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« Cyborg », « Dans La Légende », « Ipséité », les coulisses de performances stratosphériques
Depuis quelques mois, le rap francophone domine les charts tout en balayant les records de ventes. Le secret ? Une maîtrise aiguë et savante de la communication.
Une pluie de disques d’or, quelques nuances de platine, et même parfois des reflets diamants : voilà déjà quelques temps que le rap français brille de milles feux. Omniprésents au sommet des ventes, de plus en plus rares sont les prétendants issus d’autres genres. Le hip-hop est ultra-dominateur. En radio, c’est désormais lui qui fait la loi. Sur YouTube, même les artistes les plus modestes se fraient un chemin vers le million de vues. Au milieu de ça, des phénomènes ont éclaté, domptant la musique française avec des recettes inédites. Ils s’appellent Nekfeu, PNL ou Damso, et grâce à une communication réglée comme une horloge ils sont devenus les faire-valoir d’une discipline artistique chahutée.
PNL, incontestablement Dans la Légende
Tout récemment, leur singe, Mowgli, s’est envolé cherché leur disque de diamant. Le groupe parisien entrait ainsi dans le cercle (très) fermé des albums de rap français dépassant les 500 000 ventes. Bien aidé par les nouvelles formes de certifications comprenant le streaming, rien n’enlève à PNL sa monumentale performance. En indépendant, sans accorder la moindre interview, sans inviter personne sur l’opus, Dans la Légende s’orne de la plus prestigieuse des pierres. Mieux, à sa sortie, le projet a balayé une dizaine de records Spotify et Deezer alors que les clips de l’album se comptent à plusieurs centaines de millions de vues. Le duo aurait même pu s’offrir une brillante performance à Coachella sans une sombre affaire de VISA.
Merci a tous les chicos chicas derriere nous ! On vous prepare la suite de ce que vous attendez tous !!! 💪🌍 #part3⏳ #DansLaLegende 💿🔥
Publié par PNL sur mercredi 23 novembre 2016
Ultra perfectionnistes, les deux frères ont pris conscience du phénomènes de mode qu’ils représentaient tout en appréhendant parfaitement les exigences de la musique française. Ils ont ainsi construit une communication autour du secret de polichinelle, jouant avec aisance avec les nerfs de leurs fans. Des informations au compte-gouttes, fantomatiques sur les réseaux sociaux hormis quelques partages de clips, PNL a assimilé chaque recoin du fonctionnement du business. Comme dans une bulle hors-game, le groupe s’est soigneusement déroulé un tapis rouge jusqu’à la sortie de son opus. A ce moment, ils ont laissé la magie opérer tout en regardant les records tomber un par un.
A l’heure de la surenchère et de la surconsommation musicale, les deux frères paraissent comme des ovnis. Aucun inédit dévoilait depuis septembre et pourtant un album qui pointe toujours aux premières places de vente. Le succès artistique de l’opus a forcément contribué au phénomène, mais la web-série mise en place pour offrir un visuel aux morceaux s’est imposée comme un succession inévitable d’événements sur les réseaux sociaux. Encore aujourd’hui, chaque annonce du groupe est signe de secousse effrayante sur la planète rap. Récemment, un singe, dealer de bananes, s’est offert un million de vues en une journée.
Le Cyborg robotise la discipline
Changement de décor et rendez-vous à Bercy à l’occasion du Feu Tour. Alors que la salle bouillonne pour sublimer les tracks du premier album solo du Fennec, il s’arrête quelques instants pour annoncer la sortie imminente d’un nouvel opus : Cyborg. Dans l’euphorie, il interprète « Squa » et bouscule le rap français. Les réseaux sociaux s’enflamment, les plateformes de streaming brûlent et, dés le lendemain, les boutiques de disques écoulent le projet en masse.
Le pari était osé, mais à l’apogée de son art, rien ne semblait pouvoir inquiéter Nekfeu. Ce second album croule sous les louanges, jugé plus mature et plus épuré. Certains titres inondent les casques audio et deviennent des classiques en l’espace d’une semaine. « Mauvaise Graine » devient le morceau phare du projet, devant « Saturne » ou « Squa ». Et l’artiste parisien, sereinement, regarde les fans sublimer ses statistiques sans rien orchestrer, laissant l’opus se débrouiller seul comme un grand.
La mif on m'apprend que #Cyborg est DOUBLE DISQUE DE PLATINE! C'est une dinguerie!!! Merci a vous tous pour votre soutien, sachez que je prépare deja la suite …
Publié par Nekfeu sur lundi 23 Janvier 2017
Et l’histoire est belle, très belle, puisque Cyborg s’est offert récemment un triple disque de platine tandis que près de la moitié des morceaux de l’album a vu or. La performance est unique et inégalable. Sans promotion, sans le moindre visuel, le projet reste l’un des succès commerciaux les plus aboutis de ces dernières années. Les spécialistes se rejoignent même à dire que, sans l’effet de surprise, cette performance aurait été beaucoup plus nuancée. En tournée avec son $-Crew, Nekfeu semblait presque nié avoir sorti un album, se félicitant simplement à travers quelques posts des certifications obtenues.
Une communication épatante, ou plutôt une non-communication. Et comme il l’a d’ailleurs expliqué lui-même lors de son concert, il peut se réjouir qu’aucune information n’ait fuitée sur l’opus, sans quoi, une nouvelle fois, le succès aurait pu être moindre.
Ipséité déchaîne les statistiques
Et en termes de leaks, Damso en connait un très sérieux rayon. Prévu pour le 28 avril, son second opus Ipséité a fuité massivement sur la toile près d’une semaine avant. A l’époque, le rappeur avait pris la nouvelle avec humour, mais se méfiait tout de même des retombées sur les ventes de son album. Au final, l’effet inverse s’est dessiné : le vent en poupe, le projet du rappeur bruxellois s’est offert un démarrage canon, terrassant la concurrence. Depuis, inarrêtable, il enchaîne les performances tonitruantes ponctuées par un disque de platine et plusieurs singles d’or. Il a a même atteint le somptueux record de 100 millions d’écoutes streaming en un mois. Une performance unique dans l’Hexagone.
Nouveau record toutes musiques confondues. #ipséité #92i Streamer des mères c'est le scénario 🏆__________Streamso
Publié par Damso sur jeudi 1 juin 2017
Si la campagne de communication d’Ipséité s’est voulue très discrète (aucun morceau dévoilé avant la sortie officielle) elle a tout de même été chamboulée, la faute a une sombre erreur de la Fnac. Imperturbable, Damso a décidé de répondre sur le terrain en dévoilant, le jour de la sortie, deux clips exclusifs. Assurément seul dans l’obscurité de son opus, il a cependant choisi une toute autre stratégie que le Fennec en se montrant à gauche, à droite, sur le web et les radios. Une promotion exemplaire, un monstrueux travail artistique et une réussite commerciale.
Mais ça, c’est pour la version soft. En vérité, l’album de Damso a puisé son excellente communication dans plusieurs théories fumeuses emmenées sur la toile. Laissant paraître un message étrange sur la conclusion de son opus, les internautes sont montés en créneau en tirant la conclusion qu’un second album devrait voir le jour d’ici les prochaines semaines. Joueur, le rappeur bruxellois a laissé entendre que l’hypothèse pouvait s’avérer vraie. Combinée aux nombreux extraits diffusés sans jamais être complètement dévoilés, la rumeur a pris une ampleur colossale, propulsant Ipséité, par le mystère, l’incompréhension et la noirceur au sommet des charts.