du projet. Le gospel à la fin est incroyable, c’était comment cette expérience ?
Pour le gospel, je voulais que ça me ressemble et qu’il y ait un sens. Je n’ai pas chanté avec eux, je les ai laissé chanter, je voulais que ça ait du sens, c’était vraiment un kiff, l’un de mes rêves. Je trouve que c’est cohérent : le gospel ça fait longtemps que je soulais tout le monde avec ça, dans toutes mes maquettes il y en a. Quel kiff ce son, c’était tellement fou à faire ! En vrai, c’est ça qui est cool avec un album, tu peux te permettre des choses dingues, et j’avais peur de ne pas être compris qu’avec un EP. Avec l’album, je savais où je voulais aller musicalement, je ne voulais pas simplement faire un truc avec des prods un peu rap même si je kiffe ça. Je voulais aller dans l’acoustique.
On sent un autre kiff dans l’album, le morceau « Nevada », un cloud incroyable, comment t’as eu l’idée de ce morceau ? Tu le considères comme une prise de risque ?
Non, je ne crois pas, je ne le vois pas comme ça. « Nevada », de base c’était une blague. Le refrain c’est parce que, dans ma coloc’ à Tours, il y avait un tableau « Nevada » et pour la blague je commence à chantonner « J’suis dans mon Nevada ». Et au final, j’ai fait un son assez vite mais avec une prod horrible il y a deux ans. J’avais toujours en tête PNL, je me suis dit que dans la maquette il manquait la profondeur de PNL du coup on a appelé BBP qui bosse beaucoup avec PNL, et je lui ai dit de faire ce qu’il voulait. Assez rapidement on est arrivé au morceau qui est là avec pleins d’envolées, c’était super à faire. Je ne pense pas que ça soit un si gros risque que ça, je ne le vois pas comme ça. Ce n’est pas du rap, et je ne pense pas que ça dénature l’album. Tous les morceaux de l’album c’était un kiffe que je voulais me faire, « Nevada » c’est juste un morceau de plus où j’ai kiffé et si ça touche les gens tant mieux.
Tu parles de plein de petits plaisirs, mais tu as pu réaliser tout ce que tu avais en tête ?
Oui, je suis allé au bout de ce que je voulais faire musicalement. Je suis même allé un peu loin, du coup on est revenu (rires). Je ne pense pas qu’on puisse faire mieux en premier. Il y avait aussi la pression du niveau que devait avoir l’album et c’était compliqué à faire, c’est tellement dur un album, je ne m’en rendais pas compte. C’est physique, même sur les singles, les clips, on en a beaucoup fait, l’album était tellement sur la longueur, beaucoup de sons sont déjà sortis, j’espère qu’ils vont avoir une autre vie après l’album.
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Pour la cover, tu as bossé avec Raegular, encore un kiffe j’imagine ?
Gros kiff, je ne pensais pas qu’il allait accepter et il a accepté très gentiment, c’était très bien.
On dit que le deuxième album est toujours plus compliqué car tu réalises souvent pas mal de rêves avec le premier, est-ce que tu te reconnais aussi là-dedans ? Tu sais déjà à quoi va ressembler le deuxième ?
Je suis grave sur le deuxième, je fais de la musique, j’ai envie de le faire beaucoup plus vite que le premier pour avoir plus de spontanéité. J’ai envie de moins me prendre la tête sur plein de trucs, je sais que ça va prendre hyper longtemps. Même en écriture ça a pris un vrai step, c’est trop bien.